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Intervention de Jean-Philippe Cotis

Réunion du 19 janvier 2010 à 17h00
Commission des affaires sociales

Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE :

La notion est relative. Il y a évidement un seuil absolu. Mais, selon les études, une partie de la satisfaction tient aussi à la manière dont on se situe par rapport aux autres. Le sentiment de pauvreté relative est important à cet égard.

Les études sur le bien-être ont donné lieu à des travaux de très grande qualité. La psychologie expérimentale se développe très vite, et nous allons pouvoir mobiliser des méthodes rigoureuses pour aborder des sujets considérés jusqu'à présent comme flous.

Ainsi, au sein de la commission, un universitaire anglais donnait un exemple de question posée : « Vous perdez votre portefeuille et une personne, ayant la même conception de l'honnêteté que vous, le retrouve. Pensez-vous que vous récupérerez votre portefeuille ? » En Italie et en France, seulement 10 % des personnes répondaient oui. En Suède, le taux était de 90 %. Cette question fournit un indice de capital social, c'est-à-dire de la confiance que l'on se fait les uns aux autres ; or, la confiance est un facteur de bien-être important. Ainsi au-delà des données sanitaires, la prise en compte, dans la mesure de l'incidence des maladies cardio-vasculaires, d'une variable liée au climat de confiance sociale fait apparaître des écarts significatifs. L'incidence plus élevée de ces maladies en Italie et en France, par exemple, s'explique en partie par le fait que le capital social n'y est pas bon.

Les économistes, les économètres et les statisticiens sont capables d'objectiver et de quantifier un nombre croissant de phénomènes sociaux. Les études sur le bien-être sont en phase de décollage et nous allons, dans les prochaines années, apprendre beaucoup de choses utiles pour la conduite des politiques publiques.

Une question a été posée sur les évolutions séculaires. Faute de données, la rétropolation est malheureusement impossible. Nous nous efforcerons, en revanche, de réunir des séries de données utiles pour nos enfants et petits-enfants.

Des travaux récents semblent montrer que les prestations sociales – assurance maladie ou éducation – ont en France un rôle de redistribution très fort. Les prestations en nature ont un impact positif sur le revenu des 40 % de nos concitoyens qui se situent en bas de la distribution. La dépense est, en revanche, bien moins redistributive pour les trois autres quintiles. Selon ces travaux, la redistribution passe donc davantage par la dépense que par la pression sociale et fiscale. Ce résultat, que l'on n'attendait pas a priori, est intéressant.

L'exercice, auquel nous nous livrons pour la première fois, et qui a duré deux ans, est compliqué car il exige à la fois des données fournies par des enquêtes très structurées auprès des ménages et un appareil administratif très centralisé, permettant de disposer de toutes les données de revenus. La position centrale de l'INSEE, qui gère des fichiers pour l'État au coeur de l'administration, lui permet de combiner les sources. Cette situation a peu d'équivalents dans les pays étrangers, où les instituts de statistiques ont besoin de plus de temps pour collecter des informations moins centralisées.

À propos de la non-linéarité au sein du décile supérieur de la répartition des revenus, il est intéressant de souligner que, si l'on s'en tient à la frontière de ce dernier centile, l'évolution est faible. En revanche, si l'on entre dans ce dernier centile, c'est spectaculaire et l'évolution est très forte sur la décennie écoulée – même si elle n'atteint pas les proportions des pays anglo-saxons. Il faut mentionner aussi le fait que certaines personnes n'y apparaissent pas dans ce dernier centile, car elles se sont expatriées – en Suisse ou ailleurs. On y trouve ainsi très peu de sportifs. Ce dernier centile a capté trois quarts de point de PIB de plus au cours de la décennie, ce n'est pas anecdotique. Une telle déformation, que l'on retrouve dans l'ensemble des grands pays industriels, est sensiblement plus forte aux États-Unis, où elle a commencé plus tôt.

Quant à savoir quel est le niveau géographique optimal pour la mesure des inégalités, il semble que le département et le canton soient des échelles intéressantes, mais je ne suis pas certain que nous ayons encore une doctrine ferme en la matière. Nous avons d'importants projets de statistiques territorialisées, notre ambition étant d'investir sur le champ départemental et régional. Nous utilisons aussi les zones d'emploi, dont la carte vient d'être révisée. Une réflexion est en cours à l'INSEE sur la distribution à l'échelle locale, notamment au sein d'un groupe de travail du Conseil national de l'information statistique.

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