Madame la présidente, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, lors de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 65 de la Constitution relatif au Conseil supérieur de la magistrature a été modifié en profondeur.
La nouvelle rédaction, très précise, de cet article réforme d'abord de manière significative la composition du CSM, au sein duquel les magistrats ne seront plus majoritaires. En effet, devront être nommées au CSM huit personnalités extérieures à la magistrature – six personnalités qualifiées, un avocat et un conseiller d'État –, communes aux deux formations, ces deux formations, compétentes respectivement pour les magistrats du siège et pour les magistrats du parquet, comptant par ailleurs en leur sein sept magistrats, et huit magistrats lorsqu'elles siègent en matière disciplinaire.
La nouvelle rédaction de l'article 65 consacre officiellement la formation plénière du CSM dans laquelle les magistrats ne seront pas non plus majoritaires. Présidée par le premier président de la Cour de cassation, qui pourra être suppléé par le procureur général, la formation plénière comptera six autres magistrats provenant pour moitié de chacune des deux formations et les huit personnalités qualifiées.
Au total, le CSM comptera donc trois formations : une formation pour les magistrats du siège, une formation pour les magistrats du parquet et la formation plénière.
Les règles d'organisation et de fonctionnement du CSM sont également modifiées sur certains points par la révision constitutionnelle. La présidence de la formation compétente pour les magistrats du siège est désormais assurée systématiquement, et non plus seulement en matière disciplinaire, par le premier président de la Cour de cassation et la présidence de la formation compétente pour les magistrats du parquet par le procureur général près cette même cour. La faculté du ministre de la justice de participer aux séances des formations du CSM est interdite en matière disciplinaire.
Les modifications introduites par la révision constitutionnelle portent également sur les compétences du CSM.
La procédure d'avis sur des nominations relatives aux magistrats du parquet est étendue à l'ensemble des magistrats du parquet, y compris celles des procureurs généraux près les cours d'appel et du procureur général près la Cour de cassation.
La formation plénière du CSM est compétente « pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République » et pour se prononcer sur les « questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice ».
Enfin, la nouvelle rédaction de l'article 65 de la Constitution ouvre une faculté de saisine du CSM par un justiciable, ce qui constitue une réforme substantielle, « dans les conditions fixées par une loi organique » précise la Constitution.
La rédaction de l'article 65 de la Constitution est déjà extrêmement détaillée, mais le projet de loi organique que nous examinons permet de la compléter sur plusieurs points.
Pour ce qui concerne la composition du CSM, le projet de loi organique détermine quels seront les magistrats appelés à siéger dans la formation plénière, et précise les procédures de nomination des six personnalités qualifiées ainsi que de l'avocat et les conditions de remplacement en cas de vacance d'un siège.
Il procède à une adaptation du régime actuel d'incompatibilités pour prendre en compte la présence d'un avocat ès qualités.
De la même manière, les règles d'organisation et de fonctionnement du CSM sont précisées ou adaptées sur plusieurs points : la nomination du secrétaire général et du secrétaire général adjoint du CSM, la réunion des formations par leur président, la suppléance du président de chaque formation et les règles de quorum applicables aux délibérations.
Par ailleurs, en matière disciplinaire, des modifications sont apportées par le projet de loi organique sur les points suivants : les sanctions disciplinaires applicables – ainsi la réprimande est-elle remplacée par le blâme, pour des raisons que l'on peut comprendre ; la procédure applicable pour les demandes d'interdiction temporaires d'exercer ; le rapporteur nommé par le CSM dans une procédure disciplinaire, qui pourra dorénavant procéder à la désignation d'un expert.
Enfin, le dernier objet du projet de loi organique, qui est loin d'être le moindre, est de prévoir la procédure nouvelle de saisine du CSM par une justiciable.
L'article 11 confie à des commissions d'admission des requêtes le soin de filtrer les plaintes des justiciables.
Les articles 18 et 25 précisent les conditions formelles et de fond qui devront être examinées par ces commissions d'admission des requêtes.
