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Intervention de Danielle Bousquet

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Bousquet, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, notre Assemblée a adopté hier à l'unanimité, et je m'en félicite, une proposition de résolution tendant à promouvoir l'harmonisation vers le haut des législations européennes applicables aux droits des femmes. Cette résolution invite le Gouvernement à présenter au Parlement les initiatives qu'il entend prendre pour mettre en oeuvre, dans le droit national, les dispositions législatives et réglementaires les plus avancées prises par les États membres de l'Union.

J'estime que les parlementaires ont eux aussi le devoir de prendre des initiatives pour garantir les droits des femmes et pour favoriser un meilleur partage des tâches entre les genres et une meilleure conciliation des vies familiale et professionnelle. Nous avons certes une politique familiale volontariste qui a permis de soutenir une démographie dynamique. Cependant, depuis plusieurs années, les attentes et les modes de vie des Français ont changé. L'articulation des vies familiale et professionnelle est au coeur de leurs préoccupations, sans que certains outils de la politique familiale se soient toujours adaptés.

Les femmes veulent pouvoir avoir des enfants sans renoncer à leur vie professionnelle. Or, en France, entre 25 et 49 ans, une femme sur cinq n'est pas active. Selon des études récentes, la moitié des mères ayant des jeunes enfants et ayant cessé de travailler auraient souhaité continuer.

Par ailleurs, un nombre croissant d'hommes se dit prêt à participer à l'éducation des enfants. Certes, la création du congé de paternité en 2001 a constitué, de ce point de vue, une véritable avancée. Elle n'a cependant rien changé à la répartition des tâches au sein de la famille.

Il est de notre intérêt et de notre devoir de législateur de répondre à ces nouvelles attentes. En effet, le vieillissement de la population et l'augmentation des dépenses de retraites et de dépendance qu'il induit, de même que la nécessité de consolider la croissance potentielle du pays requièrent, d'une part, le maintien d'un taux de natalité fort et, d'autre part, l'amélioration du taux d'emploi des femmes. La conciliation des vies familiale et professionnelle est donc un impératif économique qui doit être pris au sérieux.

Il existe certes de nombreux leviers pour favoriser cette conciliation, comme le développement des modes de garde ou l'adaptation des conditions et des rythmes de travail des parents dans les entreprises. La proposition de loi que nous examinons choisit un troisième levier, celui des congés liés à la naissance et à la parentalité, dans la lignée des initiatives européennes et nationales récentes.

La proposition de directive déposée par la Commission européenne, le 8 octobre 2008, visant à allonger le congé de maternité et à améliorer la protection des femmes enceintes, ainsi que les réflexions menées sur le congé parental d'éducation au sein du Haut Conseil de la famille, fournissent, en effet, l'occasion d'engager une véritable modernisation des congés liés à la naissance et à l'éducation des enfants.

Pourquoi lier la réforme des congés de maternité et de paternité et le congé parental d'éducation ?

La séparation de ces deux types de congés n'est que le vestige d'une séparation des points de vue sur l'éducation des enfants et d'une répartition sexuée des fonctions dans la parentalité. Or, celle-ci doit être repensée de manière globale, impliquant à égalité les deux parents. C'est pourquoi cette proposition de loi a choisi une approche transversale.

L'article 1er propose ainsi un allongement du congé de maternité à vingt semaines. Cette durée correspond à la durée réelle d'arrêt d'activité des femmes aujourd'hui, si l'on ajoute au congé de maternité les congés pathologiques pris par 70 % des femmes et les arrêts de travail. C'est par ailleurs la durée minimale légale proposée par le Parlement européen et adoptée hier en commission à Bruxelles.

Il faut noter que la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, dans ses conclusions du 5 mai 2009, a souscrit aux orientations de la proposition de directive de 2008 en ce qu'elles améliorent les règles applicables aux salariés en période de maternité. Mme Nadine Morano elle-même, lors d'un débat au Sénat sur la future directive, a déclaré je cite que « désireux d'être toujours à la pointe du progrès des politiques sociales, le Gouvernement n'est pas opposé à l'allongement de la durée du congé de maternité. »

L'allongement de la durée du congé de maternité est assorti à l'article 2 d'un allongement de l'interdiction d'emploi d'une femme enceinte ou ayant accouché. Je présenterai par ailleurs un amendement tendant à conserver la possibilité de reporter la période du congé de maternité jusqu'à trois semaines avant la date présumée de l'accouchement.

