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Intervention de François Aubart

Réunion du 14 janvier 2010 à 9h30
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière, CMH :

Je souhaite aborder devant vous les questions du financement – l'argent est le nerf de la guerre –, des structures, des hommes qui les animent et des malades.

Je commencerai par les hommes – et plus précisément par les femmes – en soulignant le rôle important des infirmières. Je voudrais dénoncer une ambiguïté. La notion de suppression de postes est une boîte de Pandore pleine de préjugés et de sous-entendus. À l'hôpital travaillent 82 000 médecins et 94 000 personnels administratifs. Les infirmières sont la cheville ouvrière de la qualité des soins, même si cette dernière est imprévisible. Il me paraît important de le souligner, dans un contexte de contraintes financières durables. Les récents propos tenus par le Président de la République à Perpignan, le 12 janvier 2010, qui engagent tous les hôpitaux publics à équilibrer leurs comptes en 2012, sont quelque peu irréalistes car il faudrait d'abord équilibrer le budget de l'État… Parce qu'ils mettent une pression considérable sur l'hôpital ces propos sont aussi contre-productifs. La Coordination médicale hospitalière considère les effectifs, l'évolution, la promotion et les formations des infirmières comme une chasse gardée. Si nous voulons apporter sinon de la sérénité, tout au moins du sens au principe de réduction des effectifs, disons-le clairement : aucun poste d'infirmière ne doit être supprimé à l'hôpital.

J'en viens aux médecins. L'hôpital n'est pas la somme des statuts, bien que le rapport demandé par la ministre de la santé et présenté par M. Élie Aboud porte sur « la promotion et la modernisation des recrutements médicaux à l'hôpital public ». Sur les 41 000 praticiens hospitaliers en exercice, beaucoup ont déjà de nombreuses années de carrière. Ce qui importe aujourd'hui, c'est l'avis des jeunes médecins. Les éléments qui doivent prévaloir pour attirer l'excellence à l'hôpital sont moins quantitatifs que qualitatifs. La modularité de la carrière est un élément important. Imaginer que l'on occupera la même fonction pendant près de trente ans est forcément démotivant. Est-il supportable pour un médecin urgentiste d'imaginer qu'il restera aux services des urgences de l'hôpital de Poissy toute sa vie ? Il faut donc s'intéresser davantage à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Il faut également ouvrir des chantiers tabous, comme le temps de travail, et faire évoluer un statut qui date de 1983 et n'a d'unique que le nom. Ce statut prévoit des rémunérations variables, mais qui sont attribuées de manière totalement opaque, ce qui entraîne des rapports de force permanents entre les spécialités, les disciplines et les situations locales.

J'en viens aux structures. Notre organisation n'a pas condamné la loi du 29 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. La création des agences régionales de santé et l'organisation territoriale de la santé étaient indispensables. Ce n'est pas au niveau d'un établissement que l'équilibre financier doit être obtenu, mais au niveau d'un territoire. C'est le seul moyen de bien répartir les missions, les plateaux techniques, les équipes et les hommes. Certains établissements sont contraints à des dépenses plus importantes que d'autres, qui réaliseront de meilleures recettes. D'où l'intérêt d'une gestion territoriale.

Je reviens sur le caractère boiteux de la tarification à l'activité, qui tient compte uniquement des actes techniques. Quant à la classification commune des actes médicaux (CCAM) cliniques, elle n'a cessé de péricliter, du fait des groupes de pression et intérêts divers. À l'hôpital, il n'y a pas que des actes techniques et cliniques : les échanges entre le malade et le soignant ne relèvent pas de l'acte marchand. Cet élément, très subtil, doit également être pris en compte. D'autant que si l'hôpital bénéficie d'un financement socialisé – dont vous êtes, en tant que parlementaires, les garants – le secteur privé a la capacité de sélectionner à la fois les pratiques, les praticiens et les patients, ce qui, naturellement, rend la comparaison impossible.

Le temps de travail est un sujet tabou. Mais là encore, nous sommes devant un paradoxe : les médecins qui travaillent pendant leur temps de RTT côtoient les mercenaires, ceux qui font des heures supplémentaires, et, parmi les personnels non médicaux, de jeunes retraités qui reviennent travailler à l'hôpital en tant qu'intérimaires. Cette incohérence est préoccupante. Il faut mettre à plat les temps de travail des uns et des autres, sans toutefois remettre en cause les principales garanties. Mais notre système est mourant, il faut le remettre sur pieds.

Je terminerai par les malades. À l'hôpital, même si elle est imprévisible, la qualité est au centre du management. Mais nous ne disposons pas d'indicateurs suffisants pour garantir aux patients cette fameuse « bientraitance » à laquelle nombre d'acteurs travaillent actuellement. De quelle façon traduire dans les engagements des équipes médicales la qualité des prestations, des compétences, des services rendus ? Les recertifications pourront-elles garantir cette qualité durant toute une carrière ? Un jeune chef de clinique qui, à un moment donné, choisit de s'établir en secteur 2, dans un établissement privé, disposera d'un droit de tirage tout au long de sa carrière. À l'hôpital comme en ville, que l'on utilise ou non le terme de recertification, il faudra bien un jour évaluer la qualité, la compétence et l'engagement des médecins.

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