Au-delà de notre sort particulier, il s'agit d'une institution dans laquelle nous siégeons, qui existait avant nous et perdurera après nous, et au respect de laquelle nous aurions intérêt à veiller de près.
On connaît les conséquences de cette infraction aux règles : sous réserve du dévoilement et de l'analyse de ce plan, puis de son application, le stock de dette a augmenté de dix points entre 2008 et 2009 et augmentera bien davantage d'ici à 2012, date à laquelle il devrait atteindre 90 % du PIB, si rien d'autre n'est fait.
Néanmoins, comme l'a dit le président de la commission des finances, ceux-là même qui ne respectent pas les règles qu'ils ont fait établir, ou qu'ils ont défendues par leurs prises de position ou par leur vote, nous en annoncent d'autres, encore plus dures. Convenons que n'importe quel gouvernement, ici ou ailleurs dans le monde, se serait affranchi des règles communautaires qui fixent le déficit à 3 % du PIB et le stock de dette à 60 %. Mais s'être émancipé des règles nationales que la majorité a elle-même adoptées paraît plus curieux.
Ainsi, la révision constitutionnelle de 2008, que le président de la commission des finances a également évoquée, a permis de préciser clairement que les lois de programmation pluriannuelle doivent inscrire les dépenses dans une perspective d'équilibre des comptes des administrations publiques. Cette norme de niveau constitutionnel, le Gouvernement vous a demandé de la voter, mes chers collègues, ce que vous avez fait ; il vous demande, presque d'un même mouvement, de ne pas la respecter, ce que, de manière assez surprenante, vous faites également.
S'y ajoute la règle incluse dans la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, dont la lettre fut respectée, mais non l'esprit. Selon la loi organique, la loi de finances doit en effet indiquer le plafond indépassable de dette négociable d'une durée supérieure à un an, lequel fut fixé pour l'année dernière à 45 milliards d'euros. Or, si ce plafond n'a pas été dépassé, c'est pour 80 milliards d'euros que des taux à moins d'un an ont été négociés et souscrits ; en réalité, la dette négociable a augmenté de plus de 120 milliards d'euros l'année dernière. Si la règle est respectée dans sa lettre, son esprit est donc évidemment violé : entre un plafond d'autorisation de 45 milliards d'euros et une dette constatée de près de 124 milliards, l'écart est considérable. Ainsi, vous enfreignez jusqu'à cette loi organique, sans même prendre la peine de faire semblant de la respecter.
Ni les règles communautaires, ni les règles constitutionnelles ne sont donc respectées, non plus que celles des lois organiques ou des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques – puisque le rapport visé n'a pas été transmis à l'Assemblée.
Les dépenses fiscales nouvelles ne sont pas gagées par d'autres impôts et, lorsque le niveau de recettes prévu n'est pas atteint du fait des suppressions d'impôts, aucune compensation n'est envisagée. J'ai déjà indiqué ce qu'il en a été de la suppression de la TVA dans la restauration.
À ces règles, il faut ajouter les engagements forts qui ont été pris. Je pense au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comme l'a démontré un récent rapport du Conseil d'État, ce principe a été appliqué dans les administrations de l'État, mais une soupape a été trouvée à travers des recrutements par les opérateurs publics, qui neutralisent au moins pour une part – et nous craignons que ce ne soit une large part – les non-recrutements par les administrations de l'État, la direction du budget a été éclairante sur ce point. Au fond, l'éducation nationale, la police ou la gendarmerie ont servi de gages à des augmentations de postes chez les opérateurs publics. Je ne crois pas que ce soit satisfaisant.
Le non-respect des règles et des engagements pris aboutit à une dérive manifeste de nos comptes publics, d'autant plus préoccupante qu'elle va se poursuivre.
J'en viens à ma deuxième inquiétude : le grand emprunt.
Ces 35 milliards d'euros constituent à l'évidence une aggravation du déficit budgétaire.
À cet égard, il me paraît délicat de dire que les choses s'améliorent et de se réjouir que le déficit soit un peu moindre à la fin de l'année 2009 – 2 milliards d'euros de différence – alors que vous allez contribuer à son augmentation en 2010. Les faits sont là : si, en 2009, le déficit est en définitive de 139 milliards d'euros, il atteindra en 2010 au moins 150 milliards d'euros, sans compter les surprises que peuvent réserver les mois à venir.
À vous entendre, monsieur le ministre, on a le sentiment que plus on emprunte, plus on s'enrichit. Vous nous avez en effet expliqué qu'avec cet emprunt, le pays allait prospérer. Je n'en suis malheureusement pas sûr. Les conditions dans lesquelles se déroule cette opération me paraissent en effet susciter bien des interrogations.
Au moins 22 à 23 milliards seront empruntés sur les marchés financiers. À cet égard, je vous remercie d'avoir convaincu le Président de la République, et surtout son grand conseiller, de ne pas s'adresser directement au public, ce qui aurait coûté plus cher encore. Reste que les intérêts seront de 3 ou 4 % et qu'à ce coût s'ajoutera la rémunération des comptes d'affectation du Trésor, car j'ai cru comprendre qu'une partie des sommes serait placée sur ces comptes sous forme de dotations en capital. Monsieur le rapporteur général, j'aimerais que vous nous donniez votre sentiment à ce propos.
Ce grand emprunt, outre qu'il ne mobilisera que 30 % des sommes empruntées, coûtera plus cher que les intérêts à 4 %, puisqu'une partie des sommes placées devra faire l'objet d'une rémunération.
Il faut évoquer aussi l'écart entre la réalité et l'affichage.
Prenons l'exemple de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui se voient affecter 19 milliards d'euros. Mes chers collègues, dois-je vous rappeler que ce même secteur a fait l'objet d'une annulation de crédits de 110 millions d'euros à l'occasion de la loi de finances initiale et de 124 millions d'euros à l'occasion de la loi de finances rectificative ?