Vous m'avez interrogée sur l'évolution du rôle de l'UNESCO depuis l'après-guerre. Bien que le monde ait beaucoup changé, que nous soyons confrontés à de nouveaux défis et que le contexte de nos interventions ait été modifié, le mandat de l'organisation – éducation, science et culture – demeure pleinement d'actualité. Il trouve même une pertinence nouvelle au regard de nouveaux défis comme le changement climatique, sur lequel, il y a quelques années seulement, on considérait que l'UNESCO n'avait pas son mot à dire, ce qui n'était pas vrai, dans la mesure où nous avons mission dans le domaine de la science. J'ai donc lancé lors du sommet de Copenhague une initiative sur le sujet. Notre commission intergouvernementale océanographique, créée dès 1960, a mis au point une méthode de détection des tsunamis et un dispositif d'alerte précoce, utilisés pour la première fois lors du récent tsunami aux Îles Salomon : des vies ont ainsi pu être sauvées. Nous pouvons de même apporter un regard nouveau en matière de préservation de la biodiversité ou de parcs naturels.
En matière culturelle aussi, le rôle de l'UNESCO a évolué. Nous nous battons aujourd'hui pour la sauvegarde de la diversité culturelle, contre l'uniformisation induite par la globalisation. L'UNESCO a un rôle capital à jouer dans le contexte de la mondialisation, que ce soit pour contribuer à la préservation de la diversité culturelle ou privilégier les approches interdisciplinaires. L'élan peut vous paraître avoir faibli depuis l'après-guerre, mais il faut tenir compte du fait que les agences internationales sont aujourd'hui beaucoup plus nombreuses à intervenir. L'UNESCO n'en demeure pas moins incontournable.
Un autre changement, c'est que nous avons à travailler avec de nouveaux partenaires, comme les ONG et les médias. A mon avis, nous ne collaborons pas encore assez avec les parlementaires des différents pays. La réunion, aujourd'hui organisée avant chaque Conférence générale, n'est pas suffisante pour faire passer notre message. L'un de nos objectifs est donc de renforcer notre collaboration avec les Parlements nationaux. Je serais bien entendu très honorée d'inviter les membres de vos deux commissions à visiter le siège de l'institution à Paris, comme vous en avez formulé le souhait, monsieur le député. Ce pourrait être l'occasion d'organiser un débat et de vous convier ensuite à déjeuner. Je suis à votre disposition, messieurs les présidents, pour trouver le moment le plus opportun.
S'agissant du 65è anniversaire de la libération des camps, je viens de participer à une réunion sur le projet Aladin de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Une grande manifestation est organisée chaque année à l'UNESCO en partenariat avec le Mémorial de la Shoah, le CRIF et d'autres associations représentant la communauté juive. J'ai le projet d'une visite à Auschwitz, à laquelle je convierai les ambassadeurs des différentes régions car je crois important que tous les pays du monde se sentent concernés, pas seulement les pays européens ou les pays arabes. Il faut conserver la mémoire des camps et de la Shoah. Nous y travaillons, notamment au travers de programmes éducatifs et de l'élaboration d'outils à l'intention des enseignants pour l'enseignement de la Shoah, comme nous en avons diffusé récemment à la suite d'un colloque qui s'est tenu en Afrique. Nous allons également nous associer à la campagne lancée pour trouver les financements nécessaires à la sauvegarde du site d'Auschwitz-Birkenau, inscrit au patrimoine mondial de l'humanité. Soyez assurés que c'est un sujet auquel je suis particulièrement sensible.
La Méditerranée est un autre sujet très important. En tant qu'ambassadeur de Bulgarie en France, accompagnant le président bulgare, j'ai assisté au sommet de Paris pour la Méditerranée, organisé par les présidents Sarkozy et Moubarak. L'UNESCO a un rôle très important à jouer car ses champs d'intervention – éducation, science, culture – recoupent ceux du futur projet d'Union pour la Méditerranée. Reste à voir comment nous pouvons coopérer efficacement aux divers projets. Notre bureau du Caire a beaucoup travaillé sur des projets communs. Une certaine visibilité politique fait toutefois encore défaut.
Pour ce qui est de nos relations avec les médias, notamment lorsqu'il s'agit de sauvegarde du patrimoine, je ne nie pas qu'il y ait parfois des difficultés et même des débats très animés au sein de l'UNESCO – par exemple dans le cas de la Chine et du Tibet, que vous avez évoqué, monsieur le député –, comme dans toutes les agences des Nations unies d'ailleurs. En tant que directrice générale, il ne m'appartient pas de prendre parti. Mais il est clairement dans le mandat de l'UNESCO de défendre la liberté d'expression. Et sur ce point, je n'hésite jamais à condamner les atteintes qui peuvent y être portées, notamment vis-à-vis des journalistes.