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Intervention de René Ricol

Réunion du 26 janvier 2010 à 14h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

René Ricol, commissaire général à l'investissement :

Je suis payé par l'intérêt du travail qui m'est confié. Pouvoir être reçu par votre commission en fait partie. Plus précisément, mon indépendance est ainsi garantie.

Le coût de la structure sera limité ; ainsi, les deux personnes qui m'assistent aujourd'hui sont déjà payées par l'Inspection des finances. Nous allons nous efforcer d'être consommateurs de compétences plutôt que de crédits. J'ajoute que, dans certains domaines, il nous faudra sans doute nous adjoindre des compétences privées.

Monsieur Chartier, si, dans la description de notre méthodologie, j'ai placé en première priorité, avant même les projets, la répartition des crédits par tranches, c'est que ma longue expérience de comptable m'a appris qu'en laissant mettre en avant les projets on était assuré de perdre le contrôle de son action. L'argument des porteurs de projets est chaque fois le même : le projet est si essentiel qu'il ne peut être que financé.

Poser comme principe – je réponds en même temps à M. le rapporteur général – que les fonds extraits du budget général, mais toujours inscrits dans les comptes du Trésor – ils ne seront pas versés sur les comptes bancaires des opérateurs, qui ne pourront donc pas les dépenser eux mêmes –, ne seront mis à disposition que par tranches constitue une sécurité absolue. Toute autre procédure garantit que, d'ici à un an et demi, l'ensemble des fonds sera dépensé. Même si le découpage en tranches comporte des aspects artificiels, le Commissariat général n'acceptera pas, quelques exceptions mises à part – elles sont déjà quasiment toutes inscrites au sein du projet de loi de finances rectificative –, de s'engager sur d'autres modalités d'attribution –qu'il s'agisse de crédits consomptibles ou non, sur une durée de quatre ou cinq ans.

Cela dit, les demandes de rendez-vous sont innombrables et nous sommes frappés de voir certains entrepreneurs, parfois des tenants purs et durs du capitalisme, espérer quelque subvention à partir de cet emprunt. Il n'y aura pas de subvention. Pour s'en assurer, le principe de l'étalement dans le temps doit être institué, ce qui doit nous permettre de faire état de critères objectifs.

Une fois les crédits répartis par tranches, nous examinerons les projets. Et, sauf décision du Parlement, le projet génial, unique, porteur de la solution universelle, ne sera pas retenu. Nous devons nous assurer d'une utilisation efficace des montants en jeu, lesquels sont d'autant plus considérables qu'ils s'additionneront à ceux déjà inscrits dans le budget de l'État.

Ainsi, par exemple, les projets de création d'internats d'excellence sont déjà nombreux. Pour des raisons en partie personnelles, j'y suis très favorable. Reste qu'une discussion préalable est nécessaire. Faut-il créer de toute pièce des internats réservés à la diversité ? Faut-il plutôt identifier les internats efficaces et réfléchir aux moyens de leur extension ? Compte tenu du nombre actuel de projets, il serait possible d'engager dès à présent tous les crédits disponibles. Or, si nous ne procédions pas par tranches, aussi bien le Commissariat général que le Parlement seraient dépossédés de tout pouvoir de contrôle.

Monsieur Mariton m'a interrogé sur les modalités d'un contrôle en aval. Avant même notre nomination, nous avons beaucoup bataillé pour que le projet de loi de finances rectificative ne soit pas trop précis sur tout : nous souhaitons que les avant-projets nous soient soumis afin de pouvoir procéder à des éliminations dès ce stade – décision que nous pourrons ensuite expliquer devant votre commission. Le projet qui vous est soumis prévoit la création d'un certain nombre de jurys indépendants ; or, une fois que ces jurys auront voté sur les projets, comment prendre une décision différente de la leur ? Notre influence ne pourra donc s'exercer qu'en amont.

Monsieur Chartier, votre question sur l'international est essentielle. Notre équipe comprendra un déontologue, qui sera notamment chargé des questions de conflits d'intérêts. Aussi bien dans les jurys que dans les comités consultatifs qui nous aideront à instruire les dossiers, nous ne nommerons pas de personnes susceptibles de se trouver en conflit d'intérêts avec leur propre pays. Pour autant, il faut s'ouvrir.

