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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 9 février 2010 à 9h30
Convention de partenariat avec l'algérie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Parmi l'ensemble des conventions internationales, une convention de partenariat entre la France et l'Algérie revêt un caractère particulier, ne serait-ce qu'eût égard à l'histoire de nos deux pays. Cette convention se donne pour objet de « poursuivre et approfondir le processus de refondation des relations bilatérales ». Le ministre et le rapporteur viennent d'évoquer quelques-unes de ces relations bilatérales.

Il est incontestablement indispensable, si l'on veut bien considérer l'importance des relations entre la France et l'Algérie, d'approfondir ces relations bilatérales. Au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, c'est le sens que je veux donner à ce débat que nous avons souhaité, à propos d'une convention qui aurait pu faire l'objet d'une procédure simplifiée. C'est une bonne occasion qui nous est donnée, et je veux croire qu'il en sortira des avancées dans la construction de ces relations.

Il y aura bientôt cinquante ans qu'a pris fin la guerre d'indépendance. La guerre d'Algérie s'est déroulée entre nos deux pays après plus de cent trente ans d'histoire commune ; il est d'usage de célébrer d'une façon ou d'une autre ce type d'événement historique. Comment notre pays entend-il aborder cette commémoration ? Il serait dommage que la France ne profite pas de cette occasion pour témoigner du fait que, pour elle, cette page d'histoire est définitivement tournée. Aujourd'hui, il s'agit bien pour nous de tisser des relations d'une qualité particulière avec un pays devenu indépendant.

Pour y parvenir, le climat n'est pas très favorable. Si notre rapporteur a évoqué quelques hypothèques qu'il faudrait lever, je veux saluer sa présentation très mesurée de la situation. Le contexte est bien connu de tous, en particulier de ceux qui s'intéressent aux relations entre la France et l'Algérie. Je pense, évidemment, au dépôt par des députés algériens d'une proposition de loi. Mais il y a des ultras partout, et nous n'en sommes pas dépourvus.

Je me souviens du malheureux épisode, en 2005, du vote d'un amendement, qui, d'une certaine façon, a contribué à raviver des querelles entre nos deux pays. L'un de nos collègues députés – je regrette que ce soit un élu du Nord, mais c'est ainsi (Sourires) – avait proposé à l'Assemblée, qui l'avait suivi, de souligner les aspects positifs de la colonisation. Ce fut à l'origine d'un gel des relations entre la France et l'Algérie, laquelle n'apprécia pas cette conception de la majorité parlementaire de l'époque. Le président Chirac, déjugeant celle-ci, utilisa des procédures constitutionnelles pour mettre fin à cette situation législative.

Des députés algériens ont déposé une proposition de loi visant à criminaliser le colonialisme : mes chers collègues, ne donnons pas plus d'importance qu'il n'en mérite à un événement national interne à l'Algérie. Il arrive que des propositions de loi déposées en France soulèvent une émotion dans telle ou telle catégorie de la population et même, sans doute, à l'étranger. N'oublions pas non plus qu'il ne s'agit que d'une proposition de loi, qui, à ma connaissance, n'est pas inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée populaire nationale algérienne. J'ajoute que je n'ai pas entendu de déclaration officielle du gouvernement algérien concernant cette initiative parlementaire. Après tout, ce n'est qu'une réponse du berger à la bergère, et il n'y a pas lieu de s'émouvoir plus que de mesure.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai entendu l'un de nos collègues demander le retrait de l'examen du projet de loi autorisant la ratification de cette convention entre la France et l'Algérie, et je me suis inquiété que vous puissiez donner suite à cette revendication. Mais vous êtes là, et nous débattons : je suis rassuré, et je veux croire que le Gouvernement aura la sagesse de ne pas écouter ses ultras.

Cependant, le dépôt de la proposition de loi algérienne n'explique pas à elle seule le climat actuel.

Parmi d'autres, un événement récent – en fait, ils se sont succédé ces temps derniers – a contribué à émouvoir les autorités algériennes : Paris a inscrit l'Algérie sur la liste des pays à risque pour les transports aériens. La France suivait la position des États-Unis qui, depuis, ont tout fait sur le plan diplomatique pour renouer avec l'Algérie des liens forts qui avaient pu se distendre.

