« Un banquier au service de la diplomatie française », avez-vous dit, monsieur Chassaigne. Je n'avais jamais formulé les choses ainsi, mais je ne récuse pas l'expression. Après tout, c'est une noble tâche !
Mon exposé était consacré à l'« enjeu climat », mais il est bien évident que notre coeur de métier reste le développement. L'AFD accorde au total 6,5 milliards d'euros de financement par an : sur cette somme, seuls 2 milliards sont consacrés à la lutte contre le changement climatique. Cela étant, le monde bouge, et nous ne pouvons rester en retrait à observer les choses !
Dans le cadre de nos fonctions à l'AFD, nous ne sommes pas des chercheurs, même si nous pouvons, individuellement, avoir eu une formation en ce sens. Bien que ce ne soit écrit nulle part, nous jouons de fait un rôle d'assembleur. Ainsi, l'agro-écologie, dont vous a parlé Denis Loyer, est une activité du CIRAD financée par l'AFD.
Nous sommes en symbiose intellectuelle avec nos collègues chercheurs. Nous formons une communauté de personnes passionnées par le développement et par la recherche ; la plupart des initiatives qui retiennent l'attention de l'un ou l'autre d'entre nous finissent par donner lieu à des projets. Nombre d'idées que nous professons sont empruntées à nos collègues chercheurs. Je reconnais que nos liens pourraient être mieux structurés, mais c'est très compliqué à réaliser. Un financier et un chercheur peuvent s'entendre ; toutefois, la prudence reste de mise, car le chercheur peut avoir le sentiment que le financier profite de sa position pour infléchir ses orientations de recherche.
D'autre part, la réorganisation actuelle de la recherche française montre combien le sujet est complexe. La France dispose d'immenses ressources scientifiques : l'IRD comme le CIRAD sont de véritables bijoux. Nous en sommes conscients, et y faisons chaque jour appel. Toutefois, il est indéniable qu'une organisation plus efficace permettrait de mieux les valoriser.
Quelles contreparties demandons-nous pour l'aide apportée en matière de forêts ? Il y a dix ans, nous avons décidé de nous adresser aux entreprises forestières – ce qui présentait un risque car on pouvait nous accuser de participer à l'exploitation de la forêt. Nous avons fait le pari que, si nous parvenions à les convaincre d'introduire dans leurs méthodes d'exploitation une dimension de durabilité, il était légitime de les financer et de leur attribuer des concessions correspondant à la part d'intérêt général qu'elles acceptaient de prendre en considération. Les grandes ONG environnementalistes ont fini par approuver notre démarche et ont décidé de la soutenir. La prochaine étape sera de convaincre les petits exploitants forestiers nationaux de faire de même.