Garantir le droit à la santé pour tous comme un droit fondamental est un véritable enjeu de société qui place l'humain au coeur des réalités économiques et sociales.
Notre système de santé reste sans doute un des meilleurs au monde, avec son maillage territorial de service public et sa protection sociale solidaire, bien que la comparaison, aujourd'hui, tienne peut-être également à la dégradation des systèmes des pays voisins.
Même si les résistances ont ralenti leurs effets, les politiques libérales successives ont dégradé la situation en provoquant l'explosion des déficits des hôpitaux, la pénurie de professionnels qualifiés, des milliers de suppressions d'emplois, les déremboursements, les franchises médicales, les dépassements d'honoraires ou encore les fermetures de services de proximité, creusant les inégalités territoriales et dégradant l'accès à des soins de qualité pour tous. Vous pensez que le moment est venu aujourd'hui de porter un nouveau coup au système né à la Libération.
Nous ne sommes pas pour l'immobilisme. Notre système de santé doit évoluer tout en restant fidèle à des principes forts de solidarité, d'égalité et d'accès aux soins, selon le beau principe de la sécurité sociale : « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins. »
Or les orientations du projet de loi ne vont pas dans ce sens. Le cadre budgétaire est clair : retour à l'équilibre pour la sécurité sociale en 2012. C'est dire que, sans recettes nouvelles pour la sécu, les restrictions à marche forcée vont continuer. Qu'on ne s'y trompe pas : votre objectif n'est pas de réduire les dépenses de santé mais d'en finir avec le système solidaire. Chacun sait que les dépenses de santé augmenteront. Il s'agit donc pour vous de permettre au privé de se développer sur un marché en croissance continue, grâce à une clientèle captive de patients qui seraient prêts à sacrifier beaucoup pour se soigner.
Dès lors, de nouvelles répartitions sont à l'ordre du jour non seulement entre le système public, condamné à prendre en charge ce qui coûte cher, et le privé, qui aspire à traiter tout ce qui rapporte, mais également entre une sécurité sociale dont il faut réduire les dépenses, voire les recettes, et un dispositif assuranciel privé prêt à prendre toute sa part dans cette nouvelle donne.
Pourtant, la crise financière révèle l'importance de la protection sociale pour aider non seulement les plus démunis mais également l'immense majorité de la population à faire face à la situation.
Mieux couvrir les besoins est aujourd'hui une nécessité qui passe en priorité par un système de santé fondé sur la solidarité et la proximité, et non pas soumis à la rentabilité financière.
Mon ami Daniel Paul aurait aimé, à cet égard, souligner combien la situation du groupe hospitalier havrais illustre le malaise qui touche notre système de santé. La région havraise connaît de lourdes pathologies et une forte surmortalité. Or, alors que l'hôpital du Havre est confronté à de grandes difficultés, comme d'ailleurs la plupart des hôpitaux de France – déficit cumulé des exercices 2006, 2007 et 2008 à hauteur de 52 millions d'euros, dont 19 millions en 2008, exercice pour lequel la part de T2A atteint les deux tiers de la masse globale budgétaire contre la moitié durant les deux premiers –, on voit se développer une hospitalisation privée, portée par la Générale de santé. Dans le même temps, la ville du Havre voit s'aggraver la pénurie de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes.
Force est alors de constater que le fameux adage, si cher au Président de la République, « travailler plus pour gagner plus », est difficilement applicable aux hôpitaux – « soigner plus pour gagner plus » –, d'autant qu'il manque près de trente médecins, toutes disciplines confondues, au sein du groupe hospitalier havrais, et que la pénurie de personnel oblige à fermer des lits alors que, parallèlement, le secteur privé ne cesse de grignoter des parts de marché, aidé en cela par des investissements d'infrastructures bien souvent financés, en grande partie, par de l'argent public.
Madame la ministre, vous avez fait part de votre accord pour aider cet hôpital à condition qu'il engage des réformes. La majorité du conseil d'administration vous a entendue : les mesures retenues visent notamment à diminuer la durée moyenne de séjour, jugée trop longue. Constatons tout de même que les solutions d'accueil en soins de suite sont largement insuffisantes. L'autre mesure, qui n'est pas la moindre et touchera tous les secteurs, consiste à supprimer 387 emplois d'ici 2012. Une telle politique met en péril l'offre de soins dans une région déjà particulièrement sinistrée mais, comme le rapportait la presse locale citant un responsable hospitalier, « on ne peut dissocier moyens et organisation, l'enjeu étant de retrouver une capacité d'autofinancement ».
En octobre dernier, le magazine professionnel Impact Médecine a classé Le Havre à la trente-sixième et dernière place des grandes villes pour l'offre de soins. Parmi les indicateurs figurent le taux de mortalité, l'espérance de vie, le pourcentage des soixante-cinq ans et plus, le taux d'incidence des cancers, les comportements à risque, les taux d'équipement en lits et places en établissements, le matériel d'imagerie médicale, la démographie médicale, ainsi que des facteurs environnementaux tels que le climat, la pollution et les sites industriels à risque.
Les orientations du texte de loi n'amélioreront pas la situation, que ce soit au Havre ou ailleurs, bien au contraire !