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Intervention de Fabienne Labrette-Ménager

Réunion du 24 mars 2010 à 21h30
Réforme du crédit à la consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabienne Labrette-Ménager :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise économique mondiale à laquelle nous sommes confrontés contribue-t-elle à augmenter le surendettement des ménages ou, au contraire, ce surendettement peut-il constituer un vecteur supplémentaire de transmission de la crise financière à l'économie réelle ?

La question mérite d'être posée, même si, à l'image de la question existentielle de l'oeuf et de la poule, il apparaît difficile, compte tenu de l'interpénétration des phénomènes et de leur mondialisation, d'en tirer une conclusion scientifique que je préfère laisser aux experts de l'économie.

L'examen du projet de loi sur le crédit à la consommation qui nous est soumis doit nous amener à nous interroger sur les raisons de l'inflation de dossiers de surendettement, mais surtout à proposer des solutions pour enrayer ce phénomène inquiétant pour un grand nombre de ménages.

Près de 14 millions, soit 52 % des ménages français, ont aujourd'hui au moins un crédit. Plus d'un ménage sur trois est endetté au titre des différents types de crédits à la consommation, sans compter les 10 % des ménages qui recourent de préférence au découvert bancaire plutôt qu'au crédit à la consommation.

Nul ne peut nier le rôle important du crédit qui permet aux familles d'effectuer certaines dépenses lorsqu'elles sont le plus utiles sans attendre d'avoir atteint un niveau d'épargne suffisant. Vu sous cet angle, le crédit joue incontestablement un rôle de soutien à la consommation des ménages. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit aussi d'un acte qui engage : ses conséquences doivent être comprises et mesurées par le souscripteur et clairement rappelées par l'organisme prêteur.

Depuis une douzaine d'années, le crédit à la consommation est utilisé majoritairement par des ménages modestes en vue de l'achat de biens de consommation, mais il faut souligner aussi le phénomène du recours au crédit dit revolving ou renouvelable de la part de personnes retraitées confrontées à des difficultés de trésorerie. C'est ce type de crédit qui, bien entendu, pose problème dès lors que les prêteurs ont tendance à le proposer systématiquement à l'emprunteur, là même où un prêt personnel ou un crédit affecté serait, le plus souvent, bien mieux adapté.

Pour prendre la mesure du phénomène, l'association de consommateurs UFC-Que choisir a mené une enquête via son réseau d'associations locales en sollicitant un prêt pour l'achat d'un bien électroménager. Il est effarant de constater que sur 1 118 propositions de financement obtenues, 72 % étaient des crédits renouvelables, étant précisé que le TEG pour ce type de crédit est de 13 % à 21 %, alors que pour un crédit affecté, parfaitement adapté pour ce type d'acquisition, le TEG est de 4,5 % à 9,5 % en moyenne. Qui plus est, cette étude a démontré que dans près de neuf cas sur dix, la solvabilité de l'emprunteur n'était même pas vérifiée. Ce constat est d'autant plus inquiétant que c'est à cause de ce comportement des organismes prêteurs que l'on aboutit à des situations souvent catastrophiques.

Ainsi, dans ma circonscription, j'ai eu à connaître, voici quelques mois, le cas d'un couple, récemment retraité, qui a pu souscrire, en quatre ans, trente-neuf contrats de prêts à la consommation pour un montant total de 350 000 euros. Avec des mensualités cumulées équivalentes à près de deux fois le revenu du ménage, il s'agit bel et bien d'une situation aberrante. Le pire tient au fait que certains organismes prêteurs ont accordé au couple un nouveau crédit à la consommation alors même que deux autres crédits délivrés par le même organisme en étaient déjà au stade du contentieux.

Certes, la responsabilité de l'emprunteur reste, en l'espèce, pleine et entière, mais que devons nous penser de la responsabilité ou plutôt, devrais-je dire, de l'irresponsabilité des prêteurs ?

Plus jamais ça ! C'est à tout le moins l'objectif que nous devons nous fixer à travers ce projet de loi proposé par Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, projet dans lequel s'était aussi particulièrement investi Martin Hirsch, ancien Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Nous devons donc, mes chers collègues, clairement encadrer les règles de la publicité en faveur du crédit. Celui-ci n'est pas un produit comme un autre et il n'est pas acceptable de chercher à faire rêver le consommateur devant une offre de crédit quand on sait pertinemment qu'après le rêve, le réveil peut être brutal et virer au cauchemar !

À cet égard, il n'est pas acceptable de laisser croire que « recourir au prêt améliore le budget de l'emprunteur ». Cette mention, que l'on trouve parfois à l'appui de certaines publicités, doit être interdite. C'est d'ailleurs l'objet d'un amendement qu'avec mon collègue Serge Poignant nous vous soumettrons.

