Il y a certes des politiques publiques assurant un subventionnement plus ou moins dissimulé, mais les acteurs du monde associatif ont également développé des pratiques spécifiques dans ces pays, et il existe des emplois répondant à une véritable demande au sein du secteur privé.
Il faut également reconnaître que le système d'enseignement des pays nordiques est plus en harmonie avec le monde du travail que le nôtre. Les jeunes font des stages dès l'âge de seize ou dix-sept ans, ce qui permet une découverte plus rapide du monde du travail, avec l'assentiment des milieux éducatifs. Je ne suis pas sûr qu'il pourrait en être ainsi dans notre pays.
Une autre différence est que nos entreprises ont probablement abdiqué leurs responsabilités. L'Allemagne est, au contraire, parvenue à pérenniser l'apprentissage dans les années 1990, au moment où son système battait de l'aile, ce qui lui a permis d'éponger le surcroît de chômage qui menaçait les nouvelles générations. À cela s'ajoute naturellement un cercle vertueux au plan démographique : 25 % de jeunes en moins signifie 25 % de chômage en moins.
Dans notre pays, les entreprises ont perdu l'habitude de faire travailler les jeunes, et ces derniers ne sont plus habitués à travailler avant l'âge de vingt-cinq ans. Il y a bien sûr des exceptions, mais notre marché du travail ne parvient plus à absorber massivement des jeunes avant l'âge du baccalauréat, comme c'était le cas avant 1968 aussi bien dans le secteur industriel que dans les services. Nous avons, à la place, des universités low cost.
Les responsabilités sont bien sûr partagées et le système s'auto-entretient : il semble normal pour les parents d'aider leurs enfants jusqu'à l'âge de vingt-huit ou trente ans, mais le couperet finit par tomber : il y a un âge à partir duquel on se met à attendre des enfants qu'ils subviennent à leurs propres besoins. Il en résulte une grande souffrance collective, ainsi qu'une entrée dans le monde du travail mal préparée pour beaucoup.
Il existe aujourd'hui une disjonction entre, d'une part, la croissance économique, le bien-être et le développement des « zinzins électroniques » et, d'autre part, la réalité sociale, qui est plutôt marquée par des phénomènes d'étiage et de stagnation, voire de déclin. Les travaux réalisés dans le champ des sciences sociales depuis plus de cent ans ont permis d'établir que cet écart béant entre les aspirations et les possibilités de réalisation produit des frustrations, source d'anomie individuelle – crimes ou suicides, par exemple – et de difficultés politiques, telles que des mobilisations collectives et des révoltes.
Il sera malheureusement difficile de sortir de cette situation, et il ne faudra pas compter sur un concours Lépine des bonnes politiques publiques : c'est l'intégralité du pacte social qui devra être refondé !