Vous avez votre logique, tout comme j'ai la mienne…
Vous regrettez que deux commissions servent de filtre au risque, dites-vous, de créer divergences. Tout d'abord, nous avons prévu des critères d'admissibilité extrêmement précis ; qui plus est, nous parlons de gens qui ont l'habitude de se rencontrer régulièrement en petit comité pour régler leurs désaccords.
Pour ce qui est des moyens d'investigation du CSM, rappelons qu'ils reposent aussi sur l'information fournie sur place par toute la chaîne judiciaire, notamment au niveau des cours d'appel : les renseignements pratiques devraient être relativement faciles à obtenir.
Vous avez également évoqué les moyens financiers. Le système actuel garantit l'autonomie financière du CSM qui dispose d'ores et déjà d'une ligne totalement indépendante et identifiée ; la seule question qui peut se poser – et sans doute y reviendrons-nous – est de savoir à quel bloc la rattacher.
Quant à la composition du Conseil, elle découle directement de la réforme constitutionnelle. Il n'y a donc rien à ajouter en la matière. L'ouvrir à des personnalité extérieure ne témoigne en rien d'une défiance à l'égard des magistrats.
Le Conseil sera appelé à donner son avis sur les nominations des magistrats du parquet ; reconnaissez que c'est aussi une avancée par rapport à la situation actuelle. Vous auriez eu tout loisir de la changer si vous y teniez vraiment… Vous avez tout de même été au pouvoir pendant quelques années, me semble-t-il !
Quant à la réponse que je vous avais faite sur le CSM, je la revendique. Lorsqu'une institution – et vous me permettrez de dire que je suis un peu une institution –, reçoit des pouvoirs de la loi, il ne lui revient pas d'y renoncer par avance. Je suivrai les avis du CSM ou je ne les suivrai pas ; vous pourrez en juger le jour où je quitterai mes fonctions, et pas avant. Pour ma part, je ne renonce pas à des pouvoirs qui sont donnés. Vous verrez bien ensuite comment j'agis.
Beaucoup de choses ont été dites sur la réforme de la procédure pénale ; le projet sera présenté lundi. Jusqu'à présent, personne ne l'avait, ce qui explique certains commentaires entendus. Vous constaterez par vous-même, une fois qu'il sera distribué, qu'il préserve un certain nombre d'équilibres et apporte des garanties.
Je ne reviens pas sur vos propos sur la Cour de Strasbourg et le Conseil de l'Europe : M. Hunault vous a très justement répondu tout à l'heure en rappelant notamment qu'il ne faut pas interpréter de façon extensive des décisions qui concernent un pays particulier et des situations particulières.
Monsieur Lecoq, je n'ai pas l'impression que ce soit une réforme à marche forcée, au contraire. Le texte a été discuté au Sénat en octobre et, si j'ai déposé ce deuxième projet de loi organique, c'est justement pour que le débat parlementaire puisse se poursuivre en toute sérénité. Du reste, à supposer même que ce fût une réforme à marche forcée, personne ne pourrait le regretter dans la mesure où, vous l'avez tous reconnu, elle traduit de réelles avancées au bénéfice de la démocratie et des citoyens.
Vous vous êtes opposé à l'article 65 de la Constitution, tout en reconnaissant qu'il contenait des avancées ; tout votre raisonnement en découle. Il est cohérent, à ceci près que nous ne sommes pas d'accord sur le point de départ.
Vous critiquez le fait que la plainte soit transmise en cas de partage des voix ; mais à ce stade de la procédure, il ne s'agit que de s'assurer de la recevabilité au vu de critères objectifs que je vous ai rappelés – il est logique que le justiciable persuadé d'avoir décelé des manquements au cours d'une procédure ne puisse agir qu'après la fin de celle-ci, sauf dans deux situations exceptionnelles. C'est sur le comportement que porte le doute, aussi sérieux doit-il, non sur les critères, parfaitement objectifs. Dès lors, il me paraît logique que le filtrage soit confié à une instance interne. S'il s'agissait d'apprécier le caractère fautif ou non du comportement, je pourrais admettre votre raisonnement : il est normal que le principe du bénéfice du doute s'applique. Mais dans le cas présent, s'agit seulement d'apprécier des critères, autrement dit des éléments beaucoup plus objectifs.
Le texte accorde également au CSM de larges compétences. Son avis peut être sollicité par le Président de la République. Il peut avoir à se prononcer sur des questions relatives à la déontologie des magistrats, ou sur le fonctionnement de la justice si je le lui demande. Ce sont des points importants qui prouvent que l'on reconnaît la compétence des magistrats mais aussi des non-magistrats, dont le regard sur le fonctionnement de la justice peut m'éclairer et m'aider à prendre des décisions.
Monsieur Hunault, vous avez souligné combien la réforme constitutionnelle et le texte que nous présentons aujourd'hui représentaient une grande ouverture sur le plan des droits donnés aux citoyens, mais également une ouverture sur la société. Face au risque que chacun se referme sur lui-même, l'ouverture est indispensable, y compris dans la pratique des professions. Il faut rejeter le corporatisme, qui va à l'inverse de toute la vie de la société, à l'inverse également de l'image que nous voulons donner de la justice : pour jouer un rôle essentiel en tant qu'institution pour participer à l'unité du pays, encore faut-il qu'elle soit en quelque sorte représentative, qu'elle montre qu'elle sait écouter ce qui se passe.
Vous avez également évoqué les nouvelles prérogatives en matière de nomination. Je veux bien que l'on continue d'entendre des critiques sur la nomination du parquet mais force est de reconnaître qu'il y a de grandes avancées qui n'avaient pas été réalisées précédemment ; vous l'avez souligné et je vous en remercie.
En ce qui concerne la réforme de la procédure pénale, une très large concertation va s'ouvrir à partir de mardi, qui portera sur des propositions écrites et non sur des idées, ce qui coupe court à toute accusation d'arrière-pensées. J'attends d'ailleurs de tous ceux qui y participeront qu'ils répondent en présentant eux aussi des suggestions écrites : ainsi tout cela se fera en pleine clarté. Ce sera sans doute, vous l'avez dit, une des plus grandes concertations jamais organisées à ce jour. Je souhaite vraiment que tout le monde y participe afin que nous essayions de rédiger le meilleur texte possible, dans lequel les Français pourront se retrouver.
Monsieur Huyghe, vous avez su montrer, point par point, comment chacune des dispositions de la loi représentait une avancée majeure, pour l'institution, pour les Français, pour la démocratie. Oui, c'était une adaptation nécessaire, une modernisation considérable, et je vous remercie tout particulièrement de votre soutien en la matière.