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Intervention de Jean Dionis du Séjour

Réunion du 24 mars 2010 à 21h30
Réforme du crédit à la consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Dionis du Séjour :

Nous autres députés sommes bien placés pour constater les ravages de la crise économique dans ce domaine.

Nous sommes bien placés pour savoir que la Cour des comptes a raison d'affirmer, dans son rapport annuel pour 2010, que « la politique française de lutte contre le surendettement est déséquilibrée, le dispositif légal visant à traiter la situation individuelle des surendettés plutôt qu'à prévenir le surendettement ».

Nous sommes bien placés pour savoir que la crise que connaît notre pays depuis l'hiver 2008 a fait exploser le nombre des personnes en surendettement : la crise, c'est 18 % de personnes surendettées en plus.

Cette crise a transformé le texte, qui n'est plus seulement l'incontournable transposition de la directive européenne du 23 avril 2008 ; il est devenu urgent et socialement prioritaire.

Pourtant, en matière d'épargne, la France et le peuple français possèdent une culture séculaire de prévoyance et de prudence. Cette culture, qui plonge ses racines dans la psychologie paysanne de notre peuple, se traduit par des arbitrages entre épargne et consommation parmi les plus prévoyants et les plus prudents des pays développés.

Ainsi, en France, le taux d'épargne est l'un des plus élevés d'Europe, atteignant 16 %, exactement comme en Allemagne, soit plus qu'en Italie – 14 % – ou en Espagne – 10 % –, et nettement plus que dans les pays anglo-saxons, celui des Anglais ne dépassant pas 2,5 %.

Les économistes caractérisent la situation française par trois éléments : un taux d'épargne élevé, un taux d'endettement à court terme assez bas et des fluctuations relativement limitées des dépenses de consommation. Loin de constituer un archaïsme, cette signature française est manifestement une chance, madame la ministre. Et, si la crise pousse les plus fragiles de nos concitoyens à des modes de consommation étrangers à notre culture nationale, nous devons naturellement en prendre acte, mais sans encourager le moins du monde la propension à consommer de manière artificielle.

En effet, si, malgré la dégradation de nos finances publiques, l'État peut encore emprunter dans des conditions très favorables – vous êtes bien placée pour le savoir, en tant qu'autorité de tutelle de l'Agence France Trésor –, c'est parce que les prêteurs institutionnels savent que les ménages français disposent d'une épargne élevée et pourront encore assumer des augmentations d'impôts en cas d'absolue nécessité.

Nous vous avons souvent entendu dire – cet après-midi encore – que 14 millions de Français avaient contracté un crédit à la consommation, que, pour la plupart d'entre eux, ces crédits ne posaient pas de problème et que la consommation, et les outils qui la soutiennent, faisaient partie des moteurs encore actifs d'une croissance française fragile. Vous nous avez expliqué, madame la ministre, qu'il était hors de question d'interdire ce type de crédit, indispensable à la croissance.

Nous comprenons bien que les crédits à la consommation et les crédits renouvelables favorisent la croissance, mais laquelle ? N'est-ce pas là une vision à court terme ? En effet, les intérêts d'emprunt sont si élevés que, à moyen terme, ils nuisent à la consommation future des ménages qui ont contracté le prêt. Ces crédits à la consommation peuvent donc nuire à moyen terme à la consommation elle-même et, par conséquent, à une croissance durable. Autrement dit, lorsque la solvabilité n'est pas vérifiée, de tels produits ne sont bien souvent que des soutiens conjoncturels et artificiels à une croissance à très court terme.

Nous, centristes, sommes donc favorables au crédit à la consommation amortissable lorsqu'il est raisonnable, et considérons le crédit renouvelable comme un produit généralement toxique. Tel est notre état d'esprit au moment d'entamer ce débat.

Pour en revenir au texte, celui-ci nous inspire deux convictions fortes.

Tout d'abord, il contient des avancées réelles qui changeront concrètement et rapidement la situation des consommateurs français. C'est en effet un texte normatif qui, comme l'a dit notre collègue Brottes en commission des finances, ne se contente pas de principes. À cet égard, les députés du Nouveau Centre soutiennent pleinement la volonté du Gouvernement d'être proche de la vie quotidienne des Français.

Nous pensons que plusieurs dispositions auront une portée véritable ; nous songeons notamment à l'allongement du délai de rétractation, à la séparation des destinations de la carte de fidélité ou au remboursement imposé d'une partie du capital – autant de mesures dont les familles françaises pourront bénéficier rapidement.

Toutefois, soyons clairs : l'enjeu fondamental de ce débat, de cette réforme, a trait à l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur. Pour le Nouveau Centre, dans ce domaine comme en matière de santé, le préventif est préférable au curatif. De ce point de vue, votre texte va-t-il assez loin ? La question est légitime. Elle revient, encore et toujours, à poser celle de l'instauration en France d'un fichier positif de l'endettement.

Le Nouveau Centre propose ainsi, depuis de longues années, de créer un répertoire national du crédit recensant tous les crédits, et non les seuls incidents. Sans répertoire du crédit, l'obligation de vérification de la solvabilité restera un voeu pieux ; Jean Gaubert l'a démontré dans son intervention.

Nous proposons que ce répertoire, détenu par la Banque de France à l'intention des organismes prêteurs, soit consultable, après autorisation de l'emprunteur, pour une période d'un mois, et ce sous un format non numérique, afin d'éviter toute constitution de dossier pérenne sur les personnes susceptibles de contracter ce type de crédit. Aux détracteurs d'un tel fichier, je réponds donc que son utilisation commerciale est a priori exclue.

Par ailleurs, la consultation de ce répertoire serait subordonnée à un dédommagement financier qui permettrait d'équilibrer son coût, évalué par la Cour des comptes à 220 millions d'euros. Cette pratique est déjà en vigueur dans la majeure partie des pays européens. Voici, madame la ministre, un tableau dressant le bilan de l'installation des fichiers positifs dans chaque pays d'Europe. L'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie, les Pays Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Suède : tous ont adopté le fichier positif. Posons-nous une question simple et humble : s'ils avaient raison et si nous avions tort dans notre entêtement à ne pas l'adopter ?

Non seulement les pays européens basculent un à un vers ce système, mais certaines banques et certains établissements de crédit – pas tous, bien sûr, car le jour où toutes les banques seront favorables au fichier positif, nous pourrions avoir des doutes sur l'eau qui coule sous les ponts de la Garonne ! – tels que Cofinoga ou la banque Accord, banque du groupe Auchan, ainsi que la grande distribution par l'intermédiaire de son délégué général, Jérôme Bédier, sont désormais favorables au fichier positif.

Les temps changent, comme un grand chanteur l'a dit.

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