Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Éric Woerth

Réunion du 20 janvier 2010 à 13h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état :

Le présent projet de loi intervient à un moment charnière. La page de la crise ne sera évidemment pas tournée en un jour. Si les répercussions de celle-ci sont profondes, nous pouvons toutefois observer – en restant très prudents – nombre de signes avant-coureurs de son achèvement. Ainsi la réduction du déficit budgétaire en 2009 par rapport aux prévisions – extrêmement sombres – est-elle encourageante. La sortie de crise doit être confortée par des investissements : tel est le principal objet du collectif. Porteur de croissance pour demain, il est conforme aux engagements pris par le Président de la République et la majorité il y a quelques mois.

L'exécution de l'exercice 2009 du budget de l'État s'achève par un déficit de 138 milliards d'euros. Si ce montant est supérieur d'un peu plus de 80 milliards d'euros à celui de 2008, il représente, par rapport aux prévisions de la loi de finances rectificative de fin d'année, une amélioration de près de 3 milliards d'euros : 138 milliards contre 140,9 milliards.

Les raisons de la dégradation du déficit budgétaire sont assez simples. L'impact de la crise sur les recettes représente 40 milliards d'euros environ de diminution des recettes, réparties en 35 milliards d'euros de recettes fiscales et 5 milliards d'euros de recettes non fiscales, notamment de dividendes. Le montant des sommes destinées à la relance de l'économie – le plan de relance – et consommées en 2009 représente quant à lui 37 milliards d'euros environ.

L'amélioration du déficit de 3 milliards d'euros par rapport aux dernières prévisions tient à des dépenses moindres de 1 milliard d'euros. Cette réduction est due en partie au décalage constaté dans le paiement de certaines dépenses des fonds du plan de relance. Ainsi, 800 millions d'euros – qui ne constituent donc pas une économie budgétaire – sont reportés sur l'année 2010. En revanche 250 millions d'euros correspondent à une maîtrise accentuée des dépenses courantes. Et en fin d'année, c'est 2,5 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires qui ont été constatées par rapport aux prévisions.

Hors plan de relance, et avant le remboursement de 2 milliards d'euros de dette ancienne de l'État envers la sécurité sociale – la diminution des dépenses a en effet été affectée à cette action –, nous parvenons à diminuer en valeur les dépenses de l'État de 0,2 % par rapport à 2008.

Pour anticiper toute critique, j'expliquerai cependant que, quelle que soit son importance, la diminution de la charge de la dette n'explique pas intégralement la diminution de 2,2 milliards d'euros des dépenses de l'État en 2009 par rapport au plafond de dépenses instauré en loi de finances initiale. Y contribue également un effort de maîtrise de la dépense. Si, dans un sens favorable, nous bénéficions des taux peu élevés qui conduisent, malgré l'augmentation du déficit, à une baisse de charge de la dette de 5,4 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la LFI, inversement, parmi les éléments défavorables figure l'augmentation très dynamique de dépenses exceptionnelles ou liées à la crise : 1,3 milliards d'euros au titre des dotations à la sécurité sociale, plus de 1 milliard d'euros pour la contribution de la France au budget de l'Union européenne par exemple. Les autres postes de dépenses sont, quant à eux, globalement tenus.

Je l'ait dit, la diminution des dépenses – hors plan de relance –a été affectée au remboursement de la dette de l'État envers la sécurité sociale – à hauteur de 2 milliards d'euros ouverts en collectif de fin d'année – et à une diminution supplémentaire du déficit de 250 millions d'euros par rapport aux prévisions dudit collectif.

Le coût budgétaire du plan de relance est globalement inférieur aux prévisions : 37 milliards d'euros environ contre 38,6 milliards d'euros prévus. Si les engagements de dépenses sont conformes aux prévisions, le léger décalage du calendrier de paiement de certaines dépenses a pour conséquence la diminution de 800 millions d'euros que j'ai déjà évoquée.

S'agissant des recettes, nous ne connaissons pas encore le coût définitif des mesures fiscales du plan de relance, mais la mensualisation du remboursement de la TVA pourrait cependant être moins coûteuse que prévu : 6 milliards d'euros contre 6,5 milliards attendus.

