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Intervention de Jacques Domergue

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Domergue, rapporteur :

Notre Commission s'est saisie pour avis de l'article 30 du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, article introduit dans le texte par la lettre rectificative n° 2329 adoptée en Conseil des ministres le 23 février. Il porte sur le volet législatif du vaste plan de revalorisation statutaire et salariale de la profession infirmière et d'autres professions paramédicales, contenu dans le protocole d'accord présenté aux organisations syndicales par la ministre de la santé et des sports le 2 février dernier. Ce protocole est l'aboutissement d'un long processus de concertation et de négociation engagé pour donner suite à la promesse du Président de la République d'intégrer le corps des infirmiers dans la catégorie A de la fonction publique, une promesse réitérée lors d'un récent discours prononcé à Perpignan.

Le protocole d'accord prévoit la création d'un nouveau corps des infirmiers, classé en catégorie A et bénéficiant d'une grille indiciaire bien plus favorable. La contrepartie de cette revalorisation est le passage de ce nouveau corps de la catégorie active – avec possibilité de départ à la retraite à 55 ans – à la catégorie « sédentaire » – avec départ à la retraite à 60 ans. Pour les personnels en poste, un droit d'option sera ouvert à compter de juin prochain entre le maintien dans l'ancien corps et le départ à 55 ans, et l'intégration dans le nouveau corps avec départ à 60 ans. C'est cette contrepartie que l'article 30 met en oeuvre et c'est pourquoi le choix de la lettre rectificative a été fait : il fallait disposer d'un véhicule législatif dont on soit sûr qu'il aboutirait d'ici juin. En effet, les infirmiers disposeront de six mois pour exercer leur droit d'option, soit jusqu'à décembre, ce qui permettra d'engager la revalorisation salariale dès janvier 2011. Reporter l'adoption de la mesure législative nécessaire faisait courir le risque de devoir repousser une revalorisation salariale attendue par l'ensemble de la profession.

La filière soignante et de rééducation est au coeur de la fonction publique hospitalière. La répartition par filières met en évidence le poids considérable des personnels soignants et rééducateurs : infirmiers et infirmiers spécialisés, aides soignants et, dans une moindre mesure, rééducateurs, diététiciens, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens. Constituant les deux tiers des agents, ces personnels représentent la ressource humaine non médicale principale de l'hôpital public.

Aujourd'hui, la quasi-totalité de cette filière relève de corps de catégorie B et bénéficie de rémunérations qui ne sont pas à la hauteur de leurs qualifications : pour une infirmière diplômée d'État, 1 584 euros nets par mois en début de carrière et 2 499 euros en fin de carrière. L'ensemble de la filière sera concerné par la revalorisation prévue par le protocole d'accord, ainsi que certains corps de la fonction publique d'État et de la fonction publique territoriale.

Cette filière est par ailleurs confrontée à de forts déséquilibres démographiques : plus de la moitié des infirmiers des établissements publics de santé ont 40 ans ou plus et près d'un tiers des infirmiers des établissements publics de santé ont 50 ans ou plus. La démographie infirmière n'est donc pas sans poser problème. Ainsi, le nombre de départs à la retraite pour les infirmiers de la fonction publique hospitalière est en constante augmentation depuis 1999 ; il était de plus de 8 000 en 2008. Cette tendance va se poursuivre et, d'ici 2015, un infirmier sur deux sera parti en retraite. Par ailleurs, l'âge moyen de départ des infirmiers est passé de 52,4 ans en 1995 à 54,7 ans en 2008 et, en 2009, l'âge moyen de départ était de 56,7 ans.

Cette situation salariale peu satisfaisante et cette démographie inquiétante se sont conjuguées à la généralisation du dispositif « Licence-Master-Doctorat » (LMD) à notre enseignement supérieur pour aboutir à une réforme. Alors qu'elles n'étaient pas, au départ, concernées, les professions paramédicales sont désormais rentrées de plain-pied dans le processus de convergence. En septembre 2009 pour la première fois, les étudiants en soins infirmiers ont intégré une formation dont le diplôme d'État sera, en 2012, reconnu par les universités au grade de licence. Cette évolution majeure a été rendue possible par la qualité de la formation dispensée et par l'engagement des partenaires sociaux dans le grand chantier de la valorisation des professions paramédicales. Elle demandera dans les trois années qui viennent un travail d'adaptation important pour les instituts de formation en soins infirmiers, tant sur le plan de l'organisation et de la refonte du contenu des enseignements que du point de vue des stages.

La prise en compte de la reconnaissance du cursus de formation des professionnels paramédicaux dans le cadre du système LMD était largement attendue par les organisations professionnelles et les organisations étudiantes que nous avons rencontrées. Elles souhaitaient la reconnaissance du niveau de qualification d'exercice des métiers paramédicaux ; la mise en conformité avec la référence reconnue au plan européen, pour faciliter l'insertion des professionnels concernés sur le marché du travail européen ; l'« universitarisation » des études, considérée par les associations d'étudiants comme devant améliorer la qualité de l'enseignement, permettre aux professionnels de santé de disposer de bases communes favorisant les passerelles entre les filières de formation ; enfin, la revalorisation financière de cette reconnaissance nouvelle et légitime de métiers difficiles.

