Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, nous avons souhaité ce débat, espérant que la sérénité qui règne habituellement sur nos discussions le jeudi favorise des échanges plus vrais que ceux qui ont caractérisé ces derniers mois.
En effet, nous avons d'abord assisté à un déferlement d'annonces souvent contradictoires et qui foulaient aux pieds nombre d'intentions et de conclusions exposées dans le rapport Balladur. Puis nous avons eu droit à des innovations fiscales pour le moins improvisées, nous a-t-il semblé, dans le cadre du projet de loi de finances. Enfin, lorsqu'il s'est agi de répondre à la question qui me paraissait primordiale en matière de décentralisation, celle de savoir qui fait quoi dans notre République décentralisée, la majorité présidentielle a prudemment procédé à des reports.
Pourtant, comment se prononcer de manière constructive sur la fiscalité locale quand on ne peut encore débattre des compétences des collectivités ? Comment discuter des calendriers sans connaître les modes de scrutin ? Et comment aborder les modes de scrutin sans connaître les responsabilités que les élus exerceront ? Ces questions sont graves : elles ne concernent pas les collectivités territoriales en marge de la République, mais bien l'organisation territoriale de la République elle-même, du président jusqu'au maire.
Souvenez-vous, monsieur le secrétaire d'État, des chiffres fournis par votre collègue, M. Devedjian : il nous le répétait lui-même il y a peu, les trois quarts de l'investissement public civil sont réalisés par les collectivités territoriales.
Quelle aubaine, au moment de la crise, de pouvoir couvrir le territoire national de panneaux publicitaires ornés d'un nouveau logo qui vante l'action du Gouvernement contre la crise, menée grâce à l'argent des collectivités territoriales ! Quelle aubaine de pouvoir compter sur le stabilisateur macroéconomique que constitue l'investissement public, lorsque l'investissement privé se dérobe !
Nous savons tous ici, comme au ministère des finances, que les résultats de la France, moins mauvais que ceux d'autres pays, sont liés à l'investissement public et au modèle social qui soutient la consommation – même s'il le fait trop faiblement à nos yeux.
Était-ce trop beau de maintenir un peu d'activité, au plus fort de la crise, dans les territoires ? Était-ce trop keynésien pour votre gouvernement et votre majorité, qui, en dépit de leurs discours, restent profondément néo-libéraux ? Vous sous-estimez, à l'évidence, les répercussions macroéconomiques d'une telle fragilisation sur notre pays. Mais vous devrez en répondre.
Grâce à la décentralisation, l'État aura réussi à améliorer considérablement les services publics, pour un coût politique nul. La déconcentration du prélèvement public national aura permis de répartir la responsabilité de la pression fiscale entre plusieurs milliers d'autorités locales, afin d'éviter que le mécontentement ne se concentre au niveau national. « Bien joué ! », dirais-je si la situation n'était pas trop grave pour qu'on en sourie.