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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 16 février 2010 à 9h30
Allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a un peu plus d'un an, nous votions à l'unanimité un dispositif d'allocation pour les personnes accompagnant les personnes en fin de vie. Le rapporteur l'a rappelé, cette proposition émanait de députés provenant de tous les bancs, qu'il s'agisse de Michel Vaxès, Gaëtan Gorce, Olivier Jardé, ou moi-même, qui avions, à la demande du Premier ministre, participé à une mission d'évaluation de la loi de 2005 sur l'accompagnement des personnes en fin de vie et sur les droits des malades.

L'unanimité des personnes accompagnantes, des associations, des personnels concernés par les soins palliatifs nous ont réaffirmé la nécessité de mettre en place cette allocation. Toutes les propositions de la mission ont été acceptées par le Premier ministre et par vous-même, madame la secrétaire d'État. Aussi, j'espère que la présente lecture sera définitive et que nous voterons le texte tel quel, après que le Sénat l'a enrichi, ainsi que M. le rapporteur l'a rappelé, de façon à rendre le dispositif encore plus souple, plus juste et plus efficace. Reste que je m'accorde avec M. Perrut pour considérer qu'il ne s'agit que d'une étape d'un processus évolutif et plus large.

L'objectif du présent dispositif est relativement simple. Il suffit de cesser de travailler, d'accompagner une personne en fin de vie et de partager son domicile.

La fin de vie est une question majeure dans une société de la vitesse, de la jeunesse, de la performance, de la rentabilité et au sein de laquelle la vulnérabilité est souvent oubliée et la mort, sinon niée, du moins escamotée, masquée, surmédicalisée.

En un an – longue année à notre goût – le Gouvernement a pu mettre en place certains dispositifs phare, inspirés des travaux de la mission parlementaire que j'avais eu l'honneur de mener, en compagnie de Gaëtan Gorce, Michel Vaxès et Olivier Jardé.

Nous avions demandé la création d'un observatoire de la fin de vie, des pratiques de la fin de vie, observatoire dont la réalité nous montre qu'il est indispensable. Il montrera avec clarté, au-delà de toutes les polémiques, de toute dramatisation médiatique, comment se déroule la fin de vie dans notre société. Il permettra une évaluation nécessaire de la loi que nous allons voter afin de savoir si le dispositif peut et doit être étendu. Enfin, il remplira une fonction d'information – il est apparu à la mission que la loi était mal connue et donc mal appliquée. Aussi pouvons-nous nous réjouir de la publication prochaine du décret de création de cet observatoire, réclamé par l'ensemble des associations quelle que soit leur conviction sur le droit à mourir dans la dignité.

J'évoquerai à présent, en particulier à l'adresse de nos collègues de l'opposition, le décret du 29 janvier 2010 relatif aux conditions de mise en oeuvre des décisions de limitation ou d'arrêt de traitement de survie. Nous sommes revenus, au cours de la première lecture, sur l'affaire Pierrat. Un pompier a ranimé son fils qui a survécu dans un état végétatif se dégradant peu à peu ; il a obtenu l'arrêt des traitements et a été malheureusement abandonné médicalement, dans des souffrances douloureusement ressenties par la famille.

Le décret du 29 janvier 2010, dont le projet a été examiné par le conseil de l'Ordre et par le Conseil d'État avant d'être signé, dispose que l'entourage et la personne de confiance peuvent déclencher la procédure d'examen du caractère déraisonnable ou non des traitements entrepris. Jusqu'à présent, seul le corps médical pouvait prendre cette initiative.

Ensuite, dès lors que le malade, compte tenu des lésions cérébrales qui l'affectent, ne peut s'exprimer et que l'on ne peut donc évaluer le degré de sa souffrance, le décret impose la mise en place de traitements sédatifs et antalgiques permettant donc de garantir à cette vie finissante de ne pas être douloureuse – rappelons-nous combien nous avons pu penser que les nouveaux nés ou que les personnes âgées en fin de vie ne souffraient pas, alors que la souffrance ressentie pouvait être objectivement décelée grâce à des examens radiologiques ou biologiques. On peut donc garantir à la famille que l'arrêt des traitements n'est pas un arrêt des soins. Nous restons ainsi dans l'optique de la loi d'avril 2005 de non-abandon et de non-souffrance.

Enfin, loin d'être anecdotique, la création de postes de professeurs associés et de chefs de clinique dans le domaine des soins palliatifs montre bien la reconnaissance d'une médecine qui accompagne, soulage, console, à côté d'une médecine qui sauve, guérit et triomphe.

C'est donc un véritable programme d'action tourné vers une meilleure pratique médicale, une plus grande éthique du soin et une formation spécialisée en faveur des patients en fin de vie, qui est désormais engagé. Cette politique va de pair avec le programme de développement des soins palliatifs que vous avez engagé, madame la secrétaire d'État, pour la période 2008-2012.

Le texte que nous allons voter – j'espère à l'unanimité – reste une étape qui s'inscrit indubitablement dans un contexte plus large. Il reconnaît le rôle des « aidants » et des « aimants », admet que la fin de vie, tout comme la vulnérabilité, ne se réduit pas à une question médicale, mais qu'elle concerne la société tout entière. Rien ne serait pire que de considérer que le développement des soins palliatifs mettrait la mort hors du champ familial, familier et citoyen. La mort concerne l'ensemble de la cité, fait partie de la vie, l'éclaire, lui donne sens.

Au-delà de l'indemnité financière envisagée, la prise en charge des plus vulnérables est ici considérée comme une reconnaissance de l'accompagnement de la vie finissante.

Elle pose aussi, de manière irréversible, la valeur du temps passé aux côtés d'une personne en fin de vie. Et elle dit, par la même occasion, l'importance de cette fin de vie, de ce « temps du mourant ». En fait, ce terme est inadapté, car le participe présent du verbe mourir ne doit pas nous faire oublier que ce mourant est un vivant, que cette période de la vie doit être privilégiée, parce qu'elle plus courte, mais qu'elle peut être en même temps plus intense et plus lumineuse. Elle peut apporter à la fois à ceux qui aident et à celui qui part une sérénité, celle que nous leur devons.

Aujourd'hui, nous exprimons notre attachement aux valeurs humanistes, aux valeurs de la République, au lien social indispensable entre le fort et le faible, entre le sachant et le souffrant, entre ceux qui, comme on ne peut regarder le soleil fixement, sont dans l'impossibilité de regarder la marque de notre finitude autrement que de façon subreptice, et ceux qui acceptent de la regarder, avec le sens que cela peut donner à une existence. (Applaudissements.)

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