Cette revalorisation financière fait précisément l'objet du protocole d'accord présenté le 2 février dernier. Ce protocole, divisé en six volets, prévoit, d'une part, l'intégration dans la catégorie A de la fonction publique hospitalière des infirmiers et des autres professions paramédicales, dont les diplômes sont reconnus au sein du LMD, et, d'autre part, l'intégration des corps de catégorie B dans le nouvel espace statutaire de cette catégorie.

Il faut préciser qu'a été ouverte aux organisations syndicales la possibilité de signer chaque volet du protocole d'accord séparément. Le Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) a signé les six volets, et cinq syndicats ont signé les trois derniers volets : il s'agit, outre le SNCH, de la Fédération FO des personnels des services publics et de santé, de la Fédération nationale autonome des services de santé de l'UNSA, de la Fédération CFTC Santé et Sociaux, et de la Fédération française de la santé, de la médecine et de l'action sociale.

Au terme de la réforme, qui sera donc conduite sur cinq ans, les infirmiers seront rémunérés sur des bases très proches des infirmiers spécialisés actuels. Cela représentera en 2015, à l'issue des opérations de reclassement, en moyenne une majoration de plus de 2 000 euros nets par an pour une infirmière en début de carrière et de près de 4 000 euros pour une infirmière en fin de carrière, soit l'équivalent d'un treizième mois.

La contrepartie de cette importante revalorisation salariale est le passage du corps des infirmiers en catégorie sédentaire, la mise en place d'un droit d'option, sur le modèle de ce qui avait été fait pour les instituteurs et les professeurs des écoles, et le renoncement, pour les agents faisant le choix de l'intégration dans le nouveau corps de catégorie A, à un certain nombre d'avantages liés au temps passé en catégorie active.

C'est cette contrepartie qui fait l'objet de l'article 30 que nous examinons aujourd'hui.

Le paragraphe I de l'article 30 propose donc le classement des nouveaux corps des infirmiers et des personnels paramédicaux en catégorie sédentaire, ce qui implique un départ à la retraite à 60 ans, et non plus à 55 ans, et une limite d'âge portée à 65 ans.

Le paragraphe II organise le droit d'option qui sera ouvert aux agents déjà en poste : la revalorisation salariale s'accompagne, aux termes du protocole, d'un choix, ouvert aux fonctionnaires déjà en poste, entre le maintien dans leur situation actuelle ou l'intégration dans la catégorie A, avec une durée de carrière prolongée. Chaque professionnel concerné sera invité, à partir du mois de juin 2010, à faire connaître son choix, en fonction de sa situation et de ses projets propres.

Le paragraphe III précise ce à quoi devront renoncer les agents déjà en place qui feraient le choix de l'intégration en catégorie A.

Le 1° indique que, même s'ils ont passé 15 ans en catégorie active, ils ne pourront plus se prévaloir de ces quinze années pour bénéficier d'un départ à 55 ans, contrairement à ce que prévoit l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il s'agit là d'un point essentiel pour l'équilibre financier de la réforme et de la principale différence avec le dispositif adopté lors de la transformation du corps des instituteurs en celui des professeurs des écoles.

Le 2° prévoit qu'ils ne pourront pas bénéficier de la majoration de durée d'assurance d'une année par période de dix ans passée en catégorie active, prévue par l'article 78 de la loi n° 2003-775 portant réforme des retraites.

Enfin, le 3° les exclut du dispositif qui permet aux personnels, ayant intégré un corps dont la limite d'âge est de 65 ans et ayant passé quinze ans dans un corps classé en catégorie active, de continuer à bénéficier de la limite d'âge de leur ancien corps, c'est-à-dire 55 ans, en particulier au regard de la décote.

Par son impact financier, cette réforme constituera une charge pour les établissements de santé. Une montée en charge progressive est anticipée : environ 100 millions d'euros en 2011, puis 200 millions d'euros en 2012 pour atteindre un rythme annuel de 500 millions d'euros en 2015 quand la réforme prendra pleinement effet. L'effet cumulé est estimé à 900 millions d'euros sur une période de six ans pour les personnels de la fonction publique hospitalière, selon une hypothèse haute.

A contrario, la suppression de la catégorie active aura pour effet de retarder le départ à la retraite des agents et donc de générer des économies importantes pour le régime de retraite de la fonction publique hospitalière. Dans une hypothèse médiane, l'économie en 2015 devrait être de près de 300 millions d'euros. En outre, les effectifs d'infirmiers disponibles s'en trouveront accrus.

Pour conclure, je souhaiterais souligner que cette réforme équilibrée doit s'accompagner de l'ouverture de nouvelles perspectives de carrière pour le corps des infirmiers. Un dynamisme renouvelé dans la gestion des carrières est indispensable. Par ailleurs, une attention forte doit être portée aux conditions de travail à l'hôpital.

Ces deux thèmes font précisément l'objet des cinquième et sixième volets du protocole d'accord qui ont été signés par cinq organisations syndicales ; il sera indispensable de suivre avec attention leur application.

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