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Intervention de Annick Le Loch

Réunion du 24 mars 2010 à 21h30
Réforme du crédit à la consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch :

Il était temps que le Gouvernement et la majorité parlementaire avancent sur ce sujet du crédit à la consommation. Nous aurions pu aller bien plus vite. Alors que ce projet a été déposé il y a un an au Sénat, l'Assemblée nationale ne commence à l'examiner qu'aujourd'hui. Et si plus d'un texte sur deux est examiné depuis 2007 selon la procédure accélérée, paradoxalement, vous n'avez pas décidé que sur ce sujet, l'urgence se justifiait.

Pourtant il y a bien urgence à légiférer, car dans quelle France sommes-nous aujourd'hui sinon dans celle de la crise, des déficits publics, des salaires bas, de l'endettement des plus faibles, et du malendettement de très nombreux Français ?

La crise économique et le chômage aggravent de façon dramatique l'ensemble des situations financières des ménages les plus fragiles. Dans son rapport du mois de juin 2009, le sénateur Dominati rappelle que « dans les années à venir, les ménages seront appelés à emprunter davantage pour contrecarrer les effets récessifs du rétablissement attendu des comptes publics, avec moins de dépenses, et probablement des prélèvements accrus sur les ménages. » Le déficit public abyssal que vous avez laissé s'installer et que la crise a aggravé a un effet direct sur la situation des ménages les plus faibles économiquement, et cela ne fera que s'aggraver à l'avenir.

Aujourd'hui s'est installé le modèle de l'endettement comme facteur du maintien du pouvoir d'achat des ménages : les plus faibles paient l'addition des déficits accumulés et de la dette publique ; on remplace la dette publique par la dette privée, via les ménages les plus modestes. Chacun se retrouve seul face à ses crédits.

Dans un rapport consacré en 2007 au surendettement des particuliers, le Conseil économique et social a rappelé que le recul de l'État-providence a pour conséquence une augmentation de l'endettement des ménages. Certains établissements financiers proposent maintenant des crédits pour faire face aux dépenses de santé : soins dentaires, prothèses auditives, dépenses d'optique…

Quand on parle du crédit à la consommation et de sa réglementation, il faut garder à l'esprit ce contexte économique général.

Il y a me semble-t-il quelque chose de contradictoire dans la société que vous construisez. D'un côté, vous creusez les déficits publics, vous encouragez les bas salaires et vous modifiez en permanence le droit du travail ; de l'autre, vous promouvez la concurrence, la publicité, les jeux en ligne et le culte de la consommation, même le dimanche.

Le malendettement est le résultat de la société que vous avez participé à construire. Cette société est celle de la loi de modernisation de l'économie et des excès des mètres carrés commerciaux. C'est aussi la société de la loi sur le travail du dimanche, celle du consommer toujours plus, celle enfin d'un pouvoir d'achat des Français de plus en plus faible, à mesure que la fin du mois approche. Dans les dossiers de surendettement recensés aujourd'hui par la Banque de France, 55 % des personnes concernées ont un salaire inférieur au SMIC, alors qu'elles n'étaient que 42 % en 2001.

Cette France-là est celle décrite par Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, dans son dernier rapport. Celui-ci estime à 15 millions le nombre de personnes en France pour lesquelles les fins de mois se jouent à 50 ou 150 euros près.

Aujourd'hui, dans cette société si abîmée, vous nous proposez de réformer le crédit à la consommation mais ce projet de loi est un projet a minima, qui ne résoudra pas les problèmes essentiels.

Pour lutter contre le surendettement, nous avons proposé, il y a quelques mois, plusieurs solutions simples et efficaces. Ce projet sera l'occasion pour nous de vous proposer à nouveau, madame la ministre, d'avancer enfin sur la voie d'une meilleure protection des ménages, avec notamment la suppression du crédit renouvelable, la création d'un fichier positif d'endettement, l'amélioration des conditions d'information des emprunteurs et la prévention du surendettement ou la séparation des lieux de ventes des biens et des crédits.

Ce texte, très attendu des associations de consommateurs, déçoit. Il ne comporte rien sur le découplage cartes de crédit – cartes de fidélité, rien ou presque sur la réforme du taux de l'usure, rien enfin sur la création d'un fichier recensant les crédits aux particuliers, celui-ci étant renvoyé à plus tard et au travail d'une commission.

Malgré ses manques et lacunes considérables, reconnaissons à ce texte quelques avancées, notamment en matière d'encadrement de la publicité et de la distribution des crédits renouvelables. Il y a en effet une certaine urgence. J'ai à l'esprit la publicité abusive diffusée encore ce soir sur une chaîne publique faisant la promotion d'un crédit dont le taux affiché est à 2,9 %, alors qu'il est écrit en tout petit en dessous, que ce taux avoisinera plutôt les 20 % au bout de deux ou trois mois.

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