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Intervention de Guy Lefrand

Réunion du 9 février 2010 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Lefrand :

Je remercie Geneviève Lévy d'avoir présenté de manière aussi synthétique un travail de quelque neuf mois. Notre objectif n'était pas de revenir sur la loi Badinter, laquelle a constitué une réelle avancée, mais de renforcer encore la protection des victimes, notamment dans le cadre des règlements amiables, des disparités étant apparues au fil des ans, et d'éviter une « rejudiciarisation » de ces procédures. Nous souhaitions parvenir à une réparation intégrale et individualisée des dommages corporels, ce qui nous a d'ailleurs fait renoncer au projet d'un référentiel indicatif national, l'idée étant plutôt de renforcer un à un chaque maillon de la chaîne de l'individualisation.

Notre collaboration avec le Conseil d'État pour l'élaboration de ce texte, pratique encore novatrice, puisque ce n'est que la deuxième proposition de loi de notre assemblée qui en bénéficie, a été particulièrement fructueuse. Le Conseil d'État nous a notamment invités à élargir le champ d'application du texte, au nom de l'égalité des droits. Des amendements y pourvoient. Nous vous proposerons par cohérence de modifier l'intitulé de la proposition de loi, puisque ne seront plus seuls concernés les accidents de la circulation. Le Conseil d'État nous a également aidés à mieux distinguer entre les domaines respectifs de la loi et du règlement. Nous avons ainsi supprimé certaines dispositions, de nature réglementaire, et en avons précisé d'autres, vraiment législatives. Nous espérons être parvenus à une loi qui, sans être bavarde, soit assez précise.

Si la constitution d'une base de données brutes est importante, ses informations, pour être intelligibles et exploitables, doivent être « retraitées », d'autant que, comme le Conseil d'État en a exprimé la crainte, la base ne sera sans doute pas accessible au public, dans la mesure où elle peut contenir des données médicales à caractère personnel. D'où l'idée d'un référentiel national indicatif. Mais il est apparu au fil de nos auditions, que pour l'heure, un tel outil présenterait plus d'inconvénients que d'avantages, risquant de scléroser les possibilités d'indemnisation et d'empêcher la prise en compte de la situation individuelle de chaque victime. Nous vous proposons donc de supprimer ce référentiel, tout en réalisant une évaluation de la base de données afin de voir si, ultérieurement, il ne pourrait pas devenir utile.

Nous proposons par ailleurs un barème médical unique, pour l'instant seulement dans le cadre du droit commun de la responsabilité civile. Les disparités sont telles entre les différents régimes actuellement en vigueur, notamment pour les accidents du travail et les pensions militaires, que le risque, à vouloir embrasser un champ trop large, eût été de ne pas aboutir. Nous avons privilégié le pragmatisme.

Afin d'éviter tout conflit d'intérêts, nous aurions souhaité, suite au rapport Lambert-Faivre de 2003, que puissent être établies trois listes, l'une de médecins experts judiciaires, une autre de médecins intervenant pour le compte des assureurs et une autre de médecins conseils des victimes. C'est hélas utopique, compte tenu de la démographie médicale et cela aurait même risqué d'entraver l'accès des victimes à un conseil, en limitant par trop leur choix. Le Conseil d'État a d'ailleurs souligné ce problème. D'où la proposition finalement retenue, à laquelle le conseil national de l'Ordre des médecins, les associations de médecins experts, les représentants des avocats et des victimes ont donné leur aval.

Celle-ci consiste, dans un premier temps, à définir des critères précis de compétence des médecins en matière de réparation du dommage corporel – aujourd'hui, n'importe quel praticien peut s'autoproclamer compétent ! Après quoi le conseil national de l'Ordre établira la liste des praticiens remplissant ces critères. Enfin, les médecins travaillant auprès de compagnies d'assurance et d'avocats seront tenus de le déclarer eux-mêmes à leur conseil départemental de l'Ordre. Ainsi les victimes, expressément informées par leur assureur de leur droit de se faire assister d'un médecin, sauront quels praticiens sont compétents et auront connaissance d'éventuels conflits d'intérêt. Elles pourront ainsi choisir de manière libre et éclairée leur conseil.

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