Je vous remercie de l'honneur que vous me faites en me donnant l'occasion de m'exprimer sur ces questions. Je voudrais commencer en rappelant rapidement le contexte et les conditions posées dans le cadre du processus d'adhésion à l'Union européenne. Celles-ci reposent sur les critères de Copenhague, dont le volet politique est désormais repris dans le traité de Lisbonne. D'autres critères ont été fixés à la suite des guerres des Balkans. On parle ainsi des critères de Zagreb, définis lors du sommet réuni dans cette ville en 2000. Ceux-ci impliquent une bonne coopération avec le tribunal pénal international pour la Yougoslavie (TPIY), le maintien de relations de bon voisinage, et l'engagement dans une coopération régionale accrue.
En pratique, la marche vers l'Union européenne commence par la signature d'un accord de stabilisation et d'association (ASA), à la suite de laquelle l'Etat peut déposer sa candidature à l'adhésion. C'est aujourd'hui le cas pour trois Etats des Balkans : la Serbie, le Monténégro et l'Albanie.
La Commission donne ensuite un avis indiquant si elle estime que le pays qui a déposé sa candidature satisfait suffisamment, ou non, aux critères d'adhésion pour proposer l'ouverture des négociations d'adhésion. Cette position ne lie pas le Conseil, auquel revient la décision finale de reconnaître ledit pays comme candidat. Toutefois, dans les faits, seul le dossier grec avait vu le Conseil s'écarter de l'avis, négatif, de la Commission.
L'Albanie a déposé son dossier de candidature en avril 2009. Le Conseil a demandé, lors de sa réunion de novembre, l'avis de la Commission. Celle-ci a donc entrepris la procédure habituelle dans de pareils cas. Un long questionnaire a été envoyé aux autorités albanaises, et des contacts pris avec des organisations non gouvernementales, ainsi que des interlocuteurs du pays et de l'extérieur, afin de disposer de plusieurs sources d'information. L'instruction du dossier devrait durer de 12 à 14 mois.
L'Albanie connaît un climat politique particulier. Au boycott actuel du Parlement par le parti socialiste, s'ajoutent des problèmes plus anciens dans le domaine judiciaire, et quant au respect de la règle de droit en général. On ne peut, pour autant, oublier le passé de l'Albanie, pays longtemps marqué par un régime quasi féodal très fermé, auquel a succédé une des dictatures les plus dures de la planète, comparable à celle de la Corée du Nord. Considérant cet héritage, on peut apprécier les progrès accomplis.
Le Monténégro : petit pays, petits problèmes? Il s'est doté d'un petit appareil étatique, depuis sa récente indépendance, d'où des difficultés à mettre en oeuvre les réformes. La candidature du Monténégro a été déposée en décembre 2008, au cours de la présidence française de l'Union européenne. L'avis de la Commission devrait être rendu en novembre 2010. Les difficultés à résoudre concernent principalement la règle de droit, mais dans d'autres domaines, notamment la législation sur les minorités et la coopération régionale, de véritables succès ont été enregistrés.
La Serbie a signé un accord de stabilisation et d'association en juin 2008. Le processus de ratification n'a pas été lancé par l'Union européenne, celle-ci estimant que la Serbie ne coopérait pas convenablement avec le TPIY. Le rapport du procureur auprès de cette juridiction, établi en décembre 2009, a souligné les avancées positives de ses relations avec la Serbie. Les Pays-Bas ont alors levé leur veto à l'application de l'accord intérimaire commercial, qui a pu entrer en vigueur fin 2009. Toutefois, l'avis sur la candidature de la Serbie (déposée en décembre 2009, et la ratification de l'ASA, ne sont pas encore d'actualité du fait des dernières difficultés à résoudre avec le TPIY.
La levée de l'obligation de visas entre l'Union européenne et la Serbie (ainsi qu'avec le Monténégro) a été saluée avec une grande satisfaction par ce pays. Des problèmes doivent encore être réglés, en plus de ceux liés aux activités du TPIY, dans les relations serbo-croates, et bien sûr concernant le Kosovo. Toutefois, lorsque la volonté politique est présente, la Serbie a la capacité d'avancer rapidement.
La Bosnie-Herzégovine a signé un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne. Mais cet Etat ne dispose pas encore d'une souveraineté totale sur son territoire. La Bosnie est encore sous mandat international. L'Union européenne estime donc que sa candidature est prématurée. Par ailleurs, le fonctionnement de l'Etat n'est pas satisfaisant. Un processus de réformes a été proposé en octobre dernier, par l'UE et les Etats-Unis, afin de rendre la constitution bosnienne compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme et de fermer le bureau du Haut Représentant. Bien que les discussions aient commencé, les conditions ne sont pas encore remplies pour un accord sur ces points.
Le Kosovo, qui a déclaré unilatéralement son indépendance en février 2008, reste toutefois soumis à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies. 64 Etats l'ont reconnu, dont 22 de l'Union européenne. Cela signifie donc que cinq Etats membres ne reconnaissent pas l'indépendance du Kosovo. Au-delà de cette divergence d'appréciation, il existe un consensus européen sur la mission EULEX, qui apporte une assistance dans les domaines de la police, de la justice et des douanes. De la même manière, un consensus certain règne en matière d'aides versées au Kosovo. Dans le cadre du processus de stabilisation et d'association, des discussions sont menées, et des avancées pourraient être enregistrées pour libéraliser les échanges économiques et aménager le régime des visas. Toutefois, les défis à résoudre restent extrêmement nombreux.
De manière générale, dans la région des Balkans, des difficultés de frontières persistent. Par ailleurs, les Balkans continuent de souffrir d'une mauvaise image au sein de l'Union, ce qui à elle seule représente une difficulté certaine.