Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, en organisant les états généraux de la bioéthique, le Gouvernement a initié un mouvement qui doit se prolonger. L'élargissement du débat bioéthique au-delà du cercle étroit des spécialistes était le principe directeur de ces états généraux.
Il s'agissait, comme l'a indiqué la ministre de la santé, de « promouvoir la réflexion instruite et éclairée du plus grand nombre sur des questions qui engagent notre avenir commun ». Il s'agissait de s'accorder sur les valeurs communes que le droit a vocation à traduire dans le domaine de la bioéthique. Il s'agissait d'éprouver la capacité de ces valeurs à être partagées et collectivement reconnues, quels que soient les particularités et les intérêts de chacun.
Vous avez salué, cher Jean Leonetti, la réussite de cet événement inédit, qui a permis de faire prévaloir la pratique de l'argumentation dans le respect du pluralisme démocratique. Vous appelez en outre de vos voeux la pérennisation d'une forme de débat qui permet d'éclairer les décideurs publics sur le fondement de leurs choix. En effet, avant de porter sur les moyens et de supposer une compétence technique particulière, le débat bioéthique est un débat sur les finalités, qui implique une réflexion partagée.
Par votre proposition de loi, vous voulez favoriser l'appropriation des questions bioéthiques par le citoyen. Je juge cette démarche pertinente. Elle s'inscrit dans la continuité de la réflexion globale engagée sur les modalités d'une veille éthique renforcée. Elle s'accorde avec les choix qui guideront le futur projet de loi gouvernemental.
Le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé est déjà investi d'une mission d'information et de documentation à destination d'un public élargi. Il se trouve également chargé d'organiser des rencontres régionales avec le concours des espaces de réflexion éthique régionaux ou interrégionaux. Il est donc logique de vouloir confier à cette institution l'initiative d'organiser un débat public sur des questions qui relèvent de son champ de réflexion spécifique et qui sont l'affaire de tous. Conférer aujourd'hui au CCNE cette nouvelle mission, c'est reconnaître l'utilité particulière d'un comité qui ne saurait servir la République qu'en demeurant proche du citoyen.
Cette proposition de loi rappelle donc, à juste titre, la fonction pédagogique, aussi bien que consultative, de cette institution indépendante. Pour organiser un débat public sous la forme de conférences de citoyens, le CCNE pourra s'appuyer sur l'activité des espaces de réflexion éthiques dont un décret doit tout prochainement officialiser l'institution. La collaboration entre le Comité national d'éthique et les espaces de réflexion éthique régionaux et inter régionaux s'annonce fructueuse : la vitalité de ces échanges devrait favoriser un enrichissement réciproque.
L'élargissement de la réflexion sur des questions qui engagent notre responsabilité collective vis-à-vis des générations futures est un impératif démocratique. En effet, on ne peut laisser à quelques-uns le loisir de penser et accorder à tous les autres le seul privilège de pouvoir un jour être sondés. L'éthique n'est pas l'objet d'une délibération en vase clos. En ce sens, cette proposition de loi souligne l'autorité d'une instance qui tire une partie de son prestige de sa fonction d'entraînement.
Les valeurs et les principes qu'une communauté reconnaît comme siens ne se décrètent pas. Ils valent d'abord par l'assentiment collectif qu'ils suscitent : un assentiment réfléchi né de l'échange. Faire vivre ce débat public est le seul moyen de donner à la République son assise.
C'est pourquoi, cher Jean Leonetti, votre proposition de loi constitue avant tout une initiative républicaine dont je veux saluer la portée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)