Il s'agissait d'une initiative malvenue. Non que l'Algérie soit exempte de présence terroriste sur son territoire, mais il doit bien y avoir aussi des terroristes en France, et tous les pays industrialisés connaissent des risques terroristes. Il ne fallait pas montrer ainsi du doigt un pays avec lequel nous voulons avoir des relations privilégiées, et il serait bon, monsieur le secrétaire d'État, que le gouvernement français abandonne le plus rapidement possible cette position. Si j'en crois les déclarations de notre ambassadeur de France à Alger devant la commission des affaires étrangères il y a quelques semaines, l'Algérie coopère avec notre pays dans la lutte contre le terrorisme : il n'y a donc pas de raison majeure de la maintenir sur cette liste.

Il faut aussi évoquer l'affaire Hasseni. Diplomate algérien, Ziane Hasseni a été interpellé en France où il est assigné à résidence, alors que chacun reconnaît qu'il y a erreur sur la personne. Monsieur le secrétaire d'État, cette situation n'a que trop duré, et il serait bon que l'exécutif prenne une initiative. Certes, l'indépendance de la justice pourrait justifier que le Gouvernement déclare ne pas pouvoir intervenir, mais imaginez qu'un diplomate français soit assigné à résidence en Algérie sous des prétextes fallacieux : n'exigerions-nous pas que la situation se débloque rapidement ?

Il faut aussi parler de l'indemnisation par la France des victimes des essais nucléaires. Il est clair que les engagements de notre pays ne peuvent donner satisfaction aux Algériens concernés.

La position de la France en ce qui concerne les relations entre le Maroc et le Sahara occidental n'est pas non plus sans poser problème. Vous me rétorquerez que nous nous éloignons de l'Algérie, mais vous savez bien que cette question « empoisonne » les relations entre la France et l'Algérie. Alors que la position des Nations unies est claire et que le Conseil de sécurité est à même de remplir la mission que cette institution lui a confiée, j'aimerais savoir ce qui justifie le choix de la France qui colle à la position du Maroc et s'éloigne de celle de l'ONU.

Je veux évoquer le problème récurrent de la situation des personnes. L'accord de 1968 donne satisfaction aux Algériens mais, selon eux, il n'est plus respecté aujourd'hui, ce qui contribue à créer des tensions entre les autorités politiques de nos deux pays. Une volonté politique se manifestant du côté français devrait permettre, à mon sens, de trouver des solutions qui ne contribuent pas à l'arrivée massive d'Algériens désirant rester sur le sol français.

Enfin, il faut traiter de la question de la mémoire. Malgré les déclarations d'intentions, que j'approuve, du président Sarkozy lors de son voyage d'État en Algérie, il reste beaucoup à faire en la matière.

La loi de 2005 que j'évoquais le prévoyait : la France entend créer un musée de la colonisation, ou une institution qui y ressemble. Or cela ne va pas dans le sens de la construction de bonnes relations avec les pays concernés, en particulier avec l'Algérie.

Les députés algériens et français membres des groupes d'amitiés respectifs des deux assemblées partagent la ferme volonté de faire avancer le dossier de la mémoire. Il faut clarifier les positions des uns et autres au regard de l'histoire. Celle-ci ne peut pas être trafiquée ; elle ne peut pas s'écrire autrement que comme elle s'est déroulée. Monsieur le secrétaire d'État, comment le gouvernement français entend-il mettre en place la commission indépendante d'historiens algériens et français qui sera capable de produire des analyses incontestables d'un passé certainement mal connu parce déformé de part et d'autre ? Il y a urgence. Les deux groupes d'amitiés voudraient voir la situation se débloquer, et nous avons imaginé pouvoir inciter à la création de cette commission. Pour ma part, j'ai sollicité le ministre de la culture afin qu'il nous apporte son concours ; nous verrons si le dossier avance.

Les sujets qui permettraient de faire progresser dans de bonnes conditions les relations entre nos deux pays sont pourtant nombreux.

La présence sur le territoire français de nombreux Français d'origine algérienne, ou de binationaux, devrait nous y inciter et faciliter cette relation. Regardez comme les choses se passent bien entre la France et le Québec au Canada, eu égard aux passerelles entre nos histoires anciennes mais communes !

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