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Intervention de Edouard Beslay

Réunion du 20 janvier 2010 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Edouard Beslay, directeur-adjoint de l'Europe continentale au ministère des affaires étrangères et européennes :

Avant d'aborder la question du Kosovo lui-même, je souhaiterais réagir aux propos que vient de tenir M. Dérens. Je suis d'accord avec lui sur certains points, parmi lesquels la situation de blocage dans laquelle se trouve actuellement le pays, mais je ne partage pas son avis sur la responsabilité de l'Union européenne dans cette situation et sur le fait qu'elle constituerait un échec pour les vingt-sept. L'Union européenne n'est pas maîtresse du destin de la Bosnie-Herzégovine. S'il est vrai qu'une partie du problème réside dans le fait que le Haut représentant soit toujours en place quinze ans après l'accord de Dayton, l'Union européenne ne saurait en être tenue responsable. Elle a au contraire joué un rôle très positif en Bosnie-Herzégovine. Par exemple en ce qui concerne l'obligation de visa pour entrer dans l'Union, il a été clairement indiqué aux autorités bosniennes qu'elle sera levée quand auront été menées à bien une série de réformes internes, parmi lesquelles l'amélioration du contrôle des frontières et la délivrance de passeports sécurisés. Une fois ces conditions posées, un accord a été trouvé en seulement quelques mois au sein des différentes forces politiques bosniennes afin de prendre les mesures qui étaient nécessaires. De la même manière, l'Union a exigé la réalisation de réformes – réforme fiscale, création d'une TVA nationale, mise en place d'une armée et d'une police communes à l'ensemble du pays – en contrepartie de la conclusion de l'accord de stabilisation et d'association. En dépit des clivages internes, ces réformes ont été menées à bien car elles étaient nécessaires au rapprochement entre le pays et l'Union européenne. On voit ainsi que chaque fois que l'Union a posé des exigences claires, il y a eu un consensus en Bosnie-Herzégovine pour les respecter.

Pour en venir au Kosovo, les autorités françaises estiment que près de deux ans après la proclamation de son indépendance, intervenue le 17 février 2008, la situation est satisfaisante, même si le processus de construction du nouvel Etat n'est pas achevé. Il est vrai que le Kosovo n'a pas encore complètement trouvé sa place au sein de la communauté internationale puisque son indépendance n'a été reconnue que par soixante-cinq Etats et que cinq membres de l'Union européenne refusent encore cette reconnaissance. La Serbie a obtenu de l'Assemblée générale des Nations unies que la Cour internationale de justice soit saisie de la question de la légalité de la proclamation d'indépendance du Kosovo. La Cour devrait donner son avis au cours de l'été 2010 et un grand nombre de pays attend cet avis avant une éventuelle reconnaissance du Kosovo. Il est néanmoins probable que la réponse sera nuancée, ou peut-être même la Cour estimera-t-elle que la question de l'indépendance ne relève pas de la compétence des Nations unies.

La Serbie conteste encore l'indépendance du Kosovo et refuse par exemple que celui-ci participe aux réunions régionales. Elle s'oppose également à l'intégration des Serbes du Kosovo dans les institutions du pays et à toute collaboration avec ces dernières. La question des relations serbo-kosovares n'est donc pas encore réglée. Elle devra être avant que ne puisse être envisagée l'adhésion de la Serbie ou du Kosovo dans l'Union européenne.

Malgré ces difficultés, la situation actuelle au Kosovo me semble néanmoins constituer un succès à la fois pour la communauté internationale, pour la région des Balkans et pour le pays lui-même.

En effet, à la satisfaction de la communauté internationale, le Kosovo applique intégralement les éléments qui figuraient dans le statut élaboré par Marti Ahtisaari au premier rang desquels la construction d'une démocratie moderne faisant leur place aux minorités, et notamment à la communauté serbe. Les dirigeants kosovars ont mis en oeuvre avec sérieux ces exigences et sont parvenus à mettre en place une administration nationale et à doter d'un statut les communautés serbes. Des municipalités serbes ont été créées et il leur a été accordé une autonomie de gestion en matière d'éducation, de culture et de santé. La communauté internationale ne peut que se réjouir de cette situation qui atteste de la pertinence du pari qu'elle avait fait sur la volonté des Albanais du Kosovo de vivre en bonne intelligence avec leurs concitoyens serbes. Le taux de participation aux récentes élections municipales dans les municipalités serbes en témoigne. Seule la partie serbe de Mitrovica résiste à cette évolution, sa population continuant à refuser de s'intégrer dans les institutions du Kosovo indépendant. Partout ailleurs on assiste à un début de ce processus d'intégration qui est rassurant pour la stabilité future du pays.

L'indépendance du Kosovo a aussi contribué à la stabilisation de la région. Contrairement aux inquiétudes de certains, aucun effet domino n'a été constaté, aucune nouvelle demande séparatiste n'est intervenue. La déclaration d'indépendance du Kosovo a au contraire mis fin à une période de tensions liées à l'insatisfaction des Albanais du Kosovo et aux inquiétudes serbes. Elle s'est traduite par un sentiment général de soulagement. On ne peut que partager l'analyse du président croate qui a déclaré, au cours d'une récente visite à Pristina, que l'indépendance du Kosovo n'avait pas constitué un précédent mais avait signifié l'achèvement du processus de désagrégation de la Yougoslavie commencé en 1991. Au cours des derniers mois, on a en outre assisté à l'accélération des processus de rapprochement de l'Union européenne en ce qui concerne le Monténégro, la Macédoine et la Croatie notamment.

Au Kosovo même, le travail est pourtant loin d'être terminé. Le développement économique n'en est qu'à ses débuts, gêné qu'il est par la faiblesse des investissements étrangers, en partie liée au nombre limité d'Etats ayant reconnu l'indépendance kosovare. Il ne faut pas s'attendre à une évolution économique positive sans amélioration des relations avec la Serbie. C'est pourquoi une fois que la Cour internationale de justice se sera prononcée, notre priorité devra être de pousser la Serbie à trouver une solution lui permettant de développer ses relations avec le Kosovo.

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