Nous sommes tous d'accord sur le fait que ce texte comporte certaines avancées et nous nous en félicitons. Cependant, force est de constater que ces avancées ne concernent pas ou peu le crédit revolving. Le surendettement des ménages explose et les naufragés du crédit revolving sont toujours de plus en plus nombreux.
Dans votre projet de loi, vous ne concédez qu'une place minime au surendettement. Réduire les délais du traitement des dossiers, c'est bien, mais ne vaudrait-il pas mieux s'attaquer à la cause plutôt que d'appliquer un simple pansement sur une plaie à vif ? En effet vous n'êtes pas sans savoir que 84 % des dossiers déposés aujourd'hui en commissions de surendettement comportent un crédit revolving, souvent plusieurs : six en moyenne.
Vous avez taxé notre proposition de loi visant à supprimer le crédit revolving de solution de facilité. Mais aujourd'hui, dans ce texte, je ne vois pas de solution du tout !
Trente et un crédits revolving pour une femme seule avec trois enfants à charge, oui, c'est possible ! La commission de surendettement de Nîmes a traité ce dossier récemment et il ne s'agit pas d'un cas isolé. Il y a quatre mois, cette même commission a examiné le cas d'un couple qui avait souscrit cinquante-neuf crédits revolving ! C'est l'effet cascade : on souscrit un crédit revolving pour rembourser le précédent, et ainsi de suite, sans que, bien entendu, aucun établissement de crédit n'y voit jamais rien à redire.
Le 11 mars, à Nîmes, j'ai pu assister à la réunion d'une commission de surendettement. Durant cette matinée, treize dossiers examinés ont fait l'objet d'une procédure de rétablissement personnel, la plupart d'entre eux revenaient devant la commission après un moratoire de deux ans.
Il y avait celui de cette femme de quarante-six ans qui élève seule ses quatre enfants. Pendant son moratoire, elle a décroché un CDI comme vendeuse, mais elle a été licenciée au bout de quelques mois. Il y avait ces jeunes retraités de soixante-trois ans dont les ressources ont brutalement chuté pendant le moratoire, ou bien encore cette femme de quarante-trois ans en CDD : elle a respecté son premier plan, mais elle ne percevra plus d'allocation chômage à partir du mois de juin prochain.
Tous ces travailleurs pauvres ou anciens travailleurs sont de bonne foi. Pourtant ils se retrouvent aujourd'hui dans l'incapacité de régler leurs loyers et leurs factures d'eau, d'électricité ou de gaz. Voilà le visage du surendettement : des travailleurs pauvres qui ne peuvent plus faire face au quotidien.
À ce jour, 43 millions de crédits renouvelables sont ouverts en France. Ils s'adressent en particulier aux classes populaires. Dans 42 % des cas, ce crédit est supporté par des ménages ayant un revenu mensuel situé entre 960 et 1 750 euros.
Madame la ministre, si tout le monde s'accorde à dire que le crédit revolving peut constituer une incitation dangereuse à la surconsommation, voire au surendettement, votre projet de loi n'aura qu'une portée limitée sur le phénomène. Dois-je vous rappeler que, depuis 1995, le nombre de dépôts de dossiers en commission de surendettement augmente de 20 % par an ? On en compte 216 396 pour la seule année 2009 !
Les établissements qui vendent du crédit revolving ont dans leur ligne de mire les ménages financièrement fragiles qui constituent une cible particulièrement influençable.
Aujourd'hui, 54 % des ouvertures de crédits renouvelables sont réalisées sur le lieu de vente, comme les grandes surfaces, sans qu'aucun conseil ne soit donné aux consommateurs, et sans vérification approfondie de leur situation. Votre projet de loi précise que le prêteur veille à ce qu'une fiche d'information soit remise à l'emprunteur. Il me semble qu'il devrait plutôt s'agir d'une obligation. Par ailleurs, cette, fiche devrait être cosignée par l'emprunteur et le prêteur afin de responsabiliser ce dernier. Ce document pourrait aussi faire état de l'obligation de fournir, lors de la souscription d'un crédit revolving, trois relevés de compte bancaire afin que la situation financière de l'emprunteur puisse être examinée.
Finalement, la seule réelle avancée de ce texte, nous la devons aux sénateurs qui ont introduit l'obligation, au-delà d'un certain seuil, de proposer un crédit amortissable alternatif à l'offre concomitante d'un crédit revolving. Reste à savoir quels seront les taux d'intérêt alors pratiqués.
Actuellement, l'astuce de nombreuses sociétés de crédit revolving consiste à affecter une grande partie des remboursements mensuels à des frais divers et variés, ce qui diminue d'autant la part du capital remboursé, laquelle devient ainsi parfois insignifiante. La durée de remboursement du crédit revolving, quand on puise dans la réserve disponible, peut alors être extrêmement longue puisque, dans ce cas, le crédit est automatiquement réactivé.
À cet égard, l'article 5 me paraît être trop timide. Il pose bien le principe fondamental d'un amortissement minimum du capital emprunté, dit « remboursement minimal du capital emprunté », à chaque échéance, mais il laisse un décret en prévoir les modalités. Personnellement, j'estime que le capital amorti devrait représenter au moins 40 à 50 % de la mensualité, et je souhaite que ces précisions soient apportées par le projet de loi que nous examinons, et non par un décret.
Comme nous l'avons décidé en commission, nous ferons un bilan d'étape en 2011. Si, malgré cette loi, la situation reste identique, il faudra sérieusement et rapidement se pencher sur la mise en place d'un fichier positif réclamé par tous les parlementaires de l'opposition, mais aussi par de nombreux députés de la majorité. Aujourd'hui, madame la ministre, vous jugez que ce fichier n'est pas utile ; malheureusement, je pense que, demain, il faudra le mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)