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Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 20 janvier 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Bignon :

M. Dominique Dord a souhaité que l'approche par régime, dont on ne peut se passer, soit complétée par une approche globale permettant plus de cohérence, sur le modèle de ce que j'ai suggéré au travers de la lutte contre la pauvreté des enfants. Pour répondre à sa demande, je propose comme autres thèmes le vieillissement actif, l'égalité des chances – au-delà du seul aspect des relations entre les hommes et femmes – et les solidarités intergénérationnelles.

Mme Carrillon-Couvreur m'a demandé ce que faisaient les autres pays confrontés au problème des mères isolées. Pour sa part, le Royaume-Uni s'est beaucoup préoccupé des questions d'éducation, considérant que c'est l'échec scolaire au cours des premières années qui amène un certain nombre de jeunes filles à tenter de sortir du système scolaire en ayant un enfant précocement. Mais il est bien difficile d'améliorer la qualité du système scolaire de manière horizontale et les Britanniques ne sont guère satisfaits des résultats obtenus.

La France est en pointe dans la réflexion sur la dépendance et c'est elle qui a mis en évidence la notion de « cinquième risque », à partir de l'idée que l'on ne pouvait s'en remettre à une évolution spontanée pour le prendre en charge. Elle est suivie en cela par un certain nombre de pays, de tradition bismarckienne ou latine, qui jugent intéressant de structurer la réponse dans un cadre public, plus décentralisé toutefois qu'il ne l'est pour les autres risques. Le Luxembourg et, surtout, la Belgique, me paraissent avoir une approche intéressante de la question.

M. Rolland est revenu sur la politique familiale. Bien sûr, nous ne sommes qu'au neuvième rang en Europe au regard de la pauvreté des enfants, mais on ne saurait oublier les succès obtenus en matière de fécondité, qui sont aussi un effet de notre politique familiale. J'ajoute que, dans beaucoup de pays, on a pensé que les mères célibataires ne travaillaient pas en raison des difficultés d'accéder aux crèches, les frais de garde absorbant souvent la quasi-totalité du premier salaire. Mais en France, en dépit d'un système de garde assez accessible, on ne parvient pas à lutter contre la pauvreté des familles où aucun adulte ne travaille. L'accès à l'emploi reste donc tout à fait prioritaire, car nous sommes dans un pays où le marché du travail est particulièrement dur pour les personnes qui en ont été éloignées pendant longtemps ; un pays où l'accès à la formation professionnelle est presque inexistant pour ceux dont le bagage initial est mince ; un pays où, dès lors que l'on signe un contrat précaire, on n'est pas couvert par les accords professionnels, ce qui réduit, de facto, le rôle des partenaires sociaux. De ce point de vue, il me semble que la création de Pôle emploi n'est pas une mauvaise chose car elle permet de regrouper des régimes jusqu'ici totalement séparés.

En matière d'évaluation, de très bons travaux sont menés aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Belgique. Il y a, sans nul doute, des enseignements à en tirer.

On peut craindre en effet, monsieur Jean-Pierre Door, que la protection sociale soit trop réparatrice et pas assez « activante ». Sans abandonner l'idée de réparation, sans aller aussi loin que les Britanniques dans la conditionnalité de l'accès aux prestations au fait de se mettre au travail, ce qui ne fait qu'aggraver le phénomène des travailleurs pauvres, on peut s'interroger sur toutes les politiques d'accompagnement, ce dernier étant d'ailleurs un des points faibles du revenu de solidarité active. Il faut donc bien donner la priorité à une politique active, pour les seniors mais aussi pour les jeunes.

M. Tian m'a interrogé sur la place des partenaires sociaux dans la redistribution sociale et il a souhaité une plus grande implication des caisses d'allocation familiales dans la politique familiale. Mais ces dernières s'occupent de la redistribution et pas du tout de l'accès au marché du travail ; elles ne peuvent donc intervenir en faveur d'une véritable amélioration de la lutte contre la pauvreté des enfants.

Les partenaires sociaux sont présents dans de nombreuses instances qui ont compétence pour la gestion de la protection sociale, mais leur influence réelle sur cette gestion est très faible. Il faut revoir ce que recouvre le paritarisme, qui a beaucoup vieilli. Partout en Europe, on s'interroge sur son rôle effectif, même si sa signification symbolique demeure forte, les prélèvements sociaux étant effectués dans le cadre du monde du travail. De ce point de vue, l'AGIRC-ARRCO est exemplaire, puisqu'il s'agit d'un régime conventionnel mais, de fait, légal, géré par les partenaires sociaux mais soumis à des orientations très contraignantes de l'État. Il me semble que c'est en pensant à des organisations de ce type que l'on doit pouvoir aller vers plus de responsabilités, au sein d'un cadre défini par des règles d'intérêt général.

Vous vous êtes demandé, madame Delaunay, comment apprécier les possibilités de sortir de la répétition de la pauvreté. Le taux d'échec scolaire est en la matière un indicateur très suivi et, malheureusement, particulièrement stable. Il faut regarder de près comment s'y prennent les pays où le taux d'échec scolaire est inférieur de moitié au nôtre, mais aussi analyser ce qui fait le succès, en France, de l'école de la deuxième chance, par exemple, qui présente un taux de réinsertion étonnant. Cela conduit aussi à se demander comment mettre en relation les institutions marginales, mais qui réussissent, avec les institutions centrales. Il existe également d'autres indicateurs, que je n'ai pas cités, sur le taux d'accès à l'enseignement supérieur en fonction de la catégorie socioprofessionnelle des parents ou sur la possibilité d'échapper à la reproduction familiale.

Pour qu'il y ait moins de familles où aucun adulte ne travaille, il faut d'abord que le marché du travail crée des emplois. Il ne me semble pas que l'on puisse suivre la voie que vous avez suggérée car elle conduirait de fait, afin de préserver l'existant, à stopper l'amélioration de la productivité, donc de la qualité et de la rémunération des emplois.

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