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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 4 février 2010 à 9h30
Service civique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

Le zèle du Gouvernement est encore plus manifeste à la lecture de l'ultime amendement qu'il proposera à notre discussion. Afin de permettre – selon son exposé sommaire – la « montée en puissance rapide du service civique », le Gouvernement envisage de ne pas attendre l'installation de l'agence, c'est-à-dire le 1er juillet 2010, pour délivrer les premiers agréments. Il prévoit aussi un « agrément temporaire de droit pour tous les organismes pour lesquels l'agrément ou le conventionnement de volontariat associatif ou de volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité est valable au moment de la promulgation de la loi ».

C'est à se demander si la loi est nécessaire puisque l'on n'aura pas besoin d'attendre sa pleine mise en oeuvre pour commencer à recruter ! Ce n'est pas vous, monsieur le haut-commissaire, qui me contredirez puisque, interrogé sur la date d'entrée en vigueur du dispositif, vous avez déclaré avant-hier à la presse : « Tout de suite, très vite » !

Nous croyons qu'un plan d'urgence contre le chômage et la désespérance de la jeunesse est nécessaire tout de suite et très vite, particulièrement dans les banlieues populaires.

Nous pourrions évidemment saluer les objectifs plutôt louables, en apparence, de cette proposition de loi relative au service civique, qui tend à unifier les principaux dispositifs actuels de volontariat sous un statut homogène et simplifié, afin de relancer un service civil volontaire qui n'a pas rencontré pour l'instant le succès escompté. Je rappelle qu'au lieu des 50 000 volontaires envisagés pour la fin 2007 seulement 6 298 ont été recrutés depuis la création de ce dispositif par la loi pour l'égalité des chances de mars 2006. La moyenne de 3 000 engagés par an, représente effectivement une part infime des 750 000 à 800 000 jeunes de la classe d'âge correspondante.

Nous pourrions aussi nous retrouver dans certaines des intentions affichées par les auteurs de la présente proposition de loi au Sénat : renforcer l'engagement au profit d'un projet collectif d'intérêt général, recréer du lien social, permettre à des jeunes, parfois à la recherche de repères, de s'engager au service des autres, de faire l'apprentissage de la citoyenneté et leur offrir ainsi de sérieuses perspectives d'insertion grâce à l'expérience acquise.

Nous constatons enfin sur le terrain une relative satisfaction tout à la fois des volontaires et des organismes qui les accueillent. Nous reconnaissons le formidable travail effectué par certaines associations qui cherchent à développer le service civique malgré le faible encouragement des pouvoirs publics.

Néanmoins force est de constater que le texte, depuis sa version initiale jusqu'à sa version modifiée par les travaux sénatoriaux puis en commission à l'Assemblée nationale, souffre de graves insuffisances.

La proposition de loi ne tire ainsi aucune conséquence de l'objectif qu'elle s'était assignée à l'article 1er : « Renforcer la cohésion sociale et de promouvoir la mixité sociale ».

Selon le dispositif proposé l'engagement de service civique restera volontaire. De mon côté, je soutiendrai un amendement destiné à rétablir l'article 1er AA, supprimé en commission, qui prévoyait qu'un rapport serait remis au Parlement avant le 31 décembre 2010 pour, après consultation des organismes, institutions et partenaires, dresser un état des lieux de la politique française « en matière de cohésion sociale et républicaine » et évaluer « le rôle qu'un service civique obligatoire et universel peut jouer dans sa préservation et son développement ».

Je comprends que donner un caractère obligatoire à un service civique n'est peut-être pas dans l'air du temps, mais cela reste à prouver, d'autant que cela pourrait constituer un droit nouveau pour la jeunesse. En Norvège, par exemple, au titre d'une sorte de service civil, environ 10 % des habitants ont passé une année de leur vie, entre dix-huit et vingt-cinq ans dans ce que l'on appelle des universités populaires qui leur ont permis de découvrir des environnements nouveaux, par exemple dans les domaines artistiques ou sportifs, à l'international ou autour d'un engagement social.

Mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, ont avancé une proposition intéressante, dans le cadre du débat qui s'est tenu au Sénat le 10 juin 2009 sur le service civique, selon laquelle la transformation éventuelle en service obligatoire devrait être décidée démocratiquement, c'est-à-dire soumise à référendum, et cela cinq ans après la mise en place de ce service. Ce référendum serait précédé d'un important débat national impliquant les élus, les parlementaires, les acteurs des services publics, les associations et organisations de jeunes et d'éducation populaire et, au-delà, chaque citoyen, en particulier les jeunes sur le contenu, la forme, l'organisation de ce service national.

Cependant l'éventualité d'en faire un droit aurait un coût de l'ordre de 3 à 5 milliards d'euros par an, qui ne rentrerait alors pas dans l'enveloppe de 40 millions d'euros qui semble être celle qui vous est octroyée, monsieur le haut commissaire, pour la mise en place du dispositif, et des éventuels 500 millions d'euros lorsqu'il tournera à plein régime, dont le financement ne semble pas assuré à ce jour, mais peut-être allez-vous me rassurer.

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