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Intervention de Antoine Sfeir

Réunion du 8 décembre 2009 à 16h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Antoine Sfeir, journaliste, directeur des Cahiers de l'Orient :

Je suis aussi le premier vice-président de l'Observatoire international de la laïcité, que j'ai fondé avec M. Jean-Michel Quillardet.

Au risque de vous choquer, je dois sans doute ma connaissance de l'islam à l'un de mes maîtres jésuites de Lyon, qui m'avait humilié devant mes camarades en disant : « Antoine, tu es pitoyable en arabe. Va apprendre le Coran par coeur ». Depuis, je fais de la recherche sur le Coran et la sunna, la tradition du Prophète. Je ne suis pas musulman, mais un chrétien d'Orient – on dit cela comme si c'était une espèce en voie de disparition – qui s'adresse, entre autres, à des chrétiens, qui ne sont que d'Occident pour moi.

Il est essentiel de revenir aux sources du voile. Dans la sourate 24, verset 31, il est dit que les croyantes doivent « ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît. Qu'elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges ! ». Dans le verset 59 de la sourate 33 – « O Prophète , dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des Croyants de serrer sur elles leurs voiles ! » – le terme employé – jalabib – désigne un vêtement couvrant le corps du cou jusqu'aux chevilles. C'est le seul endroit où le voile est cité clairement. Il est également dit ailleurs qu'un hijab doit séparer les croyantes des croyants au moment de la prière du vendredi. Le terme employé désigne non pas un voile, mais un tissu aux larges dimensions, que l'on dispose à la façon d'une tenture pour soustraire aux yeux lubriques des hommes le visage des femmes.

Le niqab est apparu à la fin du VIIe siècle, avec l'émergence de ce qui allait devenir l'école juridique et théologique des hanbalites, du nom d'Ahmed ben Hanbal, un croyant pieux dont la doctrine peut se résumer à « après le prophète, rien de nouveau ». Celui-ci a été relayé par une série de théologiens, dont le Syrien Ahmad ibn Taymiyya, au XIVe siècle, et surtout le Saoudien Mohammed Abdel Wahhab, au XVIIIe siècle. Celui-ci donnera naissance au wahhabisme, auquel se réfèrent actuellement les monarchies saoudienne et qatari.

Le XXe siècle voit l'émergence des islamistes, mais aussi de ceux que nous appelons, hélas trop communément, les salafistes – de salaf, le vrai, le pur –, qui prônent le retour à la pratique observée du temps du Prophète. Ce sont des courants d'idées et d'opinion organisés avec une méthodologie de recrutement, dans une visée strictement politique.

Le premier d'entre eux, celui des Frères musulmans, naît en Egypte. Il s'élève à la fois contre la monarchie d'origine albano-macédonienne et contre les accords Sykes-Picot, signés par la France et la Grande-Bretagne, qui prévoyaient, en 1916, le partage du Moyen-Orient. Les Frères musulmans accusent les colonisateurs de dépecer la oumma, la grande communauté des musulmans.

L'islam est un concept transcendantal. Ce que le Prophète a dit en substance aux habitants de Médine, c'est : «  vous n'appartenez plus à la tribu, au clan ou à votre famille, mais à l'islam. Votre seule identité est d'être un muslim, quelqu'un qui se soumet à Dieu ».

En tant que citoyen, j'admets que la mission procède à l'audition de personnes venant d'horizons divers. Mais je ne peux qu'être surpris, Monsieur le président, par le fait que vous ayez décidé d'auditionner un citoyen suisse qui affiche quasiment son imposture intellectuelle.

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