En ce qui concerne les prêts, les constructeurs automobiles ont bénéficié de 6,25 milliards d'euros. Deux cent millions d'euros de « prêts verts », qui n'ont pu être versés en 2009, le seront dans les prochaines semaines.

L'exécution budgétaire fait aussi ressortir une amélioration de 2,5 milliards d'euros de recettes fiscales.

Le déficit public devrait s'établir aux environs de 7,9 % en 2009. C'est une amélioration de 6 milliards d'euros par rapport à une prévision initiale de 8,2 %. Ce montant n'est pas négligeable : c'est l'équivalent du budget du ministère de la justice !

Quels projets le présent projet de collectif traduit-il ?

Le financement des investissements d'avenir est conforme à la fois aux engagements du Président de la République et aux conclusions de la commission présidée par les anciens Premiers ministres Alain Juppé et Michel Rocard. Sur le budget de l'État, 35 milliards d'euros de crédits supplémentaires sont ouverts. Les conditions d'ouverture de ces crédits sont elles aussi conformes à l'esprit des recommandations de la commission Juppé-Rocard. Le nombre de priorités est limité : 19 milliards d'euros sont affectés à l'enseignement supérieur et à la recherche, 6,5 aux filières industrielles et aux PME, 5 au développement durable et 4,5 à l'économie numérique. Nous recherchons par ailleurs un effet de levier auprès d'acteurs privés.

Monsieur le président, le rapport remis par la commission évoquait un pourcentage de 60 % d'investissements « non consommables ». Notre répartition va au-delà de cette recommandation : la somme des dotations non consommables, des prêts et des prises de participation représente 63 % environ des crédits ouverts. L'ajout du montant des avances remboursables conduit à un pourcentage de 72 % de crédits considérés comme non consommables.

Quels choix avons-nous retenus pour le financement des investissements d'avenir ? Alors que, sans aucun doute, le décaissement de ces 35 milliards d'euros s'étalera sur plusieurs années, en fonction des projets, nous les avons ouverts d'un seul coup. Nous avons aussi fait le choix de nous appuyer sur des opérateurs, dans des conditions de gouvernance renforcée. La conduite des projets passera par des opérateurs reconnus dans leur domaine. Il ne s'agissait pas de réinventer un dispositif de porteurs de projets : comment contourner l'Agence nationale de la Recherche, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, Oséo, et bien d'autres encore ?

Il aurait été également dangereux de faire coexister de manière durable le financement des investissements d'avenir et celui des budgets ordinaires des ministères. Ces investissements, qui s'inscrivent dans la durée et ne sont par là en rien comparables au plan de relance – qui correspond à une vision à court terme –, devaient être sécurisés. Si nous avions décidé de déployer annuellement les crédits au titre des investissements d'avenir, nous aurions couru à terme le risque d'une porosité entre ces crédits à caractère exceptionnel et les crédits annuels.

L'information du Parlement sera garantie : l'un des articles du projet de loi prévoit l'élaboration d'un « jaune » budgétaire, annexé chaque année au projet de loi de finances initiale, sur les conditions de mise en oeuvre des crédits et les résultats obtenus.

Monsieur le président, conformément à ce que je crois être vos souhaits, les crédits ouverts au titre des dépenses reliées à l'emprunt sont regroupés au sein de nouveaux programmes, créés au sein des « missions » déjà définies par le budget. La création de ces programmes permet d'assurer une bonne lisibilité des politiques publiques. Leur présentation est assortie d'une justification des dépenses au premier euro, d'objectifs et d'indicateurs de performance.

La mise en oeuvre des investissements d'avenir implique l'instauration d'une gouvernance propre. À cette fin, un Commissariat général à l'investissement, chargé de la coordination des travaux interministériels, est créé. Il sera piloté par M. René Ricol, sous l'autorité du Premier ministre. Des conventions liant l'État, les opérateurs et les organismes acteurs de la dépense définiront précisément le cadre d'emploi des fonds. Des indicateurs de mesure seront évidemment mis en place, de même que des modalités d'instruction des dossiers. Chaque fois, l'État aura un droit de décision en dernier ressort. Un comité de surveillance des investissements sera mis en place et il constituera, en quelque sorte, le prolongement de la commission qu'ont présidé MM. Alain Juppé et Michel Rocard.

