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Intervention de Guy Carcassonne

Réunion du 2 février 2010 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Guy Carcassonne :

Mon avis sur le mode de scrutin proposé est très défavorable, pour ne pas dire négatif.

D'abord, je suis, à titre personnel, opposé au rapprochement entre le département et la région, parce que je considère que les départements gagneraient à être rapprochés des communes et des intercommunalités, et les régions de l'État et de l'Europe. Or, le mode de scrutin retenu ouvre une perspective dans laquelle, c'est le département qui va absorber la région, et non l'inverse. En effet, dans ce qui sera une élection à 80 % au scrutin uninominal dans le cadre du canton, les élus s'attacheront, en priorité, aux sujets locaux, susceptible de favoriser leur réélection, plutôt qu'aux compétences régionales comme la recherche, l'enseignement supérieur et le développement économique. Je redoute que cela ne porte gravement atteinte à la région, institution déjà particulièrement faible dans notre pays.

Par ailleurs, du point de vue strictement constitutionnel, ce mode de scrutin pose plusieurs problèmes.

Tout d'abord, on peut se demander s'il n'existe pas en France un principe fondamental reconnu par les lois de la République, c'est-à-dire un principe de valeur constitutionnelle, selon lequel tout scrutin uninominal majoritaire doit comporter au moins deux tours. Les critères, établis par la jurisprudence de la Conseil constitutionnel pour identifier un tel principe, sont en effet ici réunis : il s'agit bien de lois, et non de décrets, antérieures à 1946, adoptées dans un cadre républicain, jamais remises en cause – on peut relever dans l'histoire des cas de scrutins à trois ou quatre tours, mais aucun précédent de scrutin majoritaire à un tour –, et qui ont été conçues dès l'origine comme affirmant un principe.

Les premières déclarations en ce sens remontent au 22 décembre 1789. Sous la IIIe République, vos prédécesseurs avaient refusé catégoriquement, pour des raisons de principe, de mettre en place ce que l'on appelait à l'époque des « élections minoritaires », c'est-à-dire le scrutin à un tour. On pourrait reprendre aujourd'hui mot pour mot leur argumentation.

J'ajoute que le scrutin uninominal à un tour est intrinsèquement antidémocratique : avec ce mode de scrutin, François Mitterrand eût été élu président de la République en 1974, Valéry Giscard d'Estaing en 1981 et Lionel Jospin en 1995, alors que cela ne correspondait pas, à l'évidence, au voeu majoritaire des Français.

Deuxième problème : en l'état du projet, il se passerait un phénomène sans précédent, à savoir que des candidats seraient élus sans que personne ait jamais voté pour eux ! L'élection à la proportionnelle résulte en effet de l'échec du candidat au scrutin majoritaire. Bien que l'électeur n'ait voté que pour ce dernier, et non pour les membres de la liste à laquelle il se rattache, ceux-ci seront élus.

Cette difficulté est toutefois aisément surmontable. Il suffirait de prévoir que les bulletins porteront, au recto, le nom du candidat au scrutin uninominal et de son suppléant, et, au verso, la composition de leur liste de rattachement. Les personnes élues à la proportionnelle pourront au moins dire que des bulletins portant leurs noms ont été glissés dans l'urne !

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