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Intervention de Jacques Bichot

Réunion du 24 mars 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

Jacques Bichot :

Pour moi, la pénibilité doit s'incorporer au coût du travail, y compris pour l'État.

Prenons l'exemple des opérations militaires extérieures. On compte, pour nos soldats en Afghanistan, trois années en termes de retraite pour une passée en opération militaire sur le terrain. Il est normal de les dédommager : ils courent des risques immenses et il est plus pénible de travailler sur le terrain que d'être dans une caserne. Mais pourquoi le faire sous forme d'un gain d'années de retraite ? Il faudrait les payer davantage ou abonder un fonds de pension pour leur permettre, s'ils le souhaitent, de partir plus tôt à la retraite. Le système actuel est un simple déguisement du coût pour l'État de ces opérations militaires.

En matière de pénibilité, il convient de faire attention à l'exactitude comptable. Nous falsifions les résultats des entreprises ou de la collectivité nationale en reportant le coût d'opérations immédiates dans l'avenir. Actuellement, nous ne savons pas ce que coûte un travailleur dans un abattoir ou un soldat en Afghanistan !

Le Fonds de réserve des retraites a, en effet, été mis en place un peu tardivement. Il atteint aujourd'hui une trentaine de milliards d'euros, ce qui est dérisoire par rapport aux 2 200 milliards de réserves du système de retraite par répartition américain et même par rapport aux réserves de l'ARRCO et de l'AGIRC.

Deux solutions sont envisageables.

La première serait d'utiliser dès maintenant le Fonds pour boucher les trous. Mais ce ne serait pas une très bonne solution parce qu'une part notable de celui-ci étant investie en actions, il ne faut pas les vendre n'importe quand.

La seconde solution consisterait à faire du Fonds de réserve des retraites un élément de lissage des accidents conjoncturels. Les systèmes de retraite ont à jouer un rôle de stabilisateur automatique, c'est-à-dire à maintenir le pouvoir d'achat même quand celui-ci s'effondre pour d'autres catégories de la population. Mais, cela est aujourd'hui fait par l'endettement, mieux vaudrait qu'il le soit grâce à un fonds de réserve dans lequel on pourrait piocher dans les périodes de mauvaise conjoncture et dans lequel on réinvestirait dans les périodes de bonne conjoncture. Selon moi, c'est cette seconde solution qui devrait être privilégiée.

Pour mesurer le poids des retraites dans le PIB, il faut aussi y inclure tous les autres transferts opérés en direction des retraités. Ainsi, les dépenses d'assurance maladie des retraités sont deux à trois fois supérieures à la moyenne nationale alors que les contributions de ceux-ci sont plus faibles. Il y a donc un transfert – de l'ordre de 40 %, correspondant à un peu plus de 4 % du PIB – de l'assurance maladie en direction des retraités. Par ailleurs, 50 % de la population passera par une période de dépendance à la fin de sa vie. On ne s'occupe pas d'un enfant handicapé de la même manière que d'une personne de 85 ans atteinte de la maladie d'Alzheimer. C'est pourquoi il me paraît important d'incorporer le coût de la dépendance des personnes âgées – qui représente un peu moins de 1 % du PIB actuellement – dans le pourcentage de PIB consacré aux retraités. Quand on ajoute aux 13 % correspondant au poids des seules retraites dans le PIB, les 4 points correspondant au transfert de l'assurance maladie et le point correspondant au coût de la dépendance, on arrive à 18 %.

Sur la question du financement de la sécurité sociale et son impact sur les entreprises, je trouverais peut-être un point d'accord avec M. Sterdyniak : je ne crois pas que le financement de la retraite par répartition sous forme de cotisations, qu'elles soient patronales ou salariales, pèse sur le coût du travail et, par conséquent, sur la compétitivité des entreprises. Quelles que soient les modalités de financement, les niveaux de salaires se mettent en place sur le marché du travail et c'est le coût global pour l'employeur qui est la variable d'équilibre de ce marché. Qu'une partie plus ou moins importante aille aux travailleurs sous forme de salaire direct et qu'ensuite elle leur soit reprise sous forme d'impôt ou de cotisation, cela ne change pas énormément la donne. Une comparaison entre la France et le Danemark, les deux pays les plus écartés de ce point de vue en Europe, le montre : le Danemark a un financement très axé sur les impôts et la France sur les cotisations ; or les coûts salariaux au Danemark sont un peu supérieurs à ceux de la France, et il en est de même pour les indicateurs de productivité et de niveau de vie général.

Dans l'état actuel des choses, je pense qu'on ne coupera pas à un léger relèvement des cotisations : d'une part, c'est ce qu'il y a de plus facile à faire ; d'autre part, il est moins grave de relever un peu les cotisations que d'accumuler les déficits. Je fais ce constat vraiment à contrecoeur, car je ne suis pas partisan de l'augmentation des cotisations. Mais, entre deux maux, il faut choisir le moindre.

M. Gremetz a raison : on ne peut pas parler des retraites sans parler de l'emploi.

Je considère qu'il y a une interrelation entre les règles de départ à la retraite et l'âge d'arrêt de l'activité professionnelle. On ne peut sérieusement penser que l'âge de cessation d'activité reculera au niveau qu'on le souhaite si on ne modifie pas les conditions de départ à la retraite. Les hommes ne sont pas des anges : ils agissent, non pas par souci de l'intérêt général, mais en fonction de leur intérêt particulier. Par conséquent, si les gens ne sont pas poussés à travailler davantage par le fait que, s'ils travaillent moins, ils auront une retraite moindre, les choses ne bougeront pas beaucoup.

Comment la Finlande a-t-elle réussi, en l'espace de quinze ans, à faire passer son taux d'emploi des seniors de 30 à 60 %, rejoignant presque la Suède, qui est à 70 % ? En adjoignant une politique très active en faveur de l'emploi des seniors à leur réforme des retraites. C'est la conjonction des deux qui donne de bons résultats : il faut à la fois prendre des mesures actives en faveur de l'emploi des seniors et durcir les conditions de départ à la retraite.

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