Nous le constatons tous aujourd'hui, nos concitoyens demandent de plus en plus à participer activement à certains débats, en particulier ceux relatifs à des sujets de société.
Les parlementaires ressentent donc désormais de manière impérieuse la nécessité d'associer à leurs débats, au-delà des acteurs institutionnels et des experts, tous ceux qui s'intéressent à ces questions. C'est pourquoi, il y a quelques semaines, la mission d'information sur la révision des lois bioéthiques a conclu qu'il était nécessaire de solliciter de manière systématique des états généraux, ou des dispositifs équivalents, pour débattre de tels sujets.
Notre Parlement a déjà voté une règle de cette nature puisque, désormais, le premier article du code du travail prévoit que la discussion de dispositions modifiant le droit social doit être précédée d'une « concertation préalable » avec les partenaires sociaux. Une mécanique de consultation similaire sera donc mise en oeuvre pour ce qui concerne les problèmes éthiques et les questions de société : c'est une bonne nouvelle.
La complexité des questions à traiter nécessite de prendre des avis de la façon la plus large possible, d'autant que la culture scientifique, par exemple en matière de bioéthique, est loin d'être largement partagée. Par ailleurs, comme le soulignait Jean-Sébastien Vialatte, les techniques scientifiques heurtent de front certaines des notions fondamentales sur lesquelles notre droit est assis. J'ajoute que des ambiguïtés sémantiques rendent nécessaires des échanges et des débats pour préciser le champ dans lequel nous intervenons – nous l'avons constaté lors des travaux de la mission d'information sur la révision des lois bioéthiques.
Monsieur le rapporteur, cette proposition de loi ne règle pas une question qui m'est chère : comment la norme doit-elle s'élaborer ? Il est vrai que la réponse n'est pas du ressort du Parlement. J'ai cru comprendre, madame la secrétaire d'État, qu'un philosophe siégeait à vos côtés : il me comprendra sans doute. En effet ce texte donnera une place plus importante à l'éthique procédurale, chère aux philosophes allemands de l'école de Francfort, versus une éthique plus normée, d'inspiration plus grecque, fondée sur une conception permanente du vrai, du juste et du bien.
Sans doute cette proposition de loi est-elle une rançon à payer à la modernité, mais nous sommes désormais dans l'obligation de consulter largement la population sur des sujets éthiques ou de société. Nous devons élaborer une norme juridique à mi-chemin entre, d'une part, une norme sèche, ringardisée et présentée comme vieillie – avec une très grande exagération – et, d'autre part, un impératif de pragmatisme absolu qui ne règle rien. C'est cette situation intermédiaire, ce mi-chemin, qu'il s'agit de trouver en consultant les citoyens.
Ainsi, cette proposition de loi poursuit trois objectifs qui la rendent très sympathique à mes yeux.
Premièrement, elle vise à réhabiliter le temps. Une maturation est absolument nécessaire pour traiter les questions en jeu. Nous avons bien constaté au cours de cette législature – mais c'était vrai lors des précédentes et, en la matière, on peut parler de permanence institutionnelle – qu'il n'était pas nécessairement de bonne méthode de traiter de sujets graves dans un laps de temps court.
Deuxièmement, ce texte contribue à replacer l'autorité politique au centre du dispositif. Je salue à ce titre les amendements déposés par nos collègues Claude Birraux et Jean-Sébastien Vialatte, qui visent à renforcer la place de l'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques. Néanmoins, il doit être clair qu'en tout état de cause, comme cela est le cas en matière de droit social, le dernier mot revient au Parlement lorsqu'il s'agit d'élaborer la loi. Il ne peut évidemment en être autrement.
Troisièmement, cette proposition de loi rappelle l'exigence formelle du respect dû aux citoyens. À lire les comptes rendus des états généraux et les commentaires des cabinets de conseil qui ont analysé le contenu des dépositions sur les sites internet, on se rend compte, cher collègue Dussopt, que nos concitoyens, quand ils sont formés honnêtement par des experts nommés dans un souci de pluralisme et d'équilibre, sont en mesure de comprendre ces sujets aussi bien que n'importe qui. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise, mais c'est une bonne nouvelle.
Je terminerai mon propos en évoquant quatre écueils à éviter, si décret il y a ou, à défaut, dans l'apprentissage que nous ferons de ce dispositif.