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Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 18 février 2010 à 9h30
Débat sur les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Carcenac :

Monsieur le secrétaire d'État, ce débat m'amène à évoquer les finances départementales.

Dans son rapport sur les finances des collectivités territoriales de juillet 2009 l'Observatoire des finances locales titrait : « Des départements très exposés. » Je me contenterai de ne vous citer que la synthèse du rapport :

« La crise économique a des répercussions particulièrement importantes sur les finances des départements. En effet, la récession peut entraîner une hausse des dépenses sociales, qui représentent la moitié des dépenses des départements. En outre, ceux-ci disposent de recettes vulnérables notamment en ce qui concerne les droits de mutation qui se sont effondrés. En compensation des charges transférées, les départements perçoivent des recettes de fiscalité indirecte. La taxe intérieure sur les produits pétroliers qui, sensible aux volumes de produits consommés et à l'évolution des modes de consommation, bénéficie d'un très faible dynamisme.

« Les dépenses de ces mêmes départements sont croissantes et constituent des charges durables : l'APA, la PCH dont la montée en charge du dispositif est encore en cours. Enfin, la hausse du chômage fait craindre une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA socle.

« En quelques années, sous l'effet croisé de la hausse des charges de fonctionnement et du faible dynamisme des recettes, la capacité d'autofinancement dégagée par les départements est en forte baisse. Les hausses d'impôts ont seulement atténué cette diminution de l'excédent de fonctionnement. »

Monsieur le secrétaire d'État, tous ces éléments étant en votre possession depuis de nombreux mois, quelle est la réponse du Gouvernement à cette situation qui aura des conséquences inévitables sur les habitants et sur les investissements dans nos territoires ?

Aucune réponse tangible pour l'instant, si ce n'est depuis des mois la stigmatisation des dépenses des collectivités territoriales. Par ailleurs, après avoir demandé de dépenser moins vous invitez les collectivités locales à participer plus aux dépenses de l'État – contrats de projets État-régions sur les universités, plans de développement et de modernisation des infrastructures sur les routes nationales, liaisons à grande vitesse, Marylise Lebranchu les a évoquées.

J'aborderai trois sujets : les transferts de charges, la péréquation et la réforme fiscale.

En ce qui concerne les transferts de charges, ce sujet pollue les relations entre l'État et les collectivités locales. En effet, les élus locaux reprochent à l'État de ne cesser de leur transférer de nouvelles charges tandis que le Gouvernement rétorque qu'il y a eu une juste compensation des charges transférées.

Il faudra bien sortir de cette vaine polémique comme le Premier ministre l'a lui-même affirmé dans un entretien accordé au Figaro le 31 janvier dernier : « J'ai été élu local, j'ai moi-même dit que c'était la faute de l'État. Alors aujourd'hui, on ne me la fait pas ! »

Président de la commission consultative de l'évaluation des charges, j'ai pu constater qu'en application de l'article 72-2 de la Constitution, « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Il n'en reste pas moins vrai que les dépenses obligatoires constituent une réalité ! Et qu'en matière de prestations sociales, les recettes transférées ne permettent plus la couverture des dépenses obligatoires.

En ce qui concerne l'APA, le taux de couverture par la commission nationale de solidarité à l'autonomie, est de 28 % alors qu'il devait être de 50 % comme annoncé au moment de la mise en oeuvre de la prestation. Pour le département du Tarn, que je connais bien, le différentiel était de l'ordre de 7 millions d'euros pour 2009. Qu'en est-il du cinquième risque devant permettre le financement de la dépendance, maintes fois annoncé par le Président de la République et à nouveau différé ?

Pour ce qui est des autres transferts, le différentiel entre les recettes et les dépenses s'établit pour ce même département à 9 millions d'euros pour 2009. Je précise que ces montants ont été arrêtés par une commission pluraliste du conseil général.

Le dernier exemple concerne le transfert de l'allocation pour les personnes isolées. Pour la moitié de l'année 2009, la somme notifiée par l'État pour le Tarn était de 1,6 million d'euros alors que la dépense s'établit à 3,1 millions d'euros – il manque donc, là encore, 1,5 million d'euros. Il s'agit bien sûr d'une avance puisqu'il y aura compensation ultérieure… Mais le montant atteindra en 2010 le double de celui de 2009 – il convient de présenter des budgets équilibrés.

Je n'évoque pas la mise en oeuvre des lois de 2007 relatives à la protection des majeurs et de l'enfance qui viennent de défrayer la chronique par manque de financement alors que la loi prévoyait 30 millions d'euros à répartir entre les départements.

