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Intervention de Jean Glavany

Réunion du 31 mars 2010 à 10h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Glavany, rapporteur :

La situation géographique de la France en fait un très important pays de transit pour le transport routier de marchandises entre pays européens, flux auxquels s'ajoute naturellement le transport des marchandises en provenance ou à destination de notre pays. Le développement des échanges commerciaux se traduit ainsi par une utilisation plus intense de nos réseaux routiers et autoroutiers, laquelle a d'importantes conséquences en termes de sécurité – ou plutôt d'insécurité – routière et de pollution. La France a donc particulièrement intérêt à développer les modes de transport alternatifs à la route.

C'est pourquoi, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, l'objectif de faire évoluer la part du fret non routier de 14 % à 25 % d'ici à 2020 a-t-il été affirmé. La loi de programmation sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement donne ainsi la priorité au développement des modes de transport complémentaires à la route, dont font partie les autoroutes de la mer.

L'objet du présent accord, signé entre la France et l'Espagne les 28 avril et 10 novembre 2009, est de soutenir la réalisation de deux projets d'autoroutes de la mer sur la façade Atlantique-Manche-mer du Nord. Bien que le processus qui a conduit à cet accord ait commencé avant le Grenelle de l'environnement, il est en parfaite cohérence avec les conclusions de celui-ci. La solution des autoroutes de la mer, qui constituent l'une des priorités du réseau transeuropéen de transport, est particulièrement adaptée au trafic de marchandises entre la France et l'Espagne à cause des difficultés posées au transport routier par le franchissement des Pyrénées. Elle consiste à transporter les poids lourds sur des navires qui assurent des rotations régulières.

Même si la moitié environ des tonnages échangés par l'Espagne et le Portugal avec le reste de l'Europe passe d'ores et déjà par la mer, le trafic par voie terrestre a considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Du fait de la différence d'écartement des voies ferrées espagnoles et françaises – problème qui n'est toujours pas résolu –, les flux terrestres entre les deux pays sont quasi exclusivement routiers. Les Pyrénées sont un passage obligé : le franchissement se fait pour l'essentiel soit par Biriatou, côté atlantique, soit pas Le Perthus, côté méditerranéen.

En 2004, 6 millions de poids lourds ont franchi les Pyrénées, 2,8 millions par Biriatou, 3,2 millions par Le Perthus. Entre 1999 et 2004, la progression a été de 28 % : elle a été sensiblement plus prononcée à l'Ouest (+ 36 %), qu'à l'Est (+ 22 %). En 2004, le trafic enregistré entre la France et l'Espagne était de 106,7 millions de tonnes, dont 40,5 au passage de Biriatou, 52,4 au passage du Perthus et 13,8 aux autres passages. En 2006, il est passé à 110,2 millions de tonnes, dont 44,2 au passage de Biriatou, 55 au passage du Perthus et 11 millions aux autres passages. Depuis lors, le trafic a globalement légèrement diminué, mais il est encore en hausse entre 2004 et 2008 de l'ordre de 10 % en nombre de camions à Biriatou.

L'existence de ces goulets d'étranglement et la part importante des marchandises qui ne font que transiter par la France ont logiquement conduit à envisager le développement de la voie maritime, déjà utilisée mais susceptible de l'être bien davantage si les infrastructures sont adaptées.

Aussi les ministres espagnol et français chargés des transports ont-ils signé, le 17 octobre 2005, une « déclaration d'intentions sur les autoroutes de la mer ». Ils ont fixé des objectifs de transfert à moyen terme de l'ordre de 100 000 poids lourds par an, soit un objectif de report de 3 % du trafic routier passant à l'Ouest des Pyrénées (par Biriatou) pour la façade Atlantique-Manche-mer du Nord.

Selon l'étude d'impact fournie par le Gouvernement, l'objectif de report modal à terme doit permettre un gain de 450 millions de tonnes kilomètrean, correspondant à une économie de CO2 du parcours routier de l'ordre de 25 000 tonnesan.

