Dans une récente enquête, 45 % des 2 000 praticiens que nous avons interrogés afin de connaître l'attractivité du statut de praticien hospitalier, se disent satisfaits d'avoir choisi l'hôpital public, contre 60 % il y a dix ans.
Cette audition tombe à pic, car 2010 sera l'année d'une nouvelle loi de santé publique. À ce titre, nous ouvrirons prochainement des négociations statutaires.
Quant à la loi du 29 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, nous n'y étions pas totalement favorables, car l'hôpital a connu en vingt ans vingt-six réformes, qui écartent souvent les médecins, pourtant partie prenante du fonctionnement de l'hôpital. Cela étant, la réforme initiée par M. Jean-François Mattei était intéressante.
Nous savons que l'hôpital connaît des difficultés. À l'Intersyndicat, nous n'avons rien contre les réformes, à condition qu'elles soient nécessaires. Mais la loi du 29 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires n'est pas la réponse que nous attendions. S'agissant de la gouvernance, par exemple, il est clair que trop de management tue le management. Les règlements tatillons gênent les praticiens, qui se voient comme des prestataires de services. C'est dommage. Nous essaierons de proposer certaines améliorations lors de l'examen de la prochaine loi afin d'accroître la place des praticiens au sein de la commission médicale d'établissement et du directoire.
Selon notre enquête, les praticiens choisissent l'hôpital public pour l'engagement de service public, le fait de faire partie d'une équipe et l'implication au sein d'un système qui permet de construire des projets. Ils doivent donc être intégrés au management de l'hôpital. Sur ce point, nous devons être prudents. Les praticiens ont l'impression que le système fonctionne avec deux têtes – d'un côté ceux qui gouvernent, de l'autre ceux qui soignent – ce qui provoque un turn over très regrettable. J'ai rencontré cette situation au sein du pôle que je dirige au Centre hospitalier universitaire de Nantes, et il est extrêmement difficile, dans ces conditions, de mener à bien nos projets, d'autant que le centre hospitalier universitaire connaît des difficultés financières majeures.
La place du praticien et l'existence d'un contre-pouvoir sont donc primordiales, et sur ce point la loi du 29 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires n'est pas satisfaisante. Comme vous le savez, l'hôpital est administré de façon verticale : le ministre nomme le directeur, qui lui-même nomme le directeur de pôle, qui choisit ses collaborateurs. Ce système comporte des risques, d'autant plus grands que le système hospitalier est complexe.
La deuxième préoccupation importante des praticiens est la logique comptable qui prévaut dans les établissements hospitaliers. Les praticiens, qui sont conscients et responsables, savent bien que l'argent est compté, mais il leur est difficile d'admettre des suppressions de postes uniquement justifiées par le retour à l'équilibre financier, sans que l'on tienne compte de la nécessité d'apporter les soins nécessaires à tous les patients. Cette logique est très préoccupante, car l'hôpital public a vocation à soigner tout le monde et, sauf si nous n'avons plus de lit disponible, nous ne laissons jamais un malade au bord de la route. Ce n'est pas la même chose dans le système libéral. Le risque de cette logique purement comptable est de voir l'hôpital pratiquer la sélection des patients et réduire la qualité des soins, ce qui, pour les médecins que nous sommes, est insupportable. Si cette logique perdure, nous nous tournerons vers un système qui nous donnera la possibilité de soigner en accord avec notre idéologie, notre éthique et notre indépendance professionnelle.
Il faut veiller à associer le maximum d'acteurs, en particulier les médecins, aux projets de l'établissement. La logique comptable nous conduit à supprimer quarante postes, soit, mais encore faut-il savoir où les supprimer ! Contrairement à d'autres domaines de la fonction publique, l'hôpital est confronté, s'il veut assurer la permanence des soins, à la précarité et à des obligations qui renvoient les médecins à leur vocation, qui consiste à soigner tous les patients. Nous avons fini par accepter la réforme initiée par M. Jean-François Mattei. Pourquoi la loi du 29 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires remet-elle en cause les conseils de pôle, qui sont indispensables ? Comment faire fonctionner un pôle si les médecins n'y sont pas associés ? Le rapport remis à la ministre de la santé et des sports, au mois de juillet 2009, par M. Élie Aboud sur la promotion et la modernisation des recrutements médicaux à l'hôpital public comporte un certain nombre de propositions intéressantes, mais il y a urgence, compte tenu des difficultés démographiques dont souffrent certaines spécialités.
Nous, médecins publics, n'avons pas vocation à être les parents pauvres du système de santé. Nos jeunes collègues, internes et chefs de clinique, ne comprennent pas pourquoi ils seraient privés d'une telle manne. Nous aimons notre métier, nous avons envie de faire partie d'une équipe. La question de la rémunération, si elle n'est pas essentielle, est réelle, dans un monde où l'argent tient une place importante. En matière d'harmonisation et d'évolution statutaire, nous devons avancer. Nous sommes attachés à un statut national des praticiens, comportant des responsabilités et des rémunérations contractuelles, sur la base du volontariat et de l'indépendance professionnelle. L'enquête que nous avons menée montre que 80 % des praticiens sont défavorables à une rémunération exclusivement à l'activité. Nous estimons que l'intéressement lié à l'activité et une rémunération prévoyant une part forfaitaire et une part contractuelle peuvent être acceptés, à condition que cela soit effectué en toute transparence et en toute indépendance.
Dans notre système actuel de management, le directeur occupe la « pole position » en matière de recrutement. De par ma fonction à l'Intersyndicat, je travaille depuis fort longtemps avec les directeurs : j'entretiens avec eux un dialogue responsable. Ce n'est pas en nous opposant les uns aux autres que nous avancerons, et c'est bien le reproche que je fais à la loi du 29 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Le directeur n'est rien sans les médecins. S'il assume correctement son rôle de manager, il peut être d'une grande utilité. Mais ne lui donnons pas tous les pouvoirs. Il faut instaurer des contre-pouvoirs.
Pour assurer le parcours du patient, les agences régionales de l'hospitalisation jouent parfaitement leur rôle. Le domaine de la santé compte différents acteurs : l'hôpital, mais également les soins ambulatoires. Ceux-ci doivent être développés. Notre système de soins est trop hospitalo-centré. Il faut développer les articulations entre médecine générale et spécialiste, entre les soins médicaux et paramédicaux, entre les structures sanitaires et médico-sociales. Les praticiens souhaitent être davantage impliqués au sein des agences régionales de santé, pour donner à celles-ci une plus grande tonalité médicale, éviter les doublons et faciliter les restructurations.