Vous rappelez dans votre rapport combien l'Union européenne valorise les « chartes de qualité » et les « codes de bonne conduite », dont vous vantez même la « force morale », et le fait qu'ils constituent, selon vous, « l'un des meilleurs moyens de protéger le consommateur contre les abus dont ils pourraient être victimes dans le cadre des ventes à distance».
Nous restons pour notre part dubitatifs face à cette croyance dans la moralisation du capitalisme sans contrainte. Cette croyance n'est rien d'autre qu'un pas de plus dans la pensée libérale et ne propose qu'un laisser faire supplémentaire. Ne vous en déplaise, nous restons attachés à la loi et à la contrainte d'intérêt général qu'elle seule peut porter. C'est bien par elle que la meilleure protection des consommateurs peut être assurée.
Je ne prendrai qu'un exemple, un point spécifique sur lequel à mon sens votre texte mérite d'être considérablement amélioré, celui de la protection des consommateurs ayant passé commande auprès d'un professionnel en situation de liquidation judiciaire.
Il est urgent de mettre en place, et ce texte devrait le permettre, des mesures adaptées. Nous avons tous en mémoire l'abandon des clients de cette belle entreprise que fut la CAMIF. Mais ce n'est là qu'un exemple marquant parmi beaucoup d'autres, sans doute moins médiatisés. Nous avons le devoir d'agir. Il revient au législateur de prévoir les modalités qui permettront aux clients, soit d'obtenir livraison des produits commandés, soit de se faire rembourser les sommes versées, même en cas de liquidation judiciaire.
Lorsqu'une entreprise fait faillite, les stocks dans les entrepôts – l'on peut raisonnablement penser qu'il en reste encore un peu – ne devraient pas être gelés, mais servir à honorer les commandes. Une telle mesure permettrait de reconnaître que les biens stockés par l'entreprise qui ont déjà fait l'objet d'un acte d'achat appartiennent aux clients qui en ont passé commande.
Nous devons par ailleurs progresser sur la question de la création d'une « garantie financière » pour les professionnels travaillant dans le champ de la vente sur commande. Cette garantie, qui existe dans d'autres secteurs d'activité, servirait à indemniser les consommateurs. Pourquoi, par exemple, ne pas avancer sur l'idée d'un fonds de garantie de la vente à distance abondé par les entreprises du secteur ? L'idée d'une assurance obligatoire à l'égard des clients devrait trouver un écho favorable dans la représentation nationale, même si cela n'est pas facile notamment au regard de l'implantation des entreprises de vente à distance, en particulier au sein de l'Union européenne. Nous avons cependant le devoir d'y réfléchir.
Face à ces propositions formulées par de nombreuses associations de consommateurs, et qui me semblent répondre à un problème bien réel, le Gouvernement a proposé de s'orienter vers une solution non contraignante pour les entreprises. Vous préférez trop souvent favoriser des solutions du type label et promouvoir des démarches de pur volontariat de la part des professionnels du secteur.
Le 29 juin 2009, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État à l'économie numérique, et la Fédération e-commerce et vente à distance, la FEVAD, ont ainsi lancé une nouvelle marque de confiance pour les sites comparateurs. Cette charte de confiance est destinée à «renforcer la qualité et la transparence des services proposés » et à « garantir l'actualisation des informations, la transparence des modes de classement utilisés et une information complète sur les prestations proposées par les sites marchands ».
Mais que faire lorsqu'un site ainsi labellisé ne répond pas aux normes volontaires ?
Que faire lorsque les « 48 heures chrono », affichées en engagement marketing ne sont pas respectées?
Les mesures de ce type nous semblent plus cosmétiques que réellement protectrices pour les consommateurs. Il faut passer de la communication à la protection des consommateurs.
Il n'est pas possible d'abandonner la création de garanties financières au bon vouloir des professionnels du secteur. On peut douter en effet que des entreprises dont la santé économique n'est pas assurée ou qui traversent une mauvaise période choisissent de cotiser à un fonds de garantie. Le volontariat n'est pas une solution réaliste.
En réalité, il est urgent d'instaurer dans la loi un système permettant de s'assurer que les clients ne sont pas lésés par la faillite d'une entreprise. Il n'est pas normal qu'un client qui a payé un bien ou un service se retrouve pénalisé par la procédure de liquidation judiciaire, en même temps que l'entreprise fautive concernée par cette procédure. La création d'une garantie financière pour les professionnels du e-commerce et l'instauration d'un principe simple, selon lequel le paiement de la commande ne peut être encaissé par le professionnel qu'après la livraison effective du produit ou du service commandé, constitueraient de véritables avancées et introduiraient de réelles améliorations dans le code de la consommation.
Votre proposition de loi part d'un constat partagé, mais elle n'offre pas de solution satisfaisante malgré le travail de la commission. Une telle proposition mérite néanmoins un vrai débat pour inventer des règles susceptibles d'améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens en les protégeant. Vous le savez, le groupe SRC a fait de nombreuses propositions en ce sens, comme l'action de groupe. Vous nous trouverez toujours volontaires pour travailler avec vous à l'amélioration des droits des consommateurs, dans le respect des équilibres. C'est pourquoi j'espère que vous saurez accueillir favorablement nos amendements afin de faire avancer la cause du droit des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)