En 2006, a été signé un accord international sous forme d'échange de lettres relatif à la création d'une commission franco-espagnole chargée de proposer une sélection de projets d'autoroutes de la mer entre l'Espagne et la France. Il a servi de cadre au lancement d'une consultation internationale par l'intermédiaire d'un appel à projets publié le 17 avril 2007.

Le présent accord, dont la conclusion était prévue à l'article 2 de l'accord de 2006, a été signé à Madrid les 28 avril et 10 novembre 2009. En application de l'article 10 de l'accord de 2006 précité, il a vocation à se substituer à celui-ci, son entrée en vigueur mettant un terme à l'application de l'accord de 2006.

Certaines des stipulations du présent accord sont directement issues de celles de l'accord de 2006.

Les deux accords comportent le même article 1er, qui définit le terme « autoroute de la mer ». En ce qui concerne la commission intergouvernementale dont la création était l'objet de l'accord de 2006, l'accord de 2009 la dote de nouvelles compétences, puisqu'elle a rempli les missions qui lui avaient été attribuées auparavant, mais reprend les stipulations antérieures en ce qui concerne sa composition, sa présidence et son règlement intérieur.

Jusqu'ici chargée de proposer une sélection de projets, la commission intergouvernementale aura dans l'avenir pour missions :

– de contrôler l'exécution des conventions conclues entre les Etats parties et les sociétés exploitantes des projets retenus, de superviser la mise en oeuvre et l'exploitation des services correspondant ;

– de participer à l'élaboration de tout règlement relatif aux services d'autoroutes de la mer et d'en assurer la bonne application ;

– d'émettre, à titre consultatif, des avis ou recommandations relatifs à l'exécution des conventions.

La composition de la commission est identique à celle prévue en 2006, la seule différence étant de forme, pour tenir compte du changement dans la structure ministérielle française. La commission est composée de deux délégations composées chacune de six membres, nommés respectivement par chacune des parties, et qui sont des fonctionnaires des différents ministères concernés.

L'article 6 de l'accord de 2009 porte sur la consultation des parties et la résolution des litiges entre elles, et prévoit le recours à un tribunal de résolution des conflits en cas de différends que les voies diplomatique ou amiable n'ont pas permis de résoudre.

Il est à noter que ces stipulations concernent les seuls différends entre les deux Etats parties, alors que les différends entre une société exploitante et les Etats parties, la commission intergouvernementale ou l'autorité de contrôle relèvent de l'application de l'article 7 de l'accord de 2009, qui établit la compétence du tribunal de résolution des conflits prévu dans chacune des conventions.

Par ailleurs, l'accord officialise la sélection des projets opérée à la suite de la consultation internationale lancée en avril 2007. Il s'agit d'un projet entre Nantes-Saint-Nazaire et Gijon, opéré par la société GLD Atlantique, et d'un projet entre Nantes-Saint-Nazaire et Vigo, avec des prolongements vers Algéciras et Le Havre, opéré par la société Autopista del Mar Atlantica. Les ministres français et espagnol en charge des transports ont retenu ces deux projets le 27 février 2009. Lors du sommet franco-espagnol du 28 avril 2009 à Madrid, les Etats ont signé à la fois le présent accord et une convention de mise en oeuvre et d'exploitation des services d'autoroute de la mer avec chacune des sociétés exploitantes, GLD Atlantique et Autopista del Mar.

L'objectif initial des projets retenus est d'offrir huit départs hebdomadaires à partir des ports français, puis quatorze après montée en charge des services. Ils recourront à des navires rouliers, conçus pour embarquer et débarquer très rapidement entre 150 et 200 camions et remorques par rotation.

Les deux Etats s'engagent à financer les projets sélectionnés dans les conditions définies dans chacune des conventions, à mettre en oeuvre les mesures nécessaires à l'entrée en vigueur des conventions et à notifier aux autorités communautaires le régime d'aides aux sociétés exploitantes.

L'article 5 du présent accord fixe à 15 millions d'euros par Etat et par projet le montant maximal des subventions publiques accordées « directement ou indirectement ».

Les conditions dans lesquelles ces subventions sont accordées et les conditions et modalités suivant lesquelles les sociétés exploitantes assurent la mise en oeuvre et l'exploitation des services sont aussi fixées par les conventions.