Les magistrats de la Cour des comptes ont fait le même constat dans leur rapport rendu public le 29 octobre 2009 : « Les modes de compensation par l'État des transferts de compétences ont été très fluctuants (...). Les collectivités territoriales ont eu le sentiment de perdre la maîtrise de leur équilibre financier, confrontées qu'elles étaient au transfert de charges particulièrement dynamiques et à la part croissante dans leurs ressources des dotations de l'État sur lesquelles elles n'avaient aucune maîtrise. »

Ainsi, le différentiel pour les trois prestations sociales que sont l'APA, la PCH, le RMI au titre de 2008 s'élève à près de 3,8 milliards d'euros selon les éléments que nous avons comptabilisés au sein de l'Association des départements de France.

Pour le Tarn, en 2009, il a fallu dégager près de 17,8 millions d'euros. Je précise que le point de pression fiscale s'élève à 1,3 million d'euros. En dépit de l'augmentation de 6,3 % des impôts locaux – quand la moyenne nationale d'augmentation de la pression fiscale des départements a été de 6,1 % –, il a bien fallu réaliser des économies pour exécuter le budget.

Il conviendrait donc que l'on ait un vrai débat sur ce sujet avec le Gouvernement, la conférence des exécutifs n'ayant en rien amélioré le dialogue, et ce n'est pas en demandant aux collectivités locales de contribuer à la diminution des déficits que l'on améliorera les relations alors que celles-ci sont dans l'obligation de voter des budgets équilibrés.

Pour ce qui concerne la péréquation, l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution précise que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les territoires ». Cette disposition a été ajoutée après l'acte II de la décentralisation. Déjà, MM. François-Poncet et Bellot au Sénat, dans un rapport, en octobre 2003, intitulé : La péréquation interdépartementale : vers une nouvelle égalité territoriale, écrivaient : « Les collectivités sont loin de disposer de moyens équivalents pour mettre en oeuvre les compétences que l'État leur transfère dans le cadre de la décentralisation, d'où le risque que celle-ci accroisse les inégalités de développement entre collectivités, l'argent des unes leur permettant de faire pleinement usage de leurs nouvelles compétences pendant que les autres peinent à les utiliser, impliquant une inégalité entre les territoires. »

La réforme de la DGF en 2005 pour les départements a créé deux dotations de péréquation : la dotation de péréquation urbaine – 560 millions d'euros en 2010 – et la dotation de fonctionnement minimale – 794,3 millions d'euros en 2010 sur 12 milliards d'euros de DGF mis en répartition en 2010. Ces dotations réparties à enveloppe fermée ne règlent aucune disparité puisque les sommes non affectées en dotations de base vont à la péréquation et provoquent des baisses de dotation globale contraires au principe même de péréquation souhaité.

La dotation de base étant la même par habitant, que l'on vive dans les Hauts-de-Seine ou en Lozère – 70 euros par habitant en 2005 pour 74,02 euros en 2010, soit, en cinq ans, une augmentation de 5,7 %. Quand allez-vous appliquer une vraie péréquation ? Je rappelle que jusqu'en 2008 tous les départements bénéficiaient de la péréquation, qu'il s'agisse de la dotation de péréquation urbaine ou de la dotation de fonctionnement minimale. Il a fallu attendre cette date pour sortir du dispositif les départements des Hauts-de-Seine et de Paris, encore ce processus n'est-il pas encore achevé.

Une mission de diagnostic et de proposition sur les finances des départements vient d'être confiée à Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône. J'observe toutefois que de nombreux rapports existent, qu'un mémorandum a été remis par l'Association des départements de France au Premier ministre sur la situation des départements. Il y a urgence à agir, faute de quoi de nombreux budgets des départements vont être soumis à la tutelle des chambres régionales des comptes, étant donné l'incapacité où se trouvent des départements d'assumer les politiques de solidarité votées par le Parlement.

J'en viens, enfin, à la réforme de la fiscalité locale. Laissez-moi dire un mot seulement sur la réforme de la taxe professionnelle. Les simulations disponibles sur le site du ministère des comptes publics le 1er janvier 2010 et l'examen des valeurs locatives 2008 m'ont permis de constater que, sur les huit départements de la région Midi-Pyrénées, tous vont bénéficier, après réforme, du fonds national de garantie individuelle des ressources – y compris la Haute-Garonne, département le plus industrialisé.

Le département des Hauts-de-Seine, quant à lui, serait contributeur à hauteur de près de 200 millions d'euros. La réforme portant les ressources de ce département de 606 millions d'euros à 800 millions d'euros. Vous conviendrez de ce que les clauses de revoyure sont indispensables, sans quoi les inégalités vont aller en s'accroissant, alors que le Sénat vient de rappeler que « le département doit continuer à être identifié comme le lieu des politiques publiques de proximité et être confirmé comme le garant des solidarités sociales et territoriales. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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