Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, mes chers collègues, avocate inlassable de la cause des femmes et militante de la construction européenne, Gisèle Halimi se saisit en 1979 de la première élection du Parlement européen au suffrage universel pour marier ses deux combats et présenter l'objectif d'une Europe où toutes les citoyennes disposeraient des mêmes droits. Le principe en est à la fois simple et ambitieux : il s'agit d'identifier parmi les dispositions législatives des États membres celles qui sont les plus protectrices pour les femmes, et de proposer que celles-ci s'étendent à l'ensemble des Européennes. C'est ce qu'elle nomme la « clause de l'Européenne la plus favorisée ».
La proposition de résolution déposée par le groupe socialiste, radical et citoyens et que j'ai l'honneur de rapporter est directement inspirée de ces travaux, aujourd'hui portés par l'association « Choisir la cause des femmes » que Gisèle Halimi a fondée avec Simone de Beauvoir en 1971.
La persistance des inégalités entre les femmes et les hommes en matière de situation économique et sociale, d'exposition aux violences, de participation à la vie publique, de liberté de choix dans leurs vie sexuelle et familiale est un constat qui s'impose à tous. Trente ans après, la nécessité de bâtir une Europe plus protectrice pour les femmes reste donc malheureusement d'actualité.
Mais nous avons également la conviction de vivre un moment où l'évolution institutionnelle et politique de l'Europe, et l'évolution des mentalités créent aujourd'hui – enfin ! – les conditions pour que cet objectif devienne réalité.
Il faut le rappeler, c'est à partir d'une simple disposition du traité de Rome sur les rémunérations que l'égalité entre les hommes et les femmes s'est peu à peu imposée comme un principe fondateur de l'Europe, réaffirmé dans les traités, dans quatorze directives et dans la jurisprudence de la Cour de justice. Sans entrer dans les détails techniques, le traité de Lisbonne permet – pour peu que l'on s'en serve – de poursuivre l'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes dans l'ensemble des politiques de l'Union, impulsant une nouvelle dynamique qui dépasse le champ traditionnel de l'emploi où l'Europe à beaucoup oeuvré pour l'égalité, mais qu'elle a rarement dépassé.
C'est forts de cette évolution que le Royaume d'Espagne et le gouvernement de José Luis Zapatero ont souhaité inscrire l'égalité entre les femmes et les hommes parmi les priorités de la présidence espagnole de l'Union européenne. Cela se matérialisera notamment par la tenue d'un conseil des ministres dédié à cette priorité, les 25 et 26 mars prochains à Valence.
Cette proposition de résolution invite la France à se saisir de cette opportunité qui nous est offerte de faire progresser la cause des femmes. Sur le fond, les conditions semblent donc réunies pour que notre assemblée puisse la voter. C'est pourquoi je veux expliquer ici une nouvelle fois ce qu'elle implique concrètement afin de lever les dernières objections quant à sa forme, dont certaines me semblent relever de peurs injustifiées, pour ne pas dire irrationnelles.
Outre le soutien affiché à l'initiative du Royaume d'Espagne, nous invitons – c'est vrai – le gouvernement français à agir, une invitation qui ne saurait en aucun cas « lier les mains » de l'exécutif. Ce serait juridiquement contraire à l'article 34-1 de la Constitution si tel était le cas. Nous nous situons pleinement dans l'esprit du droit de résolution que la réforme constitutionnelle de 2008 a accordé au Parlement, et qui consiste précisément à exprimer des souhaits et à soutenir des orientations.
La constitution d'un « bouquet législatif » restera donc bien un choix politique non seulement au niveau européen, mais aussi au niveau Français. Le parlement français ne saurait en effet se considérer comme une simple chambre d'enregistrement et de transcription des directives européennes. Les droits des femmes dépassent de loin les seules compétences de l'Union, et les politiques nationales doivent poursuivre le même objectif d'égalité.
Des réserves de calendrier ont été émises, au motif notamment qu'une initiative intergouvernementale entre quatre pays serait en cours de négociation. Sur ce point, j'avoue avoir du mal à comprendre la préférence de notre assemblée pour une démarche qui parviendrait aux mêmes résultats que celle que nous proposons, mais sans associer la représentation nationale aux discussions.
La proposition de loi de M. Copé et de Mme Zimmermann sur les conseils d'administration comme la proposition de loi de Mme Bousquet et de M. Geoffroy sur les violences de genre sont autant d'illustrations de la légitimité de notre assemblée à intervenir sur les droits des femmes. Ces deux cas illustrent par ailleurs la pertinence de la démarche proposée par cette résolution, puisque Mme Zimmermann revendique le fait de s'inspirer de législations européennes plus avancées que les nôtres et que la commission spéciale sur les violences faites aux femmes anticipe aujourd'hui les directives qui seront proposées par l'Espagne sur la base de sa propre législation.
Nous devons donc être très attentifs à cette résolution. Servons-nous en au niveau européen où nous souhaitons que la France défende le principe d'une harmonisation sur les bases de l'égalité la plus élevée et des mesures existantes les plus protectrices, c'est-à-dire sur les principes de « la clause de l'Européenne la plus favorisée ». Une adhésion aux principes ne vaut pas une adhésion mécanique à l'ensemble des mesures soutenues par l'association Choisir comme, par exemple, l'extension à dix-huit semaines du délai légal pour recourir à une IVG, exemple qui a été donné en commission des affaires européennes. Nous estimons au contraire qu'il revient au politique, et singulièrement au Parlement européen et aux parlements nationaux dont le rôle est extrêmement important, de se saisir des mesures existant en Europe, de débattre de leurs avantages et défauts comparés, et d'assumer un choix dicté par ce qu'il considère être l'intérêt des femmes.
Alors que d'autres ont mis en avant le peu d'enthousiasme supposé de nos partenaires, je veux conclure en rappelant l'important vote auquel a procédé, il y a quelques jours, le Parlement européen sur le rapport de notre collègue belge Marc Tarabella relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est un vote inattendu et qui va bien au-delà des espérances puisque ce rapport reconnaît, pour la première fois en vingt-huit ans, le droit des Européennes à avorter. C'est donc une grande victoire qui a été remportée au niveau européen.
Oui, mes chers collègues, les mentalités changent et il nous apparaît extrêmement opportun de nous saisir de cette période favorable pour défendre nos valeurs, pour continuer notre combat pour l'égalité des droits des hommes et des femmes. Je vous invite à réfléchir à la dégradation de notre image auprès de nos partenaires, et singulièrement à la dégradation de la crédibilité de la France au cours de la présidence espagnole – je rappelle qu'un conseil des ministres doit se tenir fin mars à Valence – si nous remettions en cause l'adoption de cette proposition de résolution par la commission des lois. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter également cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)