La charge des intérêts de l'emprunt national est compensée dès cette année par une réduction supplémentaire des dépenses de fonctionnement des ministères. Pour financer, par la voie du projet de loi de finances rectificative, les ouvertures de crédits destinés aux investissements d'avenir, la mobilisation du remboursement par les banques des prêts qui leur avaient été consentis – 13 milliards d'euros – nous permet de limiter à 22 milliards d'euros le montant du recours à l'emprunt. La charge d'intérêts entraînée en 2009 par cet emprunt est estimée à 500 millions d'euros environ. Pour en neutraliser le coût, 500 millions d'euros de crédits destinés aux ministères sont donc annulés, sans qu'il soit touché à la réserve de précaution.

L'impact sur le déficit public en 2010 est enfin limité à 2,5 milliards d'euros, soit 0,1 point de PIB. En effet, la majorité des dépenses n'impactent pas le déficit au sens du Traité de Maastricht et leur décaissement est étalé sur plusieurs années.

Le troisième volet de ce collectif est constitué par la révision à la hausse des prévisions de recettes pour 2010, de 1 milliard d'euros pour les recettes non fiscales et de 2,1 milliards d'euros pour les recettes fiscales.

La hausse des recettes non fiscales est la conséquence d'un jugement du Tribunal de première instance de l'Union européenne sur le régime fiscal dérogatoire de France Télécom. En application de ce jugement, France Télécom doit un milliard d'euros à l'État.

Les nouvelles prévisions de recettes fiscales ont pour origine trois facteurs principaux. Le premier est la traduction de la décision du Conseil constitutionnel relative à la taxe carbone ; le non prélèvement consécutif de la taxe carbone sur les entreprises induit une diminution des recettes de 1,5 milliard d'euros – en revanche, l'annulation du prélèvement sur les ménages n'a pas d'incidences fiscales, la loi ayant prévu sa compensation. S'ajoute le non-encaissement de recettes, à hauteur de 700 millions d'euros, dû à la décision prise par le Conseil constitutionnel quant au régime des BNC au regard de la taxe professionnelle.

Le deuxième facteur a pour origine l'exécution budgétaire de 2009, meilleure que prévue, et la révision à la hausse de la prévision de croissance pour 2010, à 1,4 % au lieu de 0,75 %. À ce titre, l'amélioration des recettes fiscale est de 3,6 milliards d'euros, due pour 2,3 milliards d'euros à un « effet base », celui de 2009, et pour 1,3 milliards d'euros à de meilleures rentrées de TVA et à l'amélioration de la prévision de croissance.

Enfin – et c'est le troisième facteur –, le projet de collectif prend en compte les recettes attendues de la régularisation des situations d'évasion fiscale, et ce pour un montant de 700 millions d'euros. Ces résultats montrent que, pour les caisses de l'État, la politique de lutte contre la fraude porte ses fruits de manière sonnante et trébuchante.

Par ailleurs, le coût de l'allégement des cotisations sociales sur l'emploi des travailleurs occasionnels dans le secteur agricole, décidé en application du discours du Président de la République aux professions agricoles, s'élève à 168 millions d'euros. Ce montant, qui correspond au remboursement par l'État auprès des organismes de sécurité sociale du montant de cet allégement, est entièrement financé par des annulations de crédits des ministères.

Au total, le déficit budgétaire pour 2010 devrait s'élever à 149,2 milliards d'euros. Le déficit public pour l'année 2010 devrait représenter 8,2 points de PIB au lieu de 8,5 comme le prévoyait le projet de loi de finances initiale. Cette amélioration est due à la prise en compte - prudente – de la réduction du déficit prévu en 2009, aux conséquences des annulations décidées par le Conseil constitutionnel, aux impacts du financement des investissements d'avenir – pour 0,1 point de PIB – et à la révision des perspectives de croissance. D'où une diminution du déficit pour 2010 égale à 0,3 point de PIB par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

Enfin le taux d'endettement public devrait s'établir à 83,2 % du PIB au lieu des 84 % prévus. L'explication en est qu'une croissance plus importante a pour conséquence un PIB en hausse, un déficit inférieur et donc des charges d'emprunt en diminution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion