Cette proposition de loi m'interroge pour trois raisons au moins.
Le premier motif de mon trouble vient du fait que les états généraux pris pour modèle n'ont, paradoxalement, pas créé de débats et donc de démocratie autour des sujets dont il est jugé essentiel que notre démocratie se saisisse. Les états généraux de la bioéthique, dont j'ai regardé le film de certains débats, paraissent avoir moins été un lieu de débat que le prétexte à ce que des citoyens avisés posent des questions à des experts, sans qu'il y ait une véritable délibération collective mettant en jeu des convictions différentes et dont serait sortie une opinion réellement citoyenne. Ces états généraux n'ont pas permis non plus de présenter des expériences différentes de celle de notre pays en invitant des personnalités étrangères qualifiées – scientifiques, politiques ou citoyennes – ayant eu la responsabilité concrète de faire adopter et de faire vivre des législations nouvelles. Lors de ces états généraux, il n'y a pas eu, non plus, de témoignages de femmes ou d'hommes ayant fait des choix personnels – heureux ou douloureux – mettant en jeu les règles existantes. En matière de bioéthique, et je peux personnellement en témoigner, au-delà de l'accompagnement médical souvent pluriel, toujours utile, mais parfois contradictoire, la décision la plus importante revient à ceux qui vont vivre avec elle toute leur vie. À ce titre, ils méritent d'être écoutés et entendus. Malheureusement, rien de cela ne s'est produit lors de ces fameux états généraux : ils ont débouché sur un rapport constatant l'accord du public sollicité avec les orientations portées par le Gouvernement et déjà expertisées par un Conseil d'État convaincu, essentiellement pour des considérations psychologiques, qu'il ne faut toucher à rien.
Mon deuxième étonnement vient de ce que cette proposition arrive en discussion alors même que, jeudi dernier, nous avons donné l'exemple de ce que nous ne devrions pas faire quand nous abordons des sujets de société de cette nature. Ainsi, dans la LOPPSI, une disposition visant à limiter strictement l'identification génétique hors cadre légal a renforcé les sanctions pénales applicables aux personnes qui recherchent l'identification d'un ascendant, descendant ou collatéral par ses empreintes génétiques sans que celui-ci ait donné son accord. Ce sont environs 20 000 citoyens français qui, chaque année, ont recours à l'illégalité du « tourisme génétique », pour faire pratiquer de tels tests, interdits en France, mais autorisés dans plusieurs pays voisins. Je l'ai dit en séance jeudi, cette quête de la vérité biologique, qui risque d'engendrer autant de troubles émotionnels qu'elle est censée en guérir, ne doit pas être traitée seulement comme un comportement délinquant, irréfléchi, mais doit faire l'objet de réponses d'information et d'accompagnement.