Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 11 février 2009, la proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie débutait son parcours législatif par son examen en commission. Je regrette que la navette parlementaire prenne si longtemps quand nous travaillons sur des textes consensuels. Un délai d'un an avant cette deuxième lecture me paraît exagéré, surtout si l'on prend en considération les nombreux projets de loi qui ont été adoptés en urgence dans le même temps.
Je ne pousserai pas plus loin la polémique, le Gouvernement ayant su faire preuve de bonne volonté en levant le gage présent à l'article 5 du texte dans sa rédaction initiale. Cette levée de gage a d'ailleurs étonné à juste titre nos collègues sénateurs, qui se sont révélés, pour l'occasion, de meilleurs spécialistes que nous de l'article 40. Le rapport de M. Gilbert Barbier rappelle en effet que les gages sont censés être acceptés uniquement pour les diminutions de recettes publiques. Il n'aura échappé à personne que nous faisons aujourd'hui face à la création d'une charge publique...
Entendons-nous bien : je me félicite de cette application tolérante de l'article 40. Mais j'espère qu'elle se répétera à l'avenir, tant l'initiative parlementaire peut être parfois bridée par cette règle constitutionnelle.
Article 40 ou pas, l'unanimité a en tout cas prévalu dans la rédaction de cette proposition de loi. Il convient de féliciter MM. Leonetti, Jardé, Vaxès et Gorce pour leur initiative, qui a su dépasser les clivages habituels entre les groupes politiques. Je tiens d'ailleurs à excuser Gaëtan Gorce, qui tentera de nous rejoindre tout à l'heure mais qui ne pouvait être là en début de séance.
Travaillé et voté par tous les groupes à l'Assemblée nationale, ce texte a reçu les mêmes égards lors de son examen par la chambre haute. L'élargissement de son champ d'application aux personnes de confiance – nous l'avions demandé ici même –, l'intégration au dispositif des allocataires de l'assurance chômage et la possibilité, que nous avions également demandée, de fractionner cette nouvelle allocation démontrent que le texte a connu des améliorations substantielles.
Ces qualités ne doivent pas masquer les difficultés relatives à la fin de vie, qui, pour beaucoup, restent devant nous. De nombreux intervenants ont, dans les deux chambres, rappelé que l'allocation journalière d'accompagnement des personnes en fin de vie ne concernait que les accompagnés à domicile. Mme Bachelot nous avait répondu – et a fait la même réponse au Sénat – qu'inclure les personnes hospitalisées irait contre l'objectif initial, à savoir réduire le nombre de personnes qui restent à l'hôpital par manque de possibilité d'accompagnement à domicile. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il est préférable de mourir entouré de ses proches, dans un environnement familier. Mais la situation de l'hospitalisation à domicile et celle des soins palliatifs délivrés à domicile le permettent-elles en France aujourd'hui ?
Si les données disponibles dans le rapport de février 2009 sur l'état des lieux du dispositif de soins palliatifs au niveau national laisse à penser que l'offre d'hospitalisation à domicile se développe, il convient de rappeler que ce même rapport est beaucoup plus critique en ce qui concerne les données disponibles pour l'activité de ville, libérale ou organisée dans le cadre des services de soins à domicile.
Cependant, et je ne pense pas être la seule dans cet hémicycle, c'est moins la volonté de favoriser le domicile qui m'anime que l'espoir de ne laisser personne – personne – mourir dans l'isolement. Cela a été dit, 75 % des malades décèdent aujourd'hui à l'hôpital. Pour une personne débutant son parcours de fin de vie au domicile avant son transfert à l'hôpital, l'accompagnant pourra certes bénéficier de cette nouvelle allocation. Mais vous limitez encore trop le champ des bénéficiaires. Un récent rapport de l'IGAS a opportunément posé la question des rapports entre la mort et l'hôpital, question que semble éviter en partie cette proposition de loi. Les auteurs de ce rapport ont constaté que « la prise en charge de la mort ne fait pas partie des missions reconnues à l'hôpital ». Ils recommandent d'inscrire dans les missions de l'hôpital le devoir de « garantir aux personnes qui y décéderont, une mort respectueuse de leur dignité ». Ils rappellent que « le développement de l'hospitalisation à domicile et des réseaux de soins palliatifs constitue un préalable » pour mieux organiser le retour à domicile des personnes en fin de vie.
Un autre problème important est lié à la durée de versement de l'allocation. Bien sûr, il ne s'agit pas d'étendre le paiement de cette allocation ad vitam æternam. Mais ces questions de délais soulèvent quelques problèmes. Va-t-on traiter différemment l'accompagnant d'une personne hospitalisée dès le début du parcours de fin de vie et l'accompagnant d'une personne hospitalisée après la demande d'allocation ?
Quant à la fin du versement de l'allocation, si, là encore, il n'est pas question d'allonger indéfiniment sa durée, je m'interroge sur les conséquences de son arrêt brutal le jour du décès. Les membres de la famille du malade pourront bénéficier d'un congé familial d'un jour ou deux. Mais qu'en sera-t-il pour les personnes de confiance ? Il y a là un vrai problème.
Ensuite, la question de la fin de vie ne saurait être abordée sans référence aux soins palliatifs. Les avancées ont été nombreuses en ce qui concerne l'organisation ou la mise en oeuvre des pratiques professionnelles dans ce domaine. Néanmoins, l'offre en soins palliatifs sur notre territoire a toujours besoin d'être développée. Le rapport de Manuel Valls sur la proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité rappelle que s'il existe plus de 100 réseaux de soins palliatifs en France, plus de quarante départements n'en comptent aucun. Oui, quarante départements n'en comptent aucun ! Je vous serais d'autant plus reconnaissante, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir nous donner des informations sur cette question que la lecture du dernier rapport au Parlement sur la mise en oeuvre des franchises médicales ne nous a pas totalement convaincus.
En effet, on y apprend que « les dépenses en soins palliatifs, exclusion faite des dépenses au titre des affections longue durée n° 15 [Alzheimer] et n° 30 [cancer], peuvent donc être estimées à 200 millions d'euros en 2007 et 196 millions d'euros en 2008 ».
J'ai bien entendu ce que vous avez dit sur le décret, monsieur Leonetti. Je l'ai lu. Je continue à penser, très franchement, que les citoyens auraient préféré comme moi que notre assemblée adopte la proposition de loi de Manuel Valls, même si le décret semble aller dans le même sens.
S'agissant, enfin, du rapport annuel remis au Parlement sur le versement de l'allocation, je tiens à rappeler qu'il me semblerait opportun de pouvoir en disposer avant le début de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mon groupe, je le rappelle, n'a déposé aucun amendement, afin que ce texte soit voté conforme et que sa promulgation puisse être accélérée. Car étant donné que son examen a débuté il y a maintenant un an jour pour jour, nous avons pensé qu'il fallait aller vite aujourd'hui.
Vous l'aurez compris, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche demeure favorable à cette proposition de loi, même s'il regrette les limites que j'ai évoquées. Cent-onze ans jour pour jour après la mort de Félix Faure, tous nos concitoyens ne connaissent certes pas la chance de mourir d'épectase. (Sourires.) Restons positifs et félicitons-nous que la loi augmente leurs chances de mourir accompagnés ! (Applaudissements.)