Pour illustrer mon propos, je vais prendre un exemple. Aujourd'hui, des universités françaises postulent au statut d'université d'excellence, alors même qu'elles n'ont pas gardé une seule place de libre pour un étudiant étranger. Aussi, avant de distribuer les crédits qui nous ont été confiés, nous voulons prendre le temps de nous assurer d'évolutions positives. Le guide de notre action sera la capacité des universités à nous montrer comment elles entrent dans un système interactif, à nous décrire les mécanismes qui permettront à un étudiant inscrit dans une université d'excellence d'obtenir, en parallèle à son diplôme français, un diplôme étranger reconnu, à Shanghai ou à Londres, et à nous exposer comment elles participeront ainsi à rendre le système français attractif. Les universités françaises devront nous montrer qu'elles sont capables de réussir une mutation aussi spectaculaire que celle réalisée par cette université italienne qui attire désormais de nombreux étudiants étrangers – chose encore impensable il y a trois ans. Pour juger d'une telle évolution, nous avons besoin des avis de spécialistes étrangers. C'est pourquoi je vais m'efforcer d'attirer dans nos comités Sir Howard Davies, le directeur de la London School of economics. J'ai besoin qu'un spécialiste étranger reconnu indique s'il est prêt à apporter sa reconnaissance à un dispositif présenté par une université, à attribuer une équivalence de diplôme. S'il refuse, le dossier sera rejeté.

Monsieur Fourgous, alors que nombre de jeunes issus d'écoles de commerce ou d'écoles de marketing international restent sans emploi, nous manquons d'ingénieurs. J'ai constaté ce déficit tous les jours dans mes fonctions de médiateur du crédit. La place des formations d'ingénieurs sera donc l'une des questions que nous poserons aux porteurs de projets.

Nous instruirons le mieux possible les dossiers, sachant qu'in fine, non seulement pour le choix de l'opérateur, mais aussi pour la sélection des projets les plus importants, le décideur sera le Premier ministre, et que nous opèrerons sous le double contrôle du Parlement et d'un conseil de surveillance.

Notre maîtrise des textes n'est à ce jour pas totale – tout cela est trop récent. Il me semble cependant que l'intérêt de votre commission et celui du Commissariat général sont liés : un droit de regard du Parlement étendu et facile à exercer sera le signe pour nous de bonnes conditions d'efficacité.

Compte tenu des nombreuses structures déjà existantes, notre institution est-elle superfétatoire ? Je ne le pense pas. Ainsi, en matière de développement durable, nous avons demandé à des spécialistes quelle pourrait être l'organisation de notre dispositif dans ce domaine : eh bien, nous avons retenu de la réunion que nous avons eue avec eux que même les spécialistes de ce secteur ne s'y retrouvaient plus !

J'aborde ma nouvelle tâche dans l'esprit qui a été le mien quand m'a été confiée la mission de médiation du crédit. Son succès a dû beaucoup au travail de mise en réseau de tous les acteurs. De ce fait, aucun n'a pu s'attribuer à lui seul la réussite d'une opération, puisque celle-ci a toujours été partagée. Nous n'excluons cependant pas de proposer quelques simplifications dans l'organisation de l'État. Dans certains cas, par souci d'efficacité, nous souhaiterions juste savoir avec qui nous travaillons : il n'est pas facile de contracter avec des interlocuteurs dont nous ne comprenons pas la nature réelle de la tâche.

Enfin, monsieur le rapporteur général, la conception que j'ai de la mission qui m'est confiée exclut toute automaticité entre le vote de crédits, même dotés d'un objet extrêmement précis, et leur versement à des opérateurs. J'ai exposé à tous les interlocuteurs que j'ai rencontrés, même lorsqu'ils sont des interlocuteurs uniques dans leur domaine, qu'ils n'avaient droit à rien, que les dossiers seraient instruits. Cela vaut particulièrement dans les secteurs comme l'aéronautique, l'automobile ou le nucléaire, où les acteurs sont peu nombreux. Je n'oublie pas mon expérience antérieure : les opérateurs devront d'abord nous montrer quels « écosystèmes » ils construisent et nous prouver qu'ils n'oublient pas les sous-traitants, quel que soit leur rang. Dans bien des cas, la réussite est la conséquence d'un assemblage. Bref, il n'y aura pas de « droit de tirage ». Et pour que les crédits puissent être refusés et que le Commissariat général soit crédible, les fonds doivent être alloués par tranches. Dans certains cas, cette méthode, je le sais, peut revêtir un caractère critiquable, voire artificiel, mais si un tel principe n'est pas posé d'entrée, aucun contrôle ne sera possible.

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