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Intervention de Joseph Maïla

Réunion du 13 janvier 2010 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Joseph Maïla :

C'est une question qui est plus directement du ressort du bureau central des cultes. Pour notre part, nous sommes confrontés, au niveau européen et international, à un manque d'harmonisation dans la définition des sectes. Chez nous, sur le fondement du principe de laïcité, nous ne nous intéressons pas à ce à quoi croit une secte, mais à des conséquences autres qui tombent sous le coup de la loi : comportements délictuels tels que détournements de fonds et emprise sur les esprits. C'est ce que expliquons à nos amis d'Europe et d'Amérique du Nord qui, parfois, imaginent que notre république laïque poursuit des personnes à cause de leurs croyances.

Non, l'arrestation et l'emprisonnement de Mme Clotilde Reiss n'ont rien à voir avec la dimension religieuse des conflits. Comme l'a dit le ministre des affaires étrangères, c'est probablement une conséquence de notre réaction aux élections truquées du 12 juin 2009 et de nos prises de position fermes sur le nucléaire.

La relation entre argent et religion est un sujet central, monsieur Cochet. Dans le contexte de mondialisation, la circulation des religions et le prosélytisme ne vont pas sans une sorte d'adjuvant financier. Certains États jouent le rôle de promoteurs pour la construction de lieux de culte, pour la diffusion des textes sacrés, et prennent des positions très fermes au sujet de la diffamation des religions. Pour certains mouvements, l'argent n'est pas contradictoire avec la doctrine religieuse. L'islam ne fait pas de l'argent un tabou, contrairement au catholicisme. Quant aux églises évangéliques, elles voient dans la réussite économique individuelle une sorte de signe de l'élection divine, dans la plus pure tradition calviniste et plus généralement protestante.

Quoi qu'il en soit, certaines organisations bénéficient de dotations considérables. Des megachurches commencent à apparaître en Afrique, au Togo et au Cameroun. Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, abrite plus de 1 000 lieux de culte évangélique. En France même, où les Églises protestantes sont en train de se fédérer, on peut voir notamment en Seine-Saint-Denis, du fait du courant évangélique, les églises pleines le dimanche.

La laïcité que nous défendons n'est pas « à la papa ». C'est une laïcité nécessaire, qui est également constitutive de la philosophie de l'Union européenne. Nous sommes les promoteurs d'une laïcité ouverte et tolérante, qui intègre la reconnaissance des religions et garantit le culte. C'est ce que nous ne cessons de répéter à ceux qui craignent des discriminations fondées sur la religion.

Sur la question des droits de l'Homme, le monde occidental est aujourd'hui quelque peu cerné. On le constate à l'occasion des débats au Conseil des droits de l'Homme à Genève. Notre universalisme ne va plus de soi : il nous faut faire une pédagogie de l'universel. Nos valeurs sont assurément issues d'une tradition judaïque et chrétienne mais nous sommes passés au-delà, avec la Révolution française, la philosophie des droits de l'Homme et la Déclaration universelle de 1948. Nous nous employons donc à expliquer que cet universalisme n'est pas une occidentalisation déguisée mais un universalisme de recoupements, où l'on vérifie constamment que nos valeurs ne sont pas en contradiction avec celles des autres.

Monsieur de Charette, je m'efforcerai de transmettre fidèlement vos messages au ministre des affaires étrangères. Je partage votre angoisse au sujet des chrétiens d'Orient. Outre la radicalisation à laquelle on assiste en Irak ou en Égypte, il faut constater le délitement et l'affaiblissement démographique des communautés chrétiennes. À cause de la guerre, le nombre des chrétiens d'Irak est passé de 1,2 million à 500 000 ou 600 000. Les populations chrétiennes de Palestine ou du Liban connaissent aussi une érosion. Les diasporas chrétiennes se développent: il y a aujourd'hui à Montréal, à Santiago du Chili, à Cambera ou à Sydney plus de chrétiens d'Orient qu'à Beyrouth, à Jérusalem ou à Bethléem. La seule solution est de travailler au règlement du conflit israélo-arabe, et en particulier de la question de Jérusalem.

Je suis bien d'accord avec vous, la renaissance du monde musulman doit être reconnue dans ses aspects positifs. On assiste à un renouveau de la pensée musulmane dans le sens de plus de libéralisme et de moins de théocratie. En Europe, notamment, est en train de naître un nouvel islam qui assimile la culture de la laïcité.

Il existe cependant deux modèles en Europe. Certains États acceptent de façon naturelle le phénomène multiculturel. En Belgique, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, les communautés ont pignon sur rue, elles ont leurs hôpitaux et leurs écoles. Pour sa part, la France défend le modèle laïque. Mais dans le cadre de cette laïcité, devenue positive et ouverte – sans être remise en cause dans ses principes –, on observe une évolution des mentalités et des pratiques, la volonté de dialogue l'emportant sur l'affichage de l'indifférence. Et à l'inverse, certains pays, comme la Grande-Bretagne, se demandent s'ils ne sont pas allés trop loin dans la voie de la communautarisation et avancent vers la laïcité.

J'ai bien pris note de vos remarques sur la burqa, mais il ne m'appartient pas de décider si des argumentaires pourraient éventuellement être communiqués au Parlement.

Monsieur Kucheida, la laïcité est avant tout la séparation institutionnelle des sphères et l'organisation de la tolérance et du vivre-ensemble.

En ce qui concerne l'Afghanistan, on se rend compte progressivement que le phénomène taliban est d'abord une exacerbation religieuse du nationalisme pachtoune. Il importe donc de résoudre les problèmes d'entente entre communautés pour affaiblir les liens avec Al-Qaïda et les mouvements talibans. On ferait grandement avancer les choses en dégageant un vouloir-vivre ensemble entre Tadjiks, Hazaras, Balouches et Pachtounes.

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