Un article de chacune d'entre elles est consacré à la subvention accordée par les Etats. Le dispositif n'est pas identique dans les deux conventions.

Les subventions seront versées annuellement sur une période de quatre ans pour GLD Atlantique et de cinq ans – durée maximale autorisée – pour Autopista del Mar Atlantica. Chaque convention définit précisément les modalités d'ajustement du montant de la subvention, en particulier pour faire respecter le plafond d'aides publiques de 35 % des coûts d'exploitation du service et pour intégrer les paramètres macro-économiques – notamment le trafic constaté. La convention avec GLD Atlantique tient aussi compte des trafics réalisés dans le cadre de dispositifs de retour à bonne fortune, qui permettra, dans le cas d'un développement de l'activité plus important que prévu, d'en partager les fruits entre l'opérateur et les Etats.

Ces aides d'Etat doivent être autorisées par la Commission européenne, leur autorisation étant une condition de l'entrée en vigueur des conventions. Par sa communication du 12 décembre 2008, la Commission européenne a assoupli les plafonds instaurés par les orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime à la condition que les projets d'autoroutes de la mer aient été préalablement retenus pour bénéficier de financements communautaires, notamment au titre du programme Marco Polo II.

Pour le projet de GLD Atlantique, sélectionné en 2009 pour bénéficier d'un financement communautaire au titre du programme Marco Polo II – à hauteur de 4,17 millions d'euros –, la Commission européenne a approuvé, le 27 janvier dernier, les aides d'Etat sollicitées.

Le projet d'Autopista del Mar Atlantica devrait être l'objet d'une demande d'aide au titre du même programme en 2010. S'il est sélectionné, la Commission fera ensuite connaître sa décision sur le dispositif d'aide. Compte tenu de la nature de ce projet, au vu des objectifs du programme Marco Polo II, et de la compatibilité des aides d'Etat sollicitées avec les règles déjà définies par la Commission, le ministère chargé des transports estime que les risques de refus sont faibles.

La réalisation du projet de la société GLD Atlantique entre Nantes-Saint-Nazaire et Gijon, dont la Commission a déjà autorisé le régime des aides d'Etat, est la plus avancée : le lancement du service, initialement prévu au premier trimestre 2010, n'attend plus que l'entrée en vigueur du présent accord. Le service entre Nantes-Saint-Nazaire et Vigo, avec prolongement vers Le Havre et Algéciras, devrait pour sa part être opérationnel avant la fin de cette année. Ces deux projets sont très importants pour l'avenir économique de la région de Saint-Nazaire, comme plusieurs de ses élus me l'ont indiqué.

Dans la mesure où l'entrée en vigueur du présent accord conditionne celui des conventions de mise en oeuvre et d'exploitation des autoroutes de la mer et bien que la partie espagnole n'ait pas encore mené à bien cette procédure, il est urgent que notre Assemblée vote le projet de loi autorisant sa ratification. J'y suis favorable.

Je souhaite néanmoins attirer l'attention du Gouvernement et des autorités communautaires sur la nécessité de rester attentif aux conditions du développement des autoroutes de la mer afin d'éviter qu'il ne conduise à un transfert des nuisances de la terre vers la mer. L'intensification du trafic maritime peut en effet avoir des conséquences environnementales, notamment sur les côtes françaises de l'Atlantique, « sous le vent » de ces autoroutes, et provoquer un accroissement du danger pour la navigation. Les mesures de prévention doivent donc être renforcées.

Je conclurai en évoquant la question de la pertinence du choix de la nature des aides accordées aux exploitants de ces autoroutes de la mer : certes, les Etats ont le droit d'accorder des subventions, dans la mesure où elles respectent les règles européennes, mais, en l'espèce, ces aides sont versées à fonds perdus, alors que l'Etat aurait pu choisir de prendre une participation dans les navires nécessaires au fonctionnement de ces autoroutes de la mer, ce qui lui aurait permis de récupérer une partie des fonds engagés en cas d'échec des projets.

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