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Intervention de Michel Hunault

Réunion du 23 février 2010 à 21h30
Application de l'article 65 de la constitution prorogation du mandat des membres du conseil supérieur de la magistrature — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Hunault :

Madame la présidente, madame la ministre d'État, garde des sceaux, mes chers collègues, le 21 juillet 2008, le Congrès adoptait une révision constitutionnelle à l'ampleur sans doute inégalée depuis les débuts de la Ve République : trente-huit articles de la Constitution modifiés, voire intégralement réécrits, neuf autres venant pour leur part s'ajouter à notre loi fondamentale.

Au nombre de ces modifications de notre texte constitutionnel, la réécriture in extenso de l'article 65 est pour sa part venue réformer en profondeur une institution, le Conseil supérieur de la magistrature, dont l'histoire se confond avec celle de la construction d'une justice indépendante et respectée, pilier de l'équilibre de nos institutions comme de la cohésion nationale – ainsi que vous l'avez rappelé, madame la garde des sceaux.

Créé sous la IIIe République, essentiellement comme un organe disciplinaire, le Conseil supérieur de la magistrature a vu son existence constitutionnalisée en 1946 puis confirmée en 1958 afin de proposer au pouvoir exécutif les nominations et les décisions d'avancement relatives aux magistrats du siège. Pourtant, les règles prévalant à sa composition n'ont eu de cesse de fluctuer au gré des réformes.

En 2008, le constituant a ainsi choisi de poursuivre dans la voie de la révision, entamée sur le fondement des propositions du comité Vedel en 1993, mais jugée inaboutie dès 1997 par le Président de la République Jacques Chirac. L'article 65 a été réécrit dans le but d'offrir à l'institution judiciaire de nouvelles garanties quant à son indépendance tout en la rapprochant de nos concitoyens, notamment par la possibilité désormais offerte à tout justiciable de saisir les formations disciplinaires du CSM.

À ce titre, le présent projet de loi organique est bien d'une importance cruciale puisque c'est à son adoption que reste aujourd'hui suspendue l'entrée en vigueur effective, dans sa nouvelle rédaction, de l'article 65 de la Constitution. Par ailleurs, et afin de ne pas renvoyer à une échéance trop lointaine l'entrée en vigueur pleine et entière de cette réforme, il nous est également proposé, par un second projet de loi organique, de proroger à titre dérogatoire le mandat des membres actuels du CSM.

Au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, je souhaite, madame la garde des sceaux, vous apporter tout mon soutien à cette réforme.

Est-il besoin de rappeler que la révision constitutionnelle de 2008 a mis fin à cette survivance anachronique et si souvent décriée, et particulièrement par nos collègues de l'opposition, que constitue une instance présidée par le Président de la République et dont la vice-présidence revenait de droit au garde des sceaux ?

Au-delà du symbole, la composition du CSM a été profondément revue dans le sens d'une plus grande ouverture sur la société. Aux six membres issus de la magistrature ainsi qu'au conseiller d'État membre du CSM s'ajouteront désormais un avocat, désigné par le président du conseil national des barreaux, et six personnalités qualifiées.

Ainsi, les formations du CSM seront, en matière disciplinaire, composées à parité de magistrats et de non-magistrats, mais les magistrats seront désormais minoritaires dès qu'il s'agira de prendre des décisions en matière de nomination.

Ce projet de loi organique a par conséquent pour principal objet de tirer toutes les conséquences de la révision constitutionnelle pour revoir en profondeur les règles de fonctionnement et de délibération au sein du Conseil supérieur de la magistrature mais aussi pour fixer un cadre aux nouvelles compétences confiées par la Constitution au Conseil supérieur de la magistrature.

Dans la droite ligne du nouvel équilibre dessiné par la réforme de 2008, le CSM a vu ses prérogatives en matière de nomination élargies à l'ensemble des magistrats du Parquet. Désormais, même dans le cas d'emplois pourvus en conseil des ministres – et c'est bien là un progrès –, les nominations des magistrats du parquet ne pourront plus intervenir qu'après l'avis du CSM. Désormais, la transparence prévaudra y compris pour les postes de procureurs généraux près les cours d'appel ou près la Cour de cassation.

Je souhaite maintenant aborder un point qui me paraît essentiel : oui, madame la garde des sceaux, vous êtes parfaitement en phase avec l'opinion publique en donnant la possibilité au citoyen de saisir les formations disciplinaires du CSM dès lors qu'ils estimeront que le comportement dont aura fait montre un magistrat du siège comme du parquet dans une affaire les concernant, est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.

Laissez-moi, à ce stade, m'adresser à l'excellent rapporteur Philippe Houillon et à André Vallini, qui furent respectivement rapporteur et président de la commission sur l'affaire d'Outreau dont j'ai eu l'honneur d'être secrétaire : nous avons pu voir les dégâts causés dans l'opinion par des comportements qui n'étaient passibles d'aucune sanction. Le texte que vient nous proposer Mme la garde des sceaux en application d'une révision constitutionnelle adoptée par les deux tiers des parlementaires, constitue à cet égard un incontestable progrès.

Tout en vous attachant à rapprocher la justice des citoyens, madame la garde des sceaux, vous avez heureusement apporté des garanties. Ce droit de saisine doit être encadré, d'où un filtrage, avez-vous indiqué. Ce principe vaut pour toutes les saisines de toutes les institutions judiciaires : des conditions de saisine, de recevabilité sont posées, sans pour autant entraver le progrès que représente la saisine directe.

Vous avez déclaré que ce texte poursuivait trois objectifs : apporter de nouvelles garanties d'indépendance – qui peut s'en plaindre ? –, rapprocher la justice de nos concitoyens – tous les bancs ont appelé de leurs voeux un tel rapprochement –, renforcer la sécurité juridique avec la prorogation de l'actuel CSM. En toute objectivité, comment ne pas y voir un progrès qui redonnera confiance en la justice ?

Nous ne connaissons que trop les dégâts causés par une affaire comme celle d'Outreau. Or j'ai écouté avec une grande attention, monsieur Vallini, vos références au Conseil de l'Europe – et je sais combien s'agit là d'une référence excellente : j'ai l'honneur de siéger encore pour quelques semaines, depuis dix-sept ans, au sein de cet organisme. Reste que vous en avez caricaturé sa position. Et la présente réforme ne contrevient pas à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Qui plus est, à propos de la question de l'indépendance du CSM, vous avez caricaturé le texte en accusant par anticipation le Gouvernement de s'immiscer dans la réforme du code de procédure pénale. Or tel n'est pas l'objet de la présente discussion. Mme la garde des sceaux a eu l'occasion d'en présenter ce matin les grandes lignes : aucune disposition n'est susceptible de porter atteinte à l'indépendance du CSM. Vous avez évoqué enfin la suppression du juge d'instruction – même si je ne vois pas bien quel peut être le rapport avec le présent texte. Les députés du Nouveau Centre, comme les députés socialistes, comme nos collègues du groupe UMP sont attachés à l'indépendance de la justice, et le Gouvernement tout autant. Il n'est qu'à voir la méthode qu'il a retenue en matière de concertation : les projets de réformes s'élaborent dans une transparence et sur le fondement d'un dialogue sans précédent. Madame la garde des sceaux, permettez-moi de vous dire, en mon nom personnel et au nom de mes collègues du Nouveau Centre, combien nous apprécions cette méthode de travail.

Enfin, en ce qui concerne le Conseil de l'Europe et le rapport de sa commission juridique, monsieur Vallini, n'oubliez pas que cette institution compte quarante-sept États dont vingt ont adhéré depuis seulement vingt ans. N'allez pas comparer notre institution judiciaire à des institutions qui viennent d'être créées dans des pays qui, il y a encore quinze ans, ignoraient ce qu'était la démocratie, qu'il faut aider à construire un État de droit en mettant en place des structures politiques et judiciaires indépendantes les unes des autres.

C'est à cela que veille le Conseil de l'Europe, et c'est à cela que faisait allusion le rapport adopté par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, puis par son assemblée parlementaire. De là à considérer que les institutions françaises sont accusées, ce serait faire injure à la qualité de nos institutions judiciaires, dont la construction remonte à plusieurs siècles, et à l'esprit d'indépendance auquel le Gouvernement et cette majorité sont attachés.

Très objectivement, ce texte représente un progrès. Ne le déformons pas et ne lui faisons pas dire ce qu'il ne dit pas. Nous nous devons, ce soir, de discuter et je suis certain que nous aurons, dans cet hémicycle, d'autres rendez-vous. J'espère que nous garderons ce caractère objectif et dépassionné au regard de l'immense travail accompli par le président Vallini et le rapporteur Philippe Houillon dans le cadre de la commission d'enquête sur les causes de dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau. Les textes présentés de soir apportent une réponse concrète à une expression unanimement affirmée et je pensais que le vote aurait été unanime.

Je vous réitère donc, en conclusion, madame la garde des sceaux, toute la confiance et le soutien du groupe Nouveau Centre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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