Afin d'anticiper l'adoption de la directive européenne en discussion, l'article 3 prévoit que l'indemnité journalière de repos est complétée par l'employeur afin d'atteindre 100 % du salaire antérieur pour les salariées en congé de maternité.

L'article 4 prévoit un alignement de la durée et des conditions d'indemnisation du congé de maternité et d'adoption des femmes non salariées sur celles du régime général, sur le modèle de ce qui a été fait en 2006 pour le personnel soignant conventionné, afin de ne pas pénaliser certaines femmes en raison de leur situation socioprofessionnelle. Par ailleurs, je présenterai un amendement visant à demander un rapport au Gouvernement sur le cas particulier des travailleuses intérimaires et des intermittentes du spectacle qui ne parviennent pas à remplir les conditions pour bénéficier d'une indemnisation – avoir travaillé 200 heures dans les trois mois qui précèdent. Certaines se trouvent dans des situations dramatiques auxquelles il faut trouver une solution.

L'article 5 crée un congé d'accueil de l'enfant, mieux rémunéré et légèrement plus long – entre 14 et 21 jours – que le congé de parentalité qu'il a vocation à remplacer, en s'inspirant directement de certains modèles étrangers. Hier, toujours en commission à Bruxelles, un tel congé a été porté à deux semaines.

Une meilleure rémunération et la reconnaissance du congé d'accueil de l'enfant comme une période de travail effective permettront de vaincre certains obstacles, notamment économiques, qui empêchent parfois les pères de prendre un congé de paternité. Le congé pourra être pris non seulement par le père, mais aussi par la personne vivant maritalement avec la mère.

L'article 6 vise à créer un congé parental alternatif partagé, mieux rémunéré et adapté aux besoins des parents. Toutes les études récentes montrent que l'articulation des vies familiale et professionnelle pèse davantage sur les femmes, a fortiori les moins qualifiées. Malgré les déclarations d'intention, dans les faits les hommes s'arrêtent de travailler dix fois moins que les femmes pour élever leurs enfants. Nombreux sont les rapports récents, dont celui de Michèle Tabarot sur le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance et celui de Marie-Françoise Clergeau sur la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), qui dressent le même constat et en appellent, quelles que soient les tendances politiques, à une réforme du congé parental dans le sens d'un partage plus équitable entre les genres. Le Haut Conseil de la famille, saisi de cette question par le Premier ministre suite au discours du Président la République de février 2009, a conclu lui aussi à la nécessité d'un partage du congé et à une réforme de sa rémunération.

S'inspirant des exemples étrangers, notre proposition de loi prévoit le partage du congé avec le deuxième parent. Toutefois, la part non transférable se limite à 20 % de la durée totale du congé, soit entre deux mois et demi – durée qui semble la plus acceptable économiquement pour les hommes aujourd'hui – et sept mois environ. Toute part de ce congé non prise sera perdue. Il s'agit ainsi d'inciter les parents à prendre des décisions concertées.

Partant de l'hypothèse selon laquelle des hommes sont prêts à interrompre leur carrière pour s'occuper de leurs enfants, de façon brève et à la condition d'obtenir un dédommagement financier qui ne pénalise pas leur famille, la proposition de loi met en place un congé parental pouvant durer entre deux mois et demi et trois ans, rémunéré à 80 % du salaire brut – cette rémunération étant plafonnée.

Parce que nous jugions qu'il n'y avait pas de consensus sur la durée du congé parental, nous avons maintenu le principe d'une durée comprise entre un et trois ans, afin de ne pas anticiper sur le développement des débats futurs. Cependant, les rapports déjà cités rendus par certains de nos collègues et les réflexions du Haut Conseil de la famille nous ont permis d'affiner notre position sur le sujet. C'est pourquoi je vous proposerai d'amender le texte initial, afin de prévoir un congé parental partagé de 18 mois, soit un an et demi, dont 3 mois au minimum pris par l'un des bénéficiaires, et fractionnable afin de maintenir une certaine souplesse pour les parents. Ce congé parental serait mieux rémunéré afin de le rendre plus attractif, dans la limite d'un montant dont le plafond serait fixé par décret.

Pour conclure, un seul et unique principe a guidé la rédaction de ce texte : donner aux hommes et aux femmes la possibilité de choisir librement le temps qu'ils accordent à leurs vies familiale et professionnelle, et, quelle que soit la nature de ce choix, qu'il ne soit pas le fruit d'une contrainte économique ou psychologique. Je pense d'ailleurs que c'est ce principe qui doit nous animer dans le débat que nous aurons aujourd'hui.

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