Plus sérieusement, cela vient d'être dit, depuis quelques années internet a pris le relais, y compris pour les maisons traditionnelles. C'est aujourd'hui un vrai catalogue qui a permis le développement de la vente à distance. Ce n'est pas une petite affaire pour l'économie puisque 80 000 emplois sont concernés.
La vente à distance présente beaucoup d'avantages pour les consommateurs. Ils peuvent ainsi faire leurs courses à la maison, sans stress, quand ils ont le temps. C'est intéressant aussi pour l'entreprise, car il n'y a pas nécessité de « scénarisation » au magasin, ce qui réduit de beaucoup les frais de magasinage. La possibilité de développer une clientèle à distance permet en outre à de nombreuses petites entreprises installées en milieu rural d'avoir une vraie zone de chalandise et des clients répartis sur un large territoire. Ce phénomène est donc plutôt favorable au développement de notre économie.
J'ajoute que les colissimos ont permis à La Poste d'accroître son trafic de 35 % en quatre ans, ce qui n'est pas un luxe eu égard à la situation dans laquelle vous l'avez mise.
Mais ce mode de vente pose également quelques problèmes, car quand il y a des « pépins », ce sont souvent de gros pépins qui ont des conséquences importantes pour le consommateur. C'est par exemple le cas du produit qui a été payé mais jamais livré. Ou bien, ce qui peut être pire, du produit livré avec un tel retard que le consommateur en a acheté un autre ailleurs. Se posent alors les problèmes évoqués par différents orateurs pour obtenir un remboursement. C'est également le cas lorsqu'un produit livré en port payé est gardé par le livreur pour s'assurer du paiement, exerçant ainsi une forme de chantage à la livraison. Nous avons connu cette situation avec la CAMIF. Ce sont enfin les cas de faillites qui peuvent générer des situations dans lesquelles les transporteurs ont accepté de la marchandise mais ne seront jamais payés pour la livraison.
Cette proposition de loi répond-t-elle à ces problèmes ? Certes, l'encadrement est amélioré. Mais il serait vain de croire que tous les risques sont écartés.
D'abord, l'article 3, interdisant aux transporteurs de réclamer le port, ne va-t-il pas les amener à garder le produit, ou à refuser de le transporter s'ils n'ont pas l'assurance d'être payés ? Dans ce cas, le consommateur ne verra même pas le produit arriver chez lui, et la situation sera donc pire qu'aujourd'hui.
Deuxième élément : le cas du consommateur défavorisé, sur lequel nous reviendrons au moment de l'étude des amendements. Il n'est pas normal que l'on améliore quelque peu les conditions de remboursement avec des taux d'intérêt aussi faibles. Imaginons la situation d'un consommateur ayant effectué son achat par un crédit à la consommation – dont le taux peut atteindre 20 % – et qui aura droit à un remboursement, selon la dernière proposition, à un taux de seulement 6,5 %. Le consommateur sera alors le dindon de la farce, alors même que le crédit lui aura parfois été octroyé par l'intermédiaire du fournisseur. Cette assemblée examinera bientôt la question du crédit à la consommation, mais, une fois encore, on ne peut considérer que l'ensemble des problèmes posés a été réglé par le présent texte.
Autre question en suspens : celle des risques pour l'entreprise de vente. À quel moment doit-on informer que l'entreprise connaît des difficultés ? Trop tôt, le risque est d'accentuer les difficultés de l'entreprise en créant un vent de panique. Trop tard, la mesure sera complètement inopérante. Je n'ai pas de réponse à cette question, mais je ne pense pas que ce texte en apporte non plus.
Pour ce qui est de la forme, vous avez vous-même reconnu que, depuis un certain temps, cette assemblée légifère par petits bouts. Le code de la consommation a été rédigé bien avant l'avènement de la carte de crédit. À l'époque, on payait en liquide ou en chèque. Mais plutôt que de proposer un texte refondateur qui tienne compte des nouvelles évolutions des pratiques de consommation ainsi que des pratiques financières, on s'en tient à un pansement posé ici ou là. Et dans notre cas, le pansement me paraît à peine assez grand pour la situation et les besoins qui sont exprimés.
Autre observation sur ce sujet : vous condamnez les consommateurs au recours individuel. Et chacun sait bien que le recours individuel est très compliqué – je pense que beaucoup parmi nous l'ont pratiqué. Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, et, d'une manière générale, l'interlocuteur du consommateur individuel – y compris le liquidateur judicaire, le cas échéant – ne se presse pas de répondre au consommateur individuel. Cela nous amène à ré-évoquer ce qui serait la vraie solution : l'action de groupe.