Il faut être clair : le Fonds de réserve des retraites est mort. L'urgence, à l'heure actuelle, est de réduire le déficit et la dette. Nous n'avons pas d'argent à mettre dans le fonds, d'autant que ce dernier n'est rentable que s'il rapporte plus que les obligations. Nous n'avons pas d'argent pour spéculer en bourse.
Il n'y a aucun lien entre cotisations vieillesse et compétitivité des entreprises. Si on augmente les cotisations vieillesse, on augmentera les cotisations des actifs, parce que la retraite concerne ces derniers et doit donc être financée sur le revenu de ceux-ci.
Si l'on pense que, pour augmenter les cotisations, il faut accroître la fiabilité du système, il faut convaincre les jeunes générations qu'elles ont intérêt à travailler en France, où elles pourront bénéficier d'un système de retraite social et garanti, plutôt que dans un pays comme le Royaume Uni où elles n'auront pas de retraite et devront constituer celle-ci sur les marchés financiers.
Nous souhaiterions tous une réforme systémique conduisant à un système unifié. Mais, elle n'aura pas lieu car toute transition est longue, pénible et coûteuse. Une réforme systémique prendrait vingt ans. Elle n'est pas simple : il faudrait reconstituer sur une base équivalente le droit des fonctionnaires et celui des salariés du privé. Que ferait-on des primes et des cotisations payées par les fonctionnaires ? Il y a des réponses immédiates à donner, nous ne pouvons pas perdre de longues années en transition.
MM. Bozio et Piketty ont l'air d'oublier qu'il existe déjà, dans le système français, des mécanismes de prise en compte du chômage, de la maladie et de la maternité et que le système ARRCO-AGIRC fonctionne par points. Ce n'est donc pas une révolution qu'ils proposent. De plus, un arbitrage doit être fait entre taux de cotisation, durée de travail et niveau de pension. On aimerait savoir à quoi on aboutirait avec un système en comptes notionnels.
Actuellement, le poids des retraites dans le PIB est de 13 %. Si on maintient le système tel qu'il est, il sera de 19 % en 2050, soit six points de plus, ce qui est beaucoup trop. Les prévisions du COR situaient ce taux à 14,7 %, soit 1,7 point de plus : un point était financé par le transfert des cotisations chômage et 0,7 point par la hausse des cotisations. Mais, cela n'est pas entièrement satisfaisant car cette projection repose sur l'hypothèse d'une baisse du niveau relatif des retraites. C'est pourquoi il m'apparaît nécessaire d'accepter des hausses de cotisation, afin de maintenir ce niveau relatif.
Si les partenaires sociaux acceptent de traiter la question de la pénibilité avec sérieux, c'est-à-dire acceptent que les postes pénibles soient définis par la médecine du travail et des ergonomes, on peut avoir un système dans lequel ces postes peuvent être bonifiés. On ne peut pas laisser les entreprises s'en occuper seules, car on sait que les personnes qui auront occupé des emplois pénibles ne pourront pas continuer à travailler après soixante ans. Par ailleurs, dans la majorité des cas, les emplois pénibles sont faiblement rémunérés. Donc, nous sommes obligés de traiter la question.
Je pense qu'il faudra encore maintenir les pensions de réversion pendant une cinquantaine d'années, tant que les taux d'emploi des femmes ne seront pas satisfaisants.
Il y a trois manières de modifier la mentalité des entreprises et des salariés, afin que la norme devienne les 42 années de carrière et non plus l'âge de soixante ans.
La première est la manière sociale, à la scandinave : elle consiste à mobiliser les entreprises et les syndicats sur cet objectif et à conduire une réflexion sur les carrières.
La deuxième manière consiste à imposer brutalement, du jour au lendemain, la retraite à 65 ans. Nombre de personnes entre 60 et 65 ans se retrouveraient, comme en Grande-Bretagne, dans la misère et seraient obligées de prendre des petits boulots. Le taux d'emploi des seniors serait, à n'en pas douter, relevé mais la méthode ne serait pas prudente.
La troisième manière, sociale libérale, est de procéder par incitations. Le problème est qu'il y a déjà les mécanismes de décote et de surcote et que tout le monde n'a pas la capacité à répondre aux incitations. Cette méthode favoriserait les cadres et serait catastrophique pour les ouvriers.