En outre, une information claire en direction de l'emprunteur doit être assurée à travers l'indication lisible et visible du TEG. Elle doit s'accompagner d'un exemple chiffré et standardisé qui permette au consommateur de disposer d'un véritable moyen de comparaison entre les offres qui lui sont faites.

Comme je vous l'indiquais, le crédit est un acte responsable, un acte qui engage et, au premier rang des engagements de l'emprunteur, figure celui de rembourser le prêt souscrit.

Dans le cadre d'une mission sur l'encadrement du crédit à la consommation et la prévention du surendettement qu'avec Denis Jacquat nous avions menée au sein de notre groupe, nous avions proposé que dans toutes les publicités relatives à un crédit figure la mention « un crédit vous engage et doit être remboursé ». Cette proposition, reprise dans le projet de loi, me semble indispensable, de même qu'en matière de crédit renouvelable, nous devons rendre obligatoire le fait qu'à chaque échéance, dès la première mensualité, une part du capital emprunté soit remboursée.

Cette responsabilisation de l'emprunteur ne saurait être exclusive et nous devons mettre les prêteurs devant leurs propres responsabilités.

Ainsi que je le soulignais tout à l'heure en évoquant l'étude réalisée par l'UFC-Que choisir, il est inadmissible que 87 % des offres de prêts faites aux consommateurs le soient sans vérification a priori de la solvabilité du demandeur. Si l'on s'en tient à l'inflation du nombre de dossiers de surendettement qui sont aujourd'hui soumis aux commissions de surendettement dans chaque département, force est de constater que ces vérifications en amont du contrat de prêt sont mal faites ou non faites.

Je suis convaincue que le seul recours au fichier négatif, celui qui recense les incidents de paiement, ne saurait suffire. En effet, seuls les demandeurs déjà confrontés à un incident apparaissent dans ce fichier alors que n'y figurent pas les ménages dont le taux d'endettement est déjà tel que la délivrance d'un nouveau crédit risquerait de les faire basculer dans une situation de surendettement.

C'est la raison pour laquelle, après avoir personnellement eu l'occasion d'auditionner des représentants non seulement des consommateurs, des banques, des organismes de crédit, mais aussi de la grande distribution, il m'a semblé utile de créer un répertoire national des crédits aux particuliers.

C'est en effet l'interrogation systématique et obligatoire de ce fichier qui permettra de prévenir des situations de surendettement et il vaut bien mieux offrir la possibilité aux prêteurs de disposer des moyens nécessaires pour dire non à un emprunteur plutôt que de continuer à les laisser dire oui sans contrôle et laisser certains ménages plonger dans des situations dramatiques.

Cette création d'un fichier dit « positif » doit aujourd'hui être envisagée au plus tôt. L'un de mes amendements vise ainsi à ramener de dix-huit à douze mois le délai de remise du rapport portant sur l'opportunité de la création de ce répertoire national, compte tenu des recommandations déjà faites par la Cour des comptes.

Doté de cet outil de vérification et d'une liste élargie des documents exigibles auprès de l'emprunteur à l'appui de sa demande de crédit, le prêteur disposera dorénavant de tout un arsenal qui lui permettra de mesurer la capacité réelle de remboursement de l'emprunteur. Si les organismes financiers ont des droits supplémentaires en matière d'instruction des demandes de prêt, ils n'en ont pas moins des devoirs. Nous devons veiller à ce que le prêteur garantisse à l'emprunteur une information claire et précise sur les conditions et le coût du crédit consenti.

Lorsque l'emprunteur est marié ou pacsé, le contrat de prêt pour les deux conjoints doit être signé en présence du prêteur, afin d'éviter les cas d'imitation de signature qui sont parfois lourds de conséquences. Cette double signature se révèle d'autant plus indispensable lorsque les mensualités sont prélevées sur un compte joint.

Madame la ministre, à travers le présent texte, vous avez clairement démontré la volonté du Gouvernement de remédier aux situations de surendettement souvent très lourdes que connaissent les commissions départementales. L'an passé, avec 22 000 nouveaux dossiers déposés, c'est une augmentation de 30 % qu'ont enregistrée ces commissions de surendettement.

Il était grand temps de réformer ce domaine pour mieux encadrer les conditions de délivrance des crédits à la consommation. Sur ce dossier, comme à votre habitude, vous avez su consulter les différentes parties et, mieux encore, vous avez démontré que vous les aviez entendues. Votre réforme sait mettre chacun, prêteur comme emprunteur, devant les responsabilités qui sont les siennes en accordant à chacun une panoplie d'outils d'information.

Vous avez su prendre à bras-le-corps un dossier difficile et je ne doute pas de l'efficacité de votre projet de loi pour réduire très sensiblement les cas de « mal-endettement » et de surendettement. Je me réjouis de l'écoute attentive que vous avez réservée aux mesures proposées par les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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