Il est vrai que le régime est en cours d'appropriation par la société ; il est normal que l'usage de cette nouvelle possibilité d'entreprendre se stabilise progressivement.
À cet égard, le ministre du travail souhaite insister sur un point précis : la spécificité du régime de l'auto-entrepreneur n'en fait nullement un régime dérogatoire au droit du travail. Vous évoquez des employeurs qui incitent des salariés à se déclarer auto-entrepreneurs alors qu'ils continueront en pratique à travailler exclusivement pour ces mêmes employeurs, restant ainsi de facto dans un lien de subordination, et donc salariés.
Le Gouvernement est bien évidemment très soucieux de ce risque de dérive, et Xavier Darcos rappelle avec force à cet égard que le régime de l'auto-entrepreneur, s'il constitue une facilitation remarquable de la création de petites activités indépendantes, ne saurait être utilisé pour que des employeurs peu scrupuleux précarisent par ce biais certains de leurs salariés, en leur faisant perdre leurs garanties contractuelles, conventionnelles, ainsi que la protection liée à l'assurance chômage.
Toutefois, il n'est pas apparu utile de prendre une disposition juridique spécifique en la matière, cette question relevant du contentieux, bien connu en droit du travail, de la requalification contractuelle ou de la fraude à la loi par marchandage de main-d'oeuvre du fait de l'élusion délibérée des dispositions légales et conventionnelles applicables à la relation de travail.
En la matière, la jurisprudence élaborée par la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé à maintes reprises que le juge n'est pas tenu par la qualification contractuelle choisie par les parties au contrat, et que le prestataire dans un contrat dit de louage ou de prestation de services doit exercer de façon réellement indépendante, sans lien de subordination de fait, faute de quoi la relation est requalifiée en contrat de travail. La jurisprudence examine les aspects concrets de la relation de travail pour apprécier s'il y a lieu de la requalifier en contrat de travail.
Les services de contrôle en charge de la lutte contre les différentes formes de travail illégal, notamment l'inspection du travail et les Urssaf, sont sensibilisés depuis de nombreuses années à cette problématique du faux travail indépendant, qui n'a pas débuté avec la création de l'auto-entrepreneur et ne peut donc remettre en question la réalité du choix du travail indépendant faite à ce jour par plus de 320 000 auto-entrepreneurs.
En tout état de cause, l'évaluation du régime de l'auto-entrepreneur, qui va très prochainement être engagée après une première année de mise en oeuvre, permettra de mieux apprécier les modalités d'exercice des auto-entrepreneurs.