En France, nommer un représentant spécial est une exception. Pierre Lellouche a été le premier, alors que les États-Unis ont pour tradition de nommer ainsi un représentant par zone et par problématique. À l'exception des États-Unis et de la France, avec Richard Holbrooke et moi-même, la totalité de la trentaine de pays disposant d'un représentant spécial pour l'Afghanistan et le Pakistan ont choisi des diplomates. Le côté positif de notre choix, c'est qu'un parlementaire a davantage l'habitude de brusquer les rythmes administratifs et d'intervenir directement auprès des ministres ; c'est sans doute pourquoi la France est parvenue si rapidement à mobiliser des crédits. L'inconvénient majeur, c'est qu'un parlementaire en mission est nommé pour six mois au maximum. Si ce statut est adapté pour des missions circonscrites dans le temps, il est difficile, en seulement six mois, de créer le climat de confiance nécessaire avec ses interlocuteurs. Je suggérerai donc au Président de la République de trouver un système assurant une plus grande assise dans la durée.
Le discours politique des autorités pakistanaises est très clair, c'est exactement celui que nous avons envie d'entendre, mais, sur le terrain, ils distinguent souvent entre les talibans pakistanais et afghans, ces derniers semblant épargnés. La situation a commencé à évoluer depuis juillet, ce dont témoignent les offensives dans la vallée de Swat et dans le Sud-Waziristan, qui ont marqué une vraie détermination de l'armée pakistanaise. Mais nous ne serons pleinement convaincus que le jour où elle pénétrera au Nord-Waziristan. Le Pakistan entre dans une période qui pourrait s'avérer instable politiquement, le président Zardari risquant de perdre son poste, si la loi d'amnistie dont il a bénéficié est cassée par le conseil constitutionnel. Le Pakistan n'est pas l'Afghanistan ; l'État y existe, avec ses qualités et ses défauts, ses services officiels et officieux. Ce pays est avant tout intéressé par une coopération militaire en matière d'armement. La difficulté, pour nous, consiste à l'aider dans la contre-insurrection sans vexer le grand voisin indien, en définissant très finement les équipements susceptibles de lui être fournis. Leur autre demande importante concerne la formation. Notre coopération avec le Pakistan se limite à ces deux volets.
À chaque rencontre avec un officiel pakistanais, celui-ci se dit blessé que la situation de son pays et celle de l'Afghanistan soient assimilées, dans la mesure où nous nommons des représentants spéciaux pour ces deux pays, alors même que ceux-ci se trouvent dans des configurations très différentes.
Parmi les voisins de l'Afghanistan, il ne faut pas oublier non plus le Tadjikistan, le Kirghizistan et le Turkménistan, pays dans lesquels je me suis rendu : si les Pakistanais vont au bout de leur action militaire, ces pays craignent que les forces insurgées se déplacent chez eux, d'autant qu'ils ne disposent pas des mêmes forces militaires. En tout cas, tous trois tiennent le même discours à notre endroit : nous devons rester en Afghanistan car, à défaut de régler le problème, nous le fixons.
Les forces françaises, partout où elles interviennent, ont pour tradition d'ouvrir largement les consultations du service de santé des armées à la population civile. Cela fonctionne très bien, leur action est appréciée.
Il faut analyser les montants alloués à l'aide civile, car pour les amplifier, chaque pays cherche à agréger des dépenses différentes, parfois dépourvues d'impact réel sur le terrain. Nous devons nous situer entre la dixième et la quinzième position. L'effort accompli depuis deux ans est important mais encore insuffisant. Néanmoins, nos concitoyens sont-ils prêts à entendre qu'il faudrait dépenser 20 à 40 millions d'euros supplémentaires ? Nous conduisons de petits projets, alors qu'en Kapisa, le vrai enjeu est celui de l'électrification, projet qui requiert un partenariat avec les Allemands, les Kazakhs ou les Azéris. Pour installer durablement des activités, il faut produire un minimum d'énergie.