Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la décollecte préoccupante des fonds du livret A observée depuis plusieurs mois. Il est vrai que si, de janvier à avril 2009, les dépôts se sont révélés largement supérieurs aux retraits, c'est le contraire que l'on constate depuis : les retraits l'emportent de plus de 5,5 milliards d'euros sur les dépôts.
Ces mauvais résultats s'expliquent sans doute, d'une part, par les effets de l'ouverture de la distribution du livret A à tout le système bancaire et, d'autre part, par les deux baisses consécutives de son taux de rémunération, ramené à 1,75 % le 1er mai 2009, puis à 1,25 % le 1er août. C'est le taux le plus bas depuis la création du livret A, il y a plus d'un siècle.
Certes, cette brutale désaffection de la part de nos concitoyens a été bénéfique pour les banques, qui n'ont pas eu de mal à inciter leurs nouveaux clients à se tourner vers d'autres formes d'épargne plus profitables pour elles. Il faut ainsi regretter que de nombreux titulaires du livret A aient été très fortement incités, notamment par le biais de démarchages agressifs, à transformer leurs comptes en épargne volatile. Je ne reviendrai pas sur la pénible affaire de Natixis. Cette transaction hasardeuse se traduit aujourd'hui par des pertes considérables pour les petits épargnants.
Depuis sa création au début du XIXe siècle, le livret A a pourtant permis à la puissance publique de financer de très nombreuses réalisations d'intérêt général telles que l'électrification du territoire, la construction d'écoles publiques, la réalisation de voies et de canaux. En outre, grâce à la centralisation de ses fonds par la Caisse des dépôts et consignations, le livret A a permis de financer 80 % des prêts consentis pour la construction ou la réhabilitation de logements sociaux.
La décollecte actuelle confirme les craintes que j'ai exprimées il y a deux ans et demi à l'occasion de la banalisation du livret A dans tout le système bancaire. Cette décollecte remet profondément en cause les affirmations des responsables de la Commission européenne selon lesquelles l'ouverture à la concurrence de la distribution du livret A permettrait d'augmenter considérablement le montant des fonds collectés.
Au moment où de nombreux économistes des pays du G7 insistent de façon unanime sur la nécessité d'une stricte séparation entre les activités des banques de détail et celles des banques d'investissement, il est grand temps que le Gouvernement change de position et reconsidère toute la politique à conduire en matière d'épargne populaire et, en l'espèce, pour ce qui concerne le livret A.