Dans un premier temps, coexisteront des équipes spécialisées en contrôle des banques, d'autres en contrôle des assurances et, enfin, des équipes fusionnées dès le départ, en ce qui concerne notamment les négociations internationales et certaines fonctions de support. Une partie de ces fonctions demeurera assurée par les services de la Banque de France, et fournie en prestation de service : l'informatique lourde, la gestion des contrats de ressources humaines, la paye...
S'agissant de l'articulation communautaire, le principe de la supervision de terrain est maintenu, car ce système est assez efficace. Aux États-Unis, la supervision n'est pas exercée par le conseil des gouverneurs de la Fed, à Washington, mais par les échelons locaux de la Fed. Le conseil des gouverneurs s'assure de l'application uniforme des règles et intervient lorsque se pose une question qui dépasse le cadre d'un seul district. Au niveau européen, le rapport De Larosière a proposé un système comparable, dont le Conseil s'est un peu éloigné, mais dont le Parlement tend à se rapprocher. La possibilité donnée au comité de s'assurer de l'application cohérente des règles prudentielles, si besoin au moyen d'un vote à la majorité qualifiée, est un progrès. Il serait intéressant d'envisager d'aller plus loin, en donnant au comité la possibilité de trancher les éventuels débats entre le superviseur sur base consolidée et les superviseurs des entités, filiales ou succursales. C'est une question qui reste en suspens.
S'agissant des directives en discussion, les exigences en capital au titre des activités de marché sont renforcées par la directive « fonds propres II », ce qui est essentiel. Les règles relatives au provisionnement dynamique dépendront de ce qui sera adopté par le comité de Bâle et de ce que l'Union européenne décidera d'en retenir.
Le paquet proposé par le comité de Bâle résulte de l'exigence, posée au G20, de renforcer la résilience des systèmes bancaires pour s'assurer qu'une crise financière et l'obligation qui en résulte pour les États d'intervenir pour soutenir les banques ne se reproduiront pas. Il s'agit de renforcer la quantité et la qualité du capital, et d'améliorer la liquidité. Le paquet du comité de Bâle n'est, à ce stade, qu'une base de discussion. En l'état, il pourrait conduire à la remise en cause du modèle des banques continentales et à une restriction des activités bancaires, créant un risque pour le financement de l'économie et la croissance. Il pourrait être modifié substantiellement, en particulier en ce qui concerne les règles de liquidité qui paraissent moins bonnes, sur le plan méthodologique, que celles qui sont applicables en France.
S'agissant de Solvabilité II, le détail de sa mise en oeuvre n'a pas encore été arrêté. La France est dans une situation un peu difficile, car spécifique : en effet, l'assurance-vie est largement utilisée en France comme un produit de substitution aux fonds de pension. Notre assurance-vie est en réalité une épargne à très long terme, qui devrait logiquement suivre les règles s'appliquant aux fonds de pension. Dans les autres pays, l'assurance-vie, qui coexiste avec les fonds de pension, est plutôt une épargne à court terme, comparable aux dépôts bancaires longs, peu développés chez nous. Ces spécificités rendent les négociations difficiles. Ceci étant, la tendance actuelle générale de la réglementation est plutôt de ne pas encourager la détention d'actions, ce qui n'est pourtant pas favorable aux assurés ou aux épargnants sur le très long terme. Il conviendrait de rééquilibrer les règles en conséquence. Les négociations sont toujours en cours.
Quant à la question des CDS souverains, j'estime qu'il faut prendre garde à une interdiction qui risquerait de reporter la spéculation sur d'autres produits impossibles à interdire : par exemple, si les mouvements de marché se reportaient directement sur la cotation des titres obligataires d'État, ce ne serait pas satisfaisant. Aujourd'hui, il existe une déconnexion entre les titres d'États et les CDS. Il me semble que la voie à privilégier est celle d'un marché bien identifié et transparent. L'essentiel est que ce marché ne donne pas lieu à l'accumulation de positions difficiles à comprendre et à délier, qui sont un vecteur de transmission de risques.
C'est pourquoi il est indispensable – et il existe un consensus au niveau mondial sur ce point - de mettre en place des chambres de compensation, transparentes pour les superviseurs. Dans le cadre de l'eurosystème, nous pensons que ces chambres doivent bénéficier de la fonction de prêteur en dernier ressort de l'Eurosystème sous l'autorité de la BCE. Elles doivent donc être domiciliées dans la zone euro sous la surveillance de l'Eurosystème. Cela permettrait de les réglementer, par exemple en leur imposant, si nécessaire, des règles de deposit.
S'agissant du nouveau dispositif de contrôle et de supervision, j'estime qu'il sera efficace. Il impliquera les mêmes équipes qu'auparavant, mais permettra de jeter un regard croisé sur la banque et l'assurance, ce qui garantira une meilleure supervision. L'adossement à la Banque centrale, qui dispose d'autres types d'informations, est également un atout à mes yeux. Si l'on considère l'affaire Northern Rock, on voit qu'elle tient beaucoup à la séparation, opérée une dizaine d'années auparavant, entre la banque centrale et le superviseur : il en est résulté une impossibilité de croiser, en temps réel, toutes les informations sur la liquidité et la solvabilité des banques, ce qui a créé un retard dans l'analyse, avec les conséquences que l'on sait.
Quant à la question de la séparation totale entre banques d'affaires et banques de dépôts, il me semble que la crise financière a montré que les établissements qui sont tombés étaient, pour la plupart, purement l'un ou l'autre. C'est le cas pour Lehman Brothers et Bear Stearns, pures banques d'investissements, pour Northern Rock et les banques régionales allemandes de dépôts, pures banques de dépôts et de crédits.
Les banques qui associent les deux activités ont plutôt mieux résisté à la crise : c'est le cas des banques françaises, mais aussi de la Deutsche Bank ou de Barclays.
Les Américains souhaitent empêcher certaines banques de prendre des positions spéculatives risquées, qu'elles font refinancer auprès des banques centrales. Sur le plan juridique, la réponse est difficile à mettre en oeuvre, car il ne faut pas traiter de la même manière une activité normale de market maker contrepartie d'un client, qui consiste à prendre une position de risque en achetant des obligations d'État ou d'entreprises, avant de les revendre, et les activités que l'on veut interdire : dès lors, le législateur doit trouver une formule qui fixe les orientations sur le type d'activité qu'il souhaite interdire tout en laissant au superviseur une certaine latitude pour appliquer cette règle dans le détail. L'objectif est donc intéressant, mais cela passe par une classification préalable difficile à établir.
S'agissant des résultats des banques, ils sont aujourd'hui l'effet d'une politique de taux d'intérêt bas, encore que, en France, les taux des crédits ont reflué parallèlement aux conditions de refinancement auprès de la Banque centrale. En fait, les banques gagnent aujourd'hui facilement de l'argent, en faisant des opérations simples de marché, et non pas parce que les marges seraient anormales. Cela disparaîtra le jour où les taux d'intérêt remonteront. Elles disposent donc naturellement de marges confortables sans toutefois pratiquer des marges de crédits importantes. C'est pourquoi les banques ont aujourd'hui indéniablement l'opportunité de renforcer leurs fonds propres, ce qu'elles devraient privilégier à la distribution de dividendes ou de bonus.