Ainsi, dans le même texte, vous prévoyez, d'un côté, d'emprunter sur les marchés financiers des sommes pour développer un secteur qui, à l'évidence, a besoin d'investissements, et, de l'autre, vous supprimez des crédits dans ce même secteur car il faut bien gager le coût supplémentaire généré par les intérêts de ce grand emprunt. Où est la cohérence, en effet ?
Je rappelle que, dans cette loi de finances rectificative, les annulations de crédits s'élèvent à 124 millions d'euros pour l'enseignement supérieur et la recherche, à 110 millions d'euros pour le développement durable et à 60 millions d'euros pour la sécurité.
Vous prétendez investir pour l'avenir en choisissant des secteurs particuliers tout en leur faisant subir des annulations de crédits. La réalité est donc autrement plus préoccupante que ce que vous voulez bien afficher.
Sur le fond, qu'il faille investir dans certains secteurs ne soulève aucune objection. Nous contestons seulement les modalités de ces opérations d'investissement. Si vous aviez vraiment besoin de 35 milliards d'euros, monsieur le ministre, il était assez simple de vous les procurer par des dispositions fiscales relevant du simple bon sens ou de l'élémentaire justice.
Certes, il aurait été compliqué de revenir sur la totalité du paquet fiscal, mais au moins auriez-vous pu annuler, ne serait-ce que temporairement, quelques-unes de ses dispositions, ce qui aurait rapporté 4 à 5 milliards d'euros. Vous auriez également pu revenir sur la fameuse niche fiscale dite Copé, qui a tout de même coûté 20 milliards d'euros en deux ans. Huit à dix milliards supplémentaires n'auraient pas fait mauvaise figure dans le tableau !
En annulant certaines dispositions, votées récemment, dont l'efficacité est plus que douteuse, vous seriez parvenus à un total largement supérieur, ce qui aurait permis à l'État d'investir sans s'endetter davantage.
Il est vrai que, depuis de trop nombreuses années, notre État n'investit plus. Sur un budget qui, exceptés les prélèvements sur recettes, s'élève à 260 ou 270 milliards d'euros, il n'investit qu'une vingtaine de milliards, subventions aux collectivités territoriales incluses. Il est absolument pathétique qu'une si petite part d'un tel volume soit consacrée à l'investissement. Convenons que revenir à une politique fiscale de bon sens ou de justice élémentaire nous aurait permis d'investir sans alourdir notre dette.
Si nous sommes d'accord sur le choix des investissements – développement durable, enseignement supérieur, recherche, développement numérique –, nous contestons les modalités retenues. Un emprunt n'est pas une recette. Ce n'est qu'un impôt de plus pour les générations futures qui devront le rembourser, si d'aventure le Parlement vote cette disposition.
Puisque vous m'avez demandé de ne pas utiliser entièrement mon temps de parole, monsieur le président, je dirai un dernier mot sur la taxe instituée par le fameux article 1er, qui a suscité de fructueux débats en commission des finances. Si le rapporteur général a indiqué qu'un accord assez large s'était dégagé, c'est sans doute qu'il fait référence à l'état actuel de l'opinion dans l'hémicycle plutôt qu'à celui que nous avons pu constater en commission des finances, car si l'amendement a été adopté, ce fut à une très courte majorité, beaucoup étant défavorables à cette disposition pourtant nécessaire.
Souvenez-vous : la taxation des banques était censée avoir une vertu moralisatrice. Il faut toujours se méfier de ce mot et avoir quelques soupçons quand des dirigeants politiques, en l'espèce des ministres, prétendent être mus par la morale en matière de finances publiques. Mais pourquoi pas ? Après tout, l'avidité de certains opérateurs financiers et bancaires…