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Intervention de Michèle Delaunay

Réunion du 12 février 2009 à 21h30
Réforme de l'hôpital — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Je souhaite centrer mon intervention sur ce que j'appellerai, si vous me permettez l'expression, les « rapports adultères » entre projet médical et contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Je considère que seuls les rapports d'un établissement de santé avec le projet médical sont légitimes. Ce texte provoque en effet une sorte de gêne puisque c'est le rapport adultère qui a la part la plus importante, un article entier lui étant réservé, ce qui est loin d'être le cas pour le projet médical, lequel n'est évoqué qu'allusivement ou pour mentionner ceux qui n'auront même plus à le rédiger.

Nous avons certes, a priori, envie de souscrire à l'idée de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens puisque nous sommes comptables de l'argent public. Toutefois, ainsi que l'a excellemment montré Jean-Marie Le Guen, nous ne pouvons absolument pas prévoir les tarifs de demain. De la même manière, nous avons de grandes difficultés à prévoir ce que seront les patients et les pathologies.

Permettez-moi de rappeler ce qui est arrivé en 1981 : trois lignes dans un journal médical new-yorkais sur ce qui, en quelques mois, deviendrait le SIDA. Cela n'aurait pu entrer dans aucun contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Je pense malheureusement, à l'instar de Jean-Marie Le Guen, que de nombreuses maladies comportementales que nous n'avons pas su prévoir et dont nous ne savons pas toujours bien planifier le traitement, manquent à ce projet, comme toutes les formes de troubles du comportement, de violence et de souffrance psychique, qui vont nous exploser à la figure et défier tous les contrats possibles.

L'évolution des techniques n'a pas été évoquée, qu'il s'agisse des techniques instrumentales ou des modes de traitement. L'ardeur des équipes médicales en pointe pour tenter d'identifier ce devenir, malgré les coûts, malgré les difficultés, malgré l'incertitude – on ne sait pas en janvier ce qu'une publication démontrera en décembre pour étayer ou contrarier les hypothèses –, n'entre pas en ligne de compte dans la définition d'un contrat d'objectifs. Or vouloir enfermer un établissement dans un contrat global, c'est instaurer entre les esprits les plus aigus, les plus brillants, entre les meilleurs chercheurs, une compétition qui sera très difficile à gérer et qui risque d'être dommageable pour ces établissements mus avant tout par une volonté d'innovation et de recherche.

Je voudrais dire un mot, moi aussi, des soins palliatifs. Jean-Marie Le Guen a avancé, par boutade, qu'un jour il n'y aurait plus que des soins palliatifs. Ce n'est pas notre ambition. Mais notre ambition est qu'il y en ait partout. Mme Touraine a parlé du sujet ô combien important des équipes mobiles, mais nous souhaitons vivement qu'il y ait des lits de soins palliatifs à l'intérieur même des services – et en particulier des services comme le mien, qui traite des malades cancéreux –, et bien sûr avec le personnel nécessaire. C'est la raison pour laquelle cette question relève bien des CPOM, car les soins palliatifs n'utilisent ni des traitements coûteux, ni des techniques lourdes, mais des gens, ce qui est très coûteux.

Notre souhait est qu'il y ait dans tous ces services deux ou trois lits de soins palliatifs. Car vous n'imaginez pas quelle épreuve cela peut être pour un patient – comme pour sa famille et pour nous-mêmes – d'être transféré dans un service de soins palliatifs. Je ne sais pas si quelques-uns connaissent la nouvelle de Buzzati intitulée Sept étages : un malade entre à l'hôpital quasiment en bonne santé, et descend chaque fois un étage, jusqu'à se retrouver dans ce qui ne s'appelait pas encore le service des soins palliatifs. Ces transferts d'unité en unité sont extrêmement éprouvants pour les malades, les familles et les médecins qui ont à les faire subir.

Je vous invite, madame la ministre, à être attentive à cette question. Il est nécessaire que, dans les services, il y ait des lits pour ces patients et des équipes qui puissent les prendre en charge sans avoir à les « déménager ».

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