Les articles 19 et 25 prévoient l'articulation de la phase d'examen de la plainte d'un justiciable et de la procédure disciplinaire.
Les articles 21 et 26 prévoient que la formation disciplinaire saisie de la plainte ne peut tenir l'audience disciplinaire moins de trois mois après cette saisine.
Les articles 23 et 28 prévoient que le justiciable ne pourra former un recours contre la décision disciplinaire résultant de la plainte qu'il a formulée.
Le texte du projet de loi organique a d'abord été déposé sur le bureau du Sénat, qui a apporté des modifications sur plusieurs points.
Il a ainsi prévu que l'avis du Conseil national des barreaux sur la nomination de l'avocat devrait être un avis conforme. Il a étendu le champ des incompatibilités pour l'avocat en lui interdisant de plaider devant les tribunaux et d'agir « en conseil juridique – formulation un peu curieuse – pour une partie engagée dans une procédure.
Il a également prévu un avis du CSM sur la nomination du secrétaire général et du secrétaire général adjoint du CSM.
Il a supprimé la procédure de référé destinée à permettre au président de chacune des formations de prononcer une mesure d'interdiction temporaire d'exercice au profit d'une décision systématique de la formation disciplinaire compétente, dans un délai réduit de dix jours ouvrables.
Il a modifié les conditions de filtrage des plaintes des justiciables afin de permettre le dépôt d'une plainte alors que le magistrat demeure saisi de la procédure, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité des manquements évoqués.
Le Sénat a également introduit plusieurs dispositions nouvelles : ainsi l'article 6 bis qui énumère les exigences qui s'imposent aux membres du CSM – indépendance, impartialité et intégrité –, consacre la règle du déport du membre dont la participation est susceptible de faire naître un doute sur l'impartialité de la décision rendue par le CSM, et confie au président de chacune des formations le soin de veiller au respect de ses obligations par des mesures appropriées ; l'article 7 bis qui prévoit que l'autonomie budgétaire du CSM est assurée dans les conditions fixées par une loi de finances ; l'article 11 bis qui oblige au respect systématique de la parité entre les membres magistrats et ceux n'appartenant pas à l'ordre judiciaire lorsqu'une formation délibère en matière disciplinaire ; l'article 14 bis enfin, qui introduit une définition des manquements au devoir de son état par un magistrat, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Votre commission des lois a ensuite examiné le texte issu du Sénat, auquel elle a apporté certaines modifications.
Pour commencer, la commission a souhaité ne pas empêcher l'avocat nommé membre du CSM d'exercer sa profession et est, par conséquent, revenue au texte initial du projet de loi organique – tout simplement pour respecter la volonté du constituant clairement exprimée, me semble-t-il, dans l'article 65 modifié par la réforme.
Nous avons par ailleurs estimé que l'article 7 bis introduit par le Sénat relatif à l'autonomie budgétaire du CSM était, à l'examen, une fausse bonne idée car cette disposition pouvait se révéler contre-productive pour le Conseil supérieur. Aussi avons-nous supprimé cet article.
Quant au délai nécessaire au CSM pour se prononcer sur une demande d'interdiction temporaire d'exercer, nous l'avons porté de dix jours à quinze jours, notamment pour permettre aux magistrats d'outre-mer d'être entendus par le CSM.
Pour ce qui est du filtrage des plaintes des justiciables par les commissions d'admission des requêtes, nous nous sommes efforcés de clarifier la rédaction sur certains points.
Enfin, nous avons procédé à plusieurs coordinations de manière à prendre en compte le fait que le CSM sera désormais composé de trois formations – la formation plénière étant dorénavant reconnue par le texte.
Je vous invite, chers collègues, à adopter le texte ainsi modifié par notre commission des lois. De la même manière, je vous invite à adopter sans modification l'article unique du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du CSM, qui permettra de disposer du temps nécessaire pour mettre en place un CSM rénové, sans que la prorogation du mandat des membres actuels puisse excéder le 31 janvier 2011 : cela garantira que le mouvement des magistrats pour l'année 2011 sera en toute hypothèse soumis au CSM nouvelle formule.