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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 16 février 2010 à 9h30
Organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la démarche qui préside à cette proposition de loi de notre collègue Jean Leonetti est excellente : il s'agit d'associer nos concitoyens à toutes les décisions éthiques, qui les concernent effectivement au premier chef. Fondée sur l'expérience des états généraux de la bioéthique, cette démarche a été préconisée par la mission d'information.

Les nombreuses découvertes scientifiques entraînent un renouvellement des connaissances, puis des conséquences sur notre environnement et notre société, que nous espérons bénéfiques, mais qui peuvent soulever des inquiétudes légitimes, d'autant que le principe de précaution inscrit dans la Constitution pourrait conduire à refuser tout progrès qui n'aurait pas prouvé son innocuité.

Les débats sont trop souvent le domaine réservé d'experts dont les opinions tranchées, et parfois contradictoires, sont relayées par des médias qui se contentent quelquefois de mettre en avant les positions les plus polémiques. Or les experts peuvent être soupçonnés de ne pas être objectifs : ils sont impliqués dans la découverte ou dans ses applications ; ils peuvent également nourrir des préjugés. Souvenons-nous de ce savant célèbre qui affirmait que les hommes ne survivraient pas à la vitesse d'un train dans un tunnel : dès lors, à qui se fier ?

En outre, comment faire accepter le principe du ratio entre bénéfice et risque, essentiel à tout traitement médical, mais qui peut également s'appliquer à l'atome, aux OGM, aux antennes relais aux nanotechnologies, ou aux déchets, pour ne citer que quelques exemples ?

L'idée de faire participer nos concitoyens à des débats afin d'aboutir à des conclusions et à des résolutions est donc excellente. Pour autant, ces conclusions et ces résolutions seront-elles acceptées par tous ?

En matière d'éthique, l'autorégulation a longtemps été la règle. Dans les projets de recherche médicale, les questions éthiques étaient soumises à l'avis du comité d'éthique de l'INSERM. Puis les pouvoirs publics sont intervenus en créant, en 1983, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, dont la mission est consultative. La procédure du débat public a été instaurée en 1995 pour mieux protéger l'environnement.

Le lancement des états généraux de la bioéthique, en 2008, a constitué une évolution importante : il a permis d'organiser un vaste débat national fondé sur des forums citoyens constitués de panels représentatifs.

La nécessité du débat public sur les questions éthiques a été consacrée par deux traités internationaux : la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, dans son article 28, et la déclaration universelle des Nations unies sur la bioéthique et les droits de l'homme, dans son article 18.

Plusieurs pays nous ont montré le chemin en organisant des procédures consultatives : l'Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni, le Danemark surtout, fort de sa tradition de conférences de consensus.

L'intention est excellente. Cependant, la mise en oeuvre n'est pas simple.

Plusieurs questions se posent : comment les citoyens seront-ils choisis ? Comment seront-ils formés ? Comment faire accepter les préconisations par l'ensemble de nos concitoyens ? Comment les élus intégreront-ils ces préconisations dans la loi ?

Il est indispensable que le panel de citoyens représente au mieux l'ensemble de la nation. La sélection pourrait se faire par tirage au sort comme pour un jury d'assises, mais le sort n'assure pas une juste représentativité. Doit-on alors confier à un institut spécialisé le soin de composer un panel réellement représentatif ?

Ces citoyens n'ont pas les connaissances permettant un jugement objectif. Ils doivent être formés ou du moins informés – pour les états généraux de la bioéthique, la formation durait 48 heures, me semble-t-il. Qui les informera ? Des experts sans doute. Mais comment ceux-ci seront-ils choisis ? Comment sera assurée leur objectivité ? On voit bien les difficultés qui se rencontrent aujourd'hui s'agissant des OGM, des antennes relais, voire du climat. Comment ensuite – et c'est sans doute le plus compliqué – faire accepter par l'ensemble du pays les conclusions et préconisations ? Lorsqu'une minorité est persuadée d'avoir raison, parfois contre toute évidence scientifique démontrée, peut-elle changer d'avis ?

Si cette démarche est souhaitable, est-on sûr qu'elle aboutira à un consensus général et qu'elle évitera la polémique ? Il est permis d'en douter lorsque l'on constate que certains refusent même de débattre sur les nanotechnologies.

La dernière question évoquée par le rapporteur est celle de l'évolution de la démocratie représentative. L'autogestion est peut-être idéale, dans son principe, mais elle demeure irréalisable. C'est pourquoi le peuple élit des représentants qui légifèrent en son nom, en tenant compte en principe de l'intérêt général, après avoir recueilli l'avis d'experts. Ce principe n'est pas mis à mal par ce texte car, en dernier ressort, ce seront toujours les élus qui légiféreront en prenant en compte les recommandations du débat public.

Par conséquent, le Nouveau Centre votera cette proposition de loi qui constitue un progrès indiscutable et attendu, pour lequel je remercie le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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