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Intervention de Jean-Arnault Dérens

Réunion du 20 janvier 2010 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Arnault Dérens, rédacteur en chef du Courrier des Balkans :

Parler de la Bosnie-Herzégovine est finalement quelque peu déprimant. Ce que je vais dire est dans la tonalité de ce que j'aurais pu dire il y a deux ou trois ans, à savoir que nous sommes aujourd'hui toujours dans le cadre de la même crise, avec les mêmes éléments de blocage. Rien n'a changé si ce n'est l'introduction d'un facteur aggravant, le fait que la Bosnie-Herzégovine n'ait pas été concernée par la suppression de l'obligation de visa pour entrer dans l'Union Européenne. Cette décision est perçue localement comme une injustice forte, comme la preuve que rien n'avance et que le pays est condamné à un sur place éternel.

Or le temps passe. Quatorze ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre et la signature des accords de Dayton. Le débat porte fondamentalement sur la question de savoir s'il faut un Etat ou maintenir les deux entités actuelles qui constituent le pays ; ce sont des paramètres fondamentaux du débat politique et ils n'ont absolument pas changé depuis quatorze ans et la Bosnie-Herzégovine se trouve dans un après-guerre interminable. Par comparaison, en France, en 1959, il y a longtemps que l'on n'était plus dans la problématique de l'après-guerre.

Il y a ensuite un autre serpent de mer. Celui du rôle et des conséquences de la tutelle internationale comme obstacle à l'intégration. La question se pose toujours en ces termes. Le protectorat est contreproductif car il aboutit à une irresponsabilité de la classe politique bosnienne. En ce qui concerne ses intérêts de caste, il n'y a aucun problème, et le maintien du statu quo lui convient parfaitement. C'est d'ailleurs un échec de la société civile bosnienne que de n'avoir pas réussi à changer cette classe politique. C'est l'une des raisons pour lesquelles les talents quittent le pays, partent, et qu'il y a une émigration des Bosniens éduqués. C'est l'échec aussi de la communauté internationale qui s'est engagée sur les accords de Dayton, ainsi que de l'Union Européenne qui n'a pas été capable de résoudre la situation, à savoir trouver une solution politique qui permette la sortie du statu quo.

Il y a donc une crise permanente. On est dans un face à face constant entre le Haut représentant et l'exécutif local, qui ne mène à rien et ne permet pas de résoudre les problèmes. La situation s'est aggravée depuis l'indépendance du Kosovo, qui est utilisée dans le débat politique comme arme atomique rhétorique : alors même que Milorad Dodik, le premier ministre de la république serbe de Bosnie, n'a aucune envie d'aller vers l'indépendance, il ne cesse désormais d'agiter cette menace. Or, rien ne changera car il y a peu d'idéologie et beaucoup de corruption et la situation actuelle, dont il profite, lui convient parfaitement pour assurer son autorité. Il n'est qu'une pure création de l'Occident que personne n'ose défier, notamment pas le Haut représentant qui ne fait rien contre lui. Le grand problème, en ce qui concerne l'indépendance du Kosovo, c'est l'absence de politique régionale. On n'applique la méthode Coué, en s'abreuvant de formules creuses sans vision générale.

On ne sortira pas de la crise sans une politique régionale ; la classe politique ne trouvera pas la solution toute seule. Les Bosniens ont dit qu'ils étaient d'accord sur la réforme des institutions telle que proposée à l'issue de la réunion de Butmir mais rien ne se fait. Pour trancher le débat, il faudra associer très étroitement les Bosniens au dialogue régional qui devrait être mené dans une perspective d'intégration dynamique.

Quant au respect des critères de Copenhague, il faut arrêter l'hypocrisie. La Bosnie-Herzégovine ne les respectera pas, c'est une évidence. Il faut imaginer quelque chose au plan régional, plus constructif que ce que l'Occident propose actuellement.

La communauté internationale est désarmée face à Milorad Dodic. Seule la Serbie peut avoir une influence car la classe politique serbe le connaît bien. Il faut donc laisser la Serbie et la Croatie jouer le jeu sur un plan régional. Ce sera nécessairement constructif car il n'y aura de solution que dans le cadre de l'intégration dans un processus régional.

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