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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 2 février 2010 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Le troisième sujet est bien entendu la taxe que vous nous proposez dans l'article premier auquel le rapporteur général, comme le président de la commission des finances, a fait référence.

Telle qu'elle ressort du projet de loi gouvernemental, cette taxe n'a rigoureusement rien à voir avec ce qui avait été annoncé – notamment par les membres du Gouvernement lorsque, en loi de finances initiale, il s'est agi de convaincre certains de nos collègues de la majorité de ne pas voter un amendement que les membres de l'opposition avaient proposé à notre assemblée, et que certains d'entre vous, mesdames et messieurs les députés du groupe UMP, avaient pourtant estimé assez judicieux pour le voter.

En ce qui concerne le premier sujet, la situation des finances publiques, le constat est connu. En 2008, le déficit public représentait 3,4 % du PIB et le stock de dette 67,4 %. Nous savons que, fin 2009, le premier variera entre 7,9 à 8,2 % – il sera sans doute légèrement supérieur à 7,9 %, mais attendons la loi de règlement – et que le second atteindra 77,1 %, soit dix points de plus que l'année dernière.

Cette situation très préoccupante s'explique par la crise, sinon exclusivement, du moins pour l'essentiel : prétendre que la crise explique à elle seule la dérive de nos comptes publics au cours de l'année 2009 est commode, mais inexact. En effet, comme plusieurs études le démontreront très bientôt, mais comme nous autres le savons déjà, l'aggravation du déficit s'explique pour trois points de PIB par l'effondrement des recettes dû à la crise, et pour 1,2 point par le plan de relance.

Il manque donc, selon le montant définitif du déficit public, 0,3 à 0,6 point, ce qui résulte non de la crise, mais des deux facteurs suivants : d'une part, une maîtrise de la dépense publique différente de ce que l'on nous annonce ; d'autre part, très certainement, une préservation insuffisante de la matière fiscale beaucoup plus inquiétante que ce que l'on veut bien prétendre.

Ardue à réaliser, la maîtrise de la dépense publique n'est pas toujours facile à comprendre. Si le sujet vous intéresse, je vous invite, mes chers collègues, à parcourir deux documents dont la lecture est quelque peu aride, mais instructive. D'une part, un texte que nous avons voté le 9 février 2009 : la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. D'autre part, le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2010.

Que déduire de ces textes ? Tout d'abord, comme l'a dit le président de la commission des finances, le Gouvernement ne respecte pas les lois qu'il présente au Parlement et que celui-ci vote. En effet, l'article 12 de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques enjoint le Gouvernement d'informer le Parlement, par un rapport, de l'évolution de la dépense fiscale au cours des douze mois qui précèdent et des douze mois à venir. Ainsi, les élus qui votent l'impôt, et, souvent, son affectation, peuvent constater le niveau de la dépense budgétaire, mais aussi et surtout de la dépense fiscale, laquelle n'est pas soumise, on le sait, à la même norme.

Or, si les années 2010, 2011 et 2012 font bien l'objet d'un rapport inclus dans celui qui est annexé au projet de loi de finances pour 2010, ce n'est pas le cas de l'année 2009. Vous deviez pourtant, monsieur le ministre, veiller au respect de cet article 12. S'il n'a pas été respecté, c'est parce qu'un autre article de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques ne l'a pas été. Il s'agit de l'article 11, qui dispose que toute dépense fiscale nouvelle doit être gagée par la suppression d'une autre, afin de ne pas creuser la dépense fiscale totale, ce qui exposerait nos finances publiques à un péril plus grand encore.

Si ce rapport fait défaut, c'est, selon toute vraisemblance, parce que la dépense fiscale s'est aggravée l'année dernière, en dépit des affirmations contraires, notamment celles des membres du pouvoir exécutif. Cette aggravation représente probablement 2 milliards d'euros et se poursuivra en 2010, pour atteindre sans doute 2,5 à 3 milliards. Les documents objectivement disponibles ne permettent pas de se faire aisément une idée plus précise. Mais je ne doute pas que nous saurons ce qu'il en est une fois que ces articles de loi seront enfin respectés.

Ce manque de respect des dispositions relatives à la dépense fiscale témoigne de l'insuffisante maîtrise de la dépense publique. Mais celle-ci résulte surtout du fait que l'inflation s'est élevée à 0,4 % au lieu des 2 % prévus par la loi de finances pour 2009, ce qui aurait dû entraîner une révision en valeur des crédits budgétaires et de l'ONDAM, lesquels avaient été déterminés en valeur. Cette révision n'ayant pas eu lieu, la dépense augmente de 1,6 % en volume. Or la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques annonçait 1 % en volume. Vous n'avez pu maîtriser cette dépense ; je ne vous en fais pas nécessairement grief, mais je ne crois pas que l'on puisse continuer de prétendre que le pouvoir actuel maîtrise la dépense publique.

Il y a plus grave. On ne peut inclure dans une loi de finances des dispositions qui conduisent à abaisser le niveau de recettes fiscales fixé par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. C'est pourtant ce que vous avez fait : la recette fiscale a notablement diminué en 2009, d'au moins 1,5 milliard d'euros. Je fais naturellement référence à la suppression de la TVA dans la restauration, qui entraînera un manque de recettes de 3 milliards d'euros en 2010. Une fois de plus, monsieur le ministre, vous n'avez pas respecté des textes que vous aviez pourtant présentés vous-même au Parlement et que celui